Le long article est signé par plusieurs dizaines de spécialistes de l’obésité. Ils ont convenu de redéfinir la manière dont cette condition est définie, ainsi que les problèmes qu’elle représente sur le plan médical. Le sujet est très délicat car il suscite régulièrement d’âpres débats qui dépassent la seule communauté médicale. On sait que l’obésité est associée à un large éventail de pathologies comme le diabète ou les maladies cardiovasculaires. Mais pour certains observateurs, une personne obèse peut parfois vivre en bonne santé et son excès de poids ne doit alors être considéré que comme un facteur de risque.
Avis contraires
Pour d’autres, l’obésité est nécessairement un problème de santé, qui doit être considéré comme une maladie en soi. C’est le point de vue de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce débat recouvre en partie des questions liées à la lutte contre les discriminations. Certains militants anti-fatphobie estiment qu’il ne faut pas stigmatiser leur apparence corporelle en la jugeant pathologique. Il serait cependant caricatural de résumer la controverse à une opposition entre patients et médecins. Parmi les premiers, nombreux sont ceux qui estiment essentiel de considérer l’obésité comme une maladie, afin d’être prise au sérieux et de mettre en œuvre des politiques de santé publique suffisamment ambitieuses.
A l’inverse, pour de nombreux médecins, on risque de mal répondre aux besoins des patients si l’on considère l’obésité comme une maladie unique, au lieu d’être un facteur de risque impliqué dans des pathologies très variables d’un patient. à l’autre. Ces questