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“Ces incendies sont imparables”, un seul élément peut les contrer

Une goutte froide, des vents très violents et une sécheresse de plusieurs mois expliquent l’intensité des incendies à Los Angeles. Un douloureux rappel des conséquences du changement climatique.

Les 14 et 15 janvier, des vents secs et chauds enveloppaient encore la région de Los Angeles, frappée depuis le 7 janvier par des incendies de forêt particulièrement intenses qui ont touché principalement les quartiers d’Altadena (incendie d’Eaton), Sylmar (incendie de Hurst), Pacific Palisades et Malibu (Palisades). feu). La multiplication de ces incendies et leur intensité étaient surprenantes car, si La Californie est une région propice à leur développement, ils sont rares en hiver. Depuis le début des années 2000, seuls deux incendies majeurs ont été recensés durant cette période.

Les résultats démontrent la gravité de la situation : 24 mortsdes dizaines de milliers de personnes évacuées, certaines 12 000 maisons, bâtiments et véhicules détruitset des dégâts estimés à « des dizaines de milliards de dollars », selon le président Joe Biden. Comment expliquer la concomitance de ces incendies, leur puissance et leurs effets dévastateurs ? Éléments de réponse avec Françoise Vimeux, climatologue, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) en , et Mélanie Rochoux, géophysicienne, directrice de recherche au Centre européen de recherche et de formation avancée en informatique scientifique (Cerfacs) à Toulouse.

1. Qu’est-ce qui explique l’intensité des incendies de Los Angeles ?

« A ce stade, nous ne disposons pas d’informations précises sur l’origine des incendies. Neuf fois sur dix, elles sont initiées par l’action humaine. Cela peut être volontaire ou involontaire. Il peut s’agir de lignes à haute tension dont la chute, due aux rafales de vent, a créé quelques étincelles dans la végétation sècheou simplement des activités de jardinage, qui sont aussi sources d’étincelles », explique Françoise Vimeux sur l’origine des incendies. Le 14 janvier, Le Washington Post a révélé que l’incendie dans le quartier de Pacific Palisades s’est déclaré dans une zone où les pompiers étaient intervenus pour éteindre un incendie déclenché par des feux d’artifice le 31 décembre. Une autre origine humaine possible.

Concernant leurs causes plus profondes, le climatologue pointe la superposition de deux phénomènes. « Premièrement, nous avons une situation météorologique extrêmeC’est courant dans les cas de méga-incendies, avec beaucoup d’air froid à haute altitude au-dessus de la zone métropolitaine de Los Angeles, c’est ce que nous appelons une goutte froide. Cela provoque des vents qui descendent les pentes et finissent en surface au niveau de la mer. Cette situation est classique à cette période de l’année, mais ce qui est ici extrême, c’est la violence des vents avec des rafales pouvant atteindre 160 km/h. En plus de ces vents, la goutte froide crée de l’air très sec dans les basses couches de l’atmosphère. Nous avons enregistré des niveaux d’humidité qui ne sont presque jamais observésde l’ordre de 1% sur certains bulletins météo. La situation est donc extrêmement favorable aux départs et à la propagation des incendies. Ensuite, à cela se conjugue une tendance de fond, à savoir une sécheresse depuis plusieurs mois dans la région, avec des sols et une végétation très secs. Los Angeles n’a reçu que quelques millimètres de pluie depuis mai. La végétation s’enflamme d’autant plus facilement en hiver et est donc assez vulnérable au feu. « Avec des sols secs, le feu peut se propager plus facilement. »

