La demande de cocaïne n’a jamais été aussi forte en France. Au total, 1,1 million de personnes en ont consommé au moins une fois par an en 2023, selon la dernière étude de l’Observatoire français des drogues et tendances addictives (OFDT), publiée mercredi 15 janvier. C’est presque le double du nombre enregistré la précédente. rapport (600 000 personnes), qui couvrait 2022.
Dans le détail, 2,7 % des adultes interrogés ont expérimenté la cocaïne en 2023 (3,9 % des hommes et 1,6 % des femmes), a détaillé l’OFDT dans d’autres résultats révélés en juin 2024. Près d’une personne sur dix (9,4 %) déclare l’avoir déjà fait. en ont consommé au cours de leur vie (13,4% chez les hommes, 5,5% chez les femmes).
La France est désormais le septième pays européen où la consommation de psychoactif est la plus élevée. Pourquoi une telle augmentation ? Franceinfo énumère les facteurs expliquant cette augmentation.
La production mondiale atteint un niveau record
Les trois principaux pays producteurs – Colombie, Bolivie et Pérou – n’ont jamais produit autant de cocaïne, avec 2 700 tonnes en 2022 contre 1 134 tonnes en 2010, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime. Cette augmentation de la production de poudre blanche est visible à l’autre bout de la chaîne, puisque les autorités françaises ont saisi 23,5 tonnes de cocaïne en 2023, contre 4,1 tonnes en 2010.
Sur les onze premiers mois de 2024, près de 47 tonnes de cocaïne ont été saisies par les services français. Ces dernières années, nous avons observé un « la diversification des routes de la cocaïne avec le rôle important des Antilles françaises comme zones de transit vers le continent »», constate l’OFDT. La Guyane française est devenue plus récemment « une source directe via le trafic muletier »précise l’organisme public.
Un prix globalement en baisse, pour un contenu en hausse
Le prix du gramme de chlorhydrate de cocaïne est en baisse depuis 2018, puisqu’il est passé de 70 euros le gramme cette année-là, à 66 euros en 2023, toujours selon l’OFDT, qui s’appuie sur les chiffres de l’Office anti-stupéfiants (Ofast). ). L’accessibilité à la cocaïne devient plus facile « par ventes fractionnées » : il peut être vendu “le demi gramme à 30 ou 40 euros” ou pour de petits montants via « ‘cachets’ vendus 15 ou 20 euros », explique l’OFDT.
Une très nette augmentation de la pureté de la cocaïne a également été observée ces dix dernières années, avec un taux moyen sur le territoire français « qui atteint 73% en 2023 contre 49% en 2013 »selon les données de la médecine légale nationale en 2023, citées par l’OFDT.
Des pratiques commerciales toujours plus sophistiquées
Les vendeurs de médicaments améliorent constamment leurs techniques de vente afin de toucher un plus large éventail de consommateurs. “Les pratiques de merchandising et de marketing continuent de s’améliorer, de nombreux réseaux de circulation s’appuyant sur des packagings attractifs, des promotions, l’offre de goodies, des photos et vidéos soigneusement retouchées, mobilisant par exemple l’utilisation de drones ou de plans séquences.constate l’OFDT.
L’organisation souligne que « la livraison de médicaments à domicile continue de s’étendre à de nouveaux territoires (villes secondaires, voire petites, comme en Picardie ou dans la Meuse) et de s’améliorer (avec par exemple la possibilité de suivre sa commande par un système GPS) ». Certains consommateurs admettent même se faire livrer les médicaments par « route postale » notamment pour éviter le « contact physique avec un membre d’un réseau de trafiquants ».
L’efficacité des ventes peut également s’expliquer par “spécialisation” augmentation des différents acteurs de la chaîne de revente, qui se répartit entre «gestion des stocks de produits, de leurs conditionnements, approvisionnement depuis le point de vente, surveillance en cas d’arrivée de la police, revente aux clients” ou même « gérer les comptes sur les réseaux sociaux ».
Une augmentation de la consommation de « crack »
Les chercheurs de l’OFDT constatent une forte augmentation de la consommation de « à base de cocaïne »soit « la forme solide et fumable du produit »mieux connu sous le nom de « crack ». Depuis la fin des années 2010, cet usage constitue « la tendance la plus frappante en matière de consommation de drogues parmi les personnes marginalisées ».
