« Voetsek ! » Effacé ! » ; « Vous répondrez de vos crimes ! » » Alors que les ministres de la police et des mines se rendaient mardi 14 janvier sur le site de Stilfontein, où se déroulent les opérations de secours, des habitants en colère ont refusé de les laisser parler, les accusant du meurtre de leurs proches.
« Les ministres sont sur les lieux de leur crime. Nous sommes ici pour porter plainte pour meurtre de masse. »a insisté Mametlwe Sebei, avocat de l’ONG Lawyers for Human Rights, avant que les ministres ne disparaissent dans une cohorte de véhicules tout-terrain.
Deux kilomètres de profondeur
Depuis lundi, une opération de sauvetage imposée par la justice à la mine d’or désaffectée de Stilfontein, à 150 km au sud-ouest de Johannesburg, a remonté à la surface 154 mineurs illégaux et 60 corps. Une cage actionnée par un treuil hisse les morts et les vivants depuis le fond, situé à près de 2 000 mètres de profondeur. Les survivants, escortés par la police jusqu’aux ambulances, flottent dans des vêtements rapiécés désormais trop grands pour leurs corps émaciés, voire squelettiques. Ils voient le jour pour la première fois depuis des mois.
En août 2024, la police sud-africaine a lancé son opération « Vala Umgodi » (« fermer le trou » en zoulou) à Stilfontein, qui vise à traquer les mineurs illégaux dans les mines d’or abandonnées. Ils font partie d’une économie parallèle souvent infiltrée par des organisations criminelles.
Postée devant les trous béants servant d’entrées, la police a coupé l’approvisionnement en nourriture et en eau aux centaines de mineurs souterrains, afin de les expulser. Une méthode dénoncée par les communautés locales et les organisations de défense des droits de l’homme qui, contrairement à la police, n’ont cessé d’affirmer que les mineurs illégaux ne pouvaient pas refaire surface sans assistance.
« Les policiers ont menti en disant que seule la peur d’être arrêtés les empêchait de remonter. Cela voudrait dire qu’ils préféraient le suicide de masse ! »dénonce Mametlwe Sebei.
« Fumez les criminels pour qu’ils s’en aillent »
Les yeux rivés sur les camions mortuaires qui passent à toute vitesse, Patrick fait partie des 1 500 rester (« ceux qui essaient », en zoulou), arrêtés par la police ces derniers mois. Sous caution, il affirme avoir quitté la mine, par une autre entrée, en décembre 2024. «J’ai dû grimper. Nous étions à 1 300 mètres sous terre, cela m’a donc pris cinq jours. C’était horrible, il y avait des cadavres sur le chemin, des mineurs qui n’avaient pas réussi à se relever, c’était comme un film d’horreur. Un de mes compagnons est également tombé. »
Descendu en juillet, Patrick devait rester deux mois au fond de la mine, avec l’espoir d’exhumer quelques pépites d’or. “C’était ma première fois”dit le quadragénaire, chaussé de ses bottes en caoutchouc. « Je n’avais pas le choix, j’ai six enfants, il fallait que je trouve une solution pour les nourrir. » Il affirme que la police les a ensuite empêchés de remonter à la surface, obligeant les mineurs à mourir progressivement de faim. “J’ai vu des gens manger des cafards, et même de la chair humaine”assure le père.
Lundi, une vidéo diffusée par une ONG de défense des communautés touchées par les activités minières montrait ce qui semblait être des dizaines de restes enveloppés dans les profondeurs des galeries. L’ONG estime que plus d’une centaine de mineurs sont morts de faim et de soif.
Le gouvernement continue de défendre l’opération, affirmant qu’elle était nécessaire pour lutter contre l’exploitation minière illégale, « une attaque contre l’économie »selon le ministre des Mines, Gwede Mantashe. « S’il y a quelque chose à changer par rapport aux mineurs illégaux, c’est qu’il faut intensifier la lutte contre cette activité »a-t-il déclaré mardi.
En novembre, le ministre à la présidence s’est montré tout aussi inflexible : « Nous allons enfumer les criminels pour qu’ils s’en aillent. »
——-
Dans les années 1970, l’Afrique du Sud produisait plus des deux tiers de la production mondiale d’or et employait 500 000 personnes dans ce secteur.
Depuis, de nombreuses mines ont été ferméesnotamment dans la province du Transvaal, au nord-est, car même si les réserves restent importantes, il faut creuser de plus en plus profondément et le métal est de moins bonne qualité.
Aujourd’hui, la production a chuté de 90% et le secteur emploie moins de 100 000 personnes. Dépassée par la Chine, le Ghana et le Mali, l’Afrique du Sud peine désormais à se maintenir dans le classement des dix premiers producteurs.
Related News :