À ces constats, Mélanie Rochoux ajoute un élément supplémentaire. « L’une des explications de l’intensité de ces incendies est qu’il y a UE beaucoup de pluie l’hiver dernier en Californie. Cela a permis à la végétation de pousser très fortement au printemps. Ensuite, il y a une sécheresse depuis l’été 2024, avec très peu de pluie, pas plus de cinq millimètres. Cela a créé une grande quantité de végétation morte. C’est cela qui alimente en premier lieu l’incendie et qui lui permet de se propager à très grande vitesse. C’est donc la combinaison de fortes précipitations il y a un an, de la croissance des plantes au printemps et de la sécheresse qui fait qu’il y a des combustibles disponibles. D’une manière générale, les grands incendies sont le résultat de la combinaison entre la météo (air sec et chaud), la présence de combustibles morts et le soulagement. Les incendies ont tendance à se développer plus rapidement sur les terrains en pente. Le vent permet aux flammes de se propager plus rapidement. Et s’il y a du combustible disponible, alors tous les ingrédients sont présents pour que l’incendie se développe et devienne difficile à contrôler, comme c’est le cas dans la région de Los Angeles, où les trois éléments sont présents dans une mesure marquée. .»

Les pompiers ont parfois rencontré des problèmes techniques d’approvisionnement en eau pour lutter contre des incendies particulièrement puissants. © GETTY

2. Le changement climatique a-t-il un effet ?

« La Californie est une région habituée aux sécheresses. Mais le changement climatique accentue la situation, argumente Françoise Vimeux. Cela augmente l’intensité et variabilité du cycle de l’eauet donc il pleut. Résultat : des années humides, comme en 2022 et 2023, alterneront avec des années sèches. Le changement climatique augmentera l’intensité, la durée et la fréquence des périodes de sécheresse, mais celles-ci ne seront pas nécessairement présentes chaque année. Nous pouvons également connaître des années avec des quantités de pluie extrêmes. L’impact du changement climatique sur les régimes de précipitations n’est pas facile à comprendre. Il agit dans les deux sens et peut avoir un effet différent sur les événements extrêmes et sur la tendance à long terme. Toutefois, à cette échéance, La Californie s’assèchera en moyenne au cours de l’année. Au sens climatique du terme, les moyennes s’établissent au minimum sur une période de dix ans, plutôt sur 20 à 30 ans.

« Avec le changement climatique, les incendies se répètent de plus en plus souvent dans les mêmes zones et peuvent aussi toucher de nouvelles zones auparavant épargnées », ajoute Mélanie Rochoux. On assiste notamment à une intensification des incendies dans les régions au climat méditerranéen comme la Californie ou le pourtour méditerranéen. Cela a des conséquences sur les sols mais aussi sur la reconstruction des écosystèmes. Et cela, à son tour, peut accroître la gravité des incendies. Climat, dynamique de la végétation et incendies étant intrinsèquement liés. C’est aussi ce qui complique les choses.

Le directeur de recherche au Cerfacs en tire également des enseignements plus généraux. « Les incendies sont tous deux une conséquence et un facteur aggravant du changement climatique. Une conséquence car nous savons que le changement climatique entraînera davantage de sécheresses et des températures plus anormalement élevées dans les zones méditerranéennes, ce qui rendra la végétation est plus facilement inflammable. Mais les incendies sont aussi un facteur aggravant car s’ils affectent gravement la végétation, ils affectent sa capacité à se régénérer. Ils risquent de provoquer des modifications de l’écosystème. Les espèces peuvent ne pas réussir à se régénérer. Les grands incendies peuvent également avoir un effet sur l’atmosphère. Par exemple, les incendies dans le sud-est de l’Australie en 2019-2020, d’une ampleur jamais observée auparavant, peuvent être considérés comme des éruptions volcaniques modérées, capables d’injecter des particules, ou aérosols, dans la haute atmosphère. Cela pourrait avoir un impact sur le climat, même si cela fait l’objet de recherches actives pour mieux le comprendre et le quantifier. Les incendies individuels prennent désormais une telle ampleur qu’ils ont la capacité deaffecter notre système terrestretant pour la végétation que pour l’atmosphère. Reste à mieux comprendre ces interactions. Pour moi, les grands incendies sont l’un des porte-drapeaux du changement climatique. Ils montrent que la nature est stressée à travers nos actions et leurs effets », résume Mélanie Rochoux.