Pour l’année 2023, les centres d’accueil et d’accompagnement de réduction des risques pour les usagers de drogues (Caarud) et les centres de prise en charge, d’accompagnement et de prévention des addictions (Csapa) signalent une augmentation de la consommation de cocaïne à base de drogue. « parmi les nombreuses personnes vivant dans la rue ». La baisse des prix rend l’achat de cocaïne sous cette forme plus facile qu’auparavant, notamment dans certaines villes comme « Rennes, Lyon ou Grenoble », où le “caillou” et le “gâteau de crack” sont vendus « entre 10 et 20 euros ». “Quand on mendie, c’est plus rapide de récolter 10 euros [pour acheter du crack déjà prêt à consommer] que 30 euros [pour acheter un demi-gramme de cocaïne chlorhydrate que la personne basera ensuite elle-même]“explique à l’OFDT un professionnel originaire d’un Caarud en Bretagne.
Ces établissements médico-sociaux destinés à accueillir et suivre les consommateurs, déplorent « l’insuffisance des moyens existants pour lutter contre la dépendance à la cocaïne ». Ils regrettent particulièrement « l’absence de traitement médicamenteux efficace, comme ceux proposés pour la dépendance aux opioïdes ».
Une « banalisation » de l’image de la cocaïne
Interrogée par l’AFP, Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’OFDT, constate un certain « banalisation de l’image de la cocaïne, drogue devenue « familière » et perçue comme « moins dangereuse » qu’il y a vingt ans ». Un autre rapport de l’OFDT réalisé en mars 2023, faisant le point sur l’état du marché de la cocaïne et de sa consommation en France depuis les années 2000, montre que la notoriété de ce produit stupéfiant a augmenté entre 1999 et 2018.
La consommation de cocaïne apparaît également de moins en moins comme une pathologie : la proportion de personnes interrogées estimant que ceux qui consomment de la cocaïne le font “parce qu’ils ne trouvent pas leur place dans la société” (37%) ou “à cause de problèmes familiaux” (32%) est de plus en plus faible et « de plus en plus proche de celui du cannabis», constate l’OFDT. Une part importante des personnes interrogées (39%) considère que la consommation de cocaïne « peut être un choix de vie ».
“Alors que dans les années 1980 et 1990, la consommation de cocaïne concernait principalement des personnes issues de milieux sociaux privilégiés, proches du monde du spectacle, ou au contraire du public marginalisés en dehors du marché du travail (…), il est maintenant consommé dans de nombreux catégories de la population active (salariée ou non) »peut-on lire dans le rapport de mars 2023. Et l’OFDT ajoute : « L’expérimentation de la cocaïne touche désormais les personnes travaillant dans tous les secteurs professionnels. »
Une consommation accrue pour « rester au travail »
La distribution de cocaïne reste cependant plus répandue dans certains secteurs d’activité, à commencer par celui de l’hébergement-restauration (près d’un expérimentateur sur dix appartient à ce groupe professionnel, « trois fois plus que la moyenne »), expliquait l’OFDT il y a deux ans. Vient ensuite le secteur des arts, du spectacle et des services récréatifs (18 % des expérimentateurs, jusqu’à 26 % chez les hommes), puis celui de l’information et de la communication (9,7 % des expérimentateurs).
En outre, « sans que cela soit mesuré par des enquêtes en population générale, par les pouvoirs publics et les professionnels des métiers de la mer, notamment en Bretagne, font état d’une consommation commun parmi les pêcheurs »soulignent les chercheurs de l’OFDT. Ces derniers citent le ministère de la Transition écologique, selon lequel « la consommation de substances psychoactives chez les marins français est supérieure à celle observée chez les travailleurs des autres secteurs d’activité ».
« L’évolution des conditions de travail » semble être un facteur d’augmentation de la consommation de cocaïne chez les actifs qui en consomment pour « continuer à travailler, soit pour supporter des horaires de travail intensifs, soit pour faire face à la pénibilité des conditions de travail »souligne Ivana Obradovic.
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