« Les grands incendies sont l’un des porte-drapeaux du changement climatique. Ils montrent que la nature est mise à rude épreuve par nos actions.

3. Des phénomènes similaires en Europe ?

« Oui, sur le pourtour méditerranéen, juge Françoise Vimeux. Durant l’été, le sud de la France connaîtra de moins en moins de pluie à mesure que le réchauffement se poursuit. La situation de sécheresse deviendra de plus en plus grave. Et quand il pleuvra, les pluies seront beaucoup plus intenses qu’avant. C’est ce qu’on appelle la variabilité croissante du cycle de l’eau et son intensification. Cela s’applique à plusieurs échelles de temps, soit au sein d’une saison, soit d’une année sur l’autre, voire d’une décennie sur l’autre. Tout cela sera également modulé par la variabilité naturelle du climat qui, pour la France par exemple, influence la pluviométrie. Le risque d’incendie dans les zones méditerranéennes, en Espagne, en France, en Italie, en Grèce, va augmenter. Il progresse partout. En France, c’était déjà important dans le sud-est et ça le sera encore plus. Et des régions, jusqu’à présent peu exposées, verront les risques augmenter : la Bretagne, le centre, le massif du Jura… Avec un réchauffement de plus 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, que nous atteindrons d’ici 2050 Si les engagements des pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre n’augmentent pas très rapidement, environ 60% du territoire verront leur risque d’incendie augmenter.

Il faudra des dizaines de milliards de dollars pour reconstruire les quartiers de Los Angeles détruits par les incendies. © GETTY

4. Un défilé vers les incendies de Los Angeles est-il possible ?

« Malgré ce qu’on peut dire, nous n’avons pas les moyens de lutter contre des incendies d’une telle intensité. La seule chose qui peut les réduire, c’est un changement de météo, par exemple si les vents se calment dans le cas de Los Angeles… Les pompiers pourront alors contenir les incendies, juge Mélanie Rochoux. Mais si des vents très forts reprennent, le risque montera à nouveau en flèche. Les pompiers ne peuvent protéger que les personnes et les infrastructures les plus critiques. L’intensité de ces incendies est trop grande. Nous n’avons pas les moyens de les arrêter et nous ne pourrons pas les arrêter. Ces incendies sont imparables sans changement des conditions météorologiques.

Il convient donc de travailler en priorité sur la prévention. La situation particulière de Los Angeles fournit un exemple de ce qui peut être réalisé notamment en matière d’urbanisme. « Dans ces régions méditerranéennes densément peuplées, les habitations sont souvent construites à proximité des forêts », constate le géophysicien du Cerfacs. Si l’incendie atteint cet endroit, cela crée de nombreux risques pour les personnes et les infrastructures liés directement à l’incendie mais aussi à la pollution induite par l’incendie. De plus, les maisons californiennes sont très souvent construites en bois. Cela peut causer phénomènes de sautes de feu, c’est-à-dire des projections dans l’air de particules incandescentes, provoquant potentiellement de nombreux incendies. Cette proximité entre les forêts et les habitations pose problème.

« Avec un réchauffement de plus de 2°C, environ 60 % des terres verront leur risque d’incendie augmenter. »

5. Les politiques sont-ils conscients des enjeux ?

« Aux Etats-Unis, avec l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump et les propos qui ont été tenus ces dernières semaines, je ne suis pas sûre », confie Françoise Vimeux. En France en revanche, la prise de conscience est réelle. Mais le délai entre la prise de conscience et l’action semble toujours énorme. Mais évidemment, une forte adaptation sur nos territoires des services d’urgence mais aussi des moyens de prévention sera nécessaire à l’avenir, elle sera même cruciale pour éviter d’inconcevables pertes humaines et matérielles.

 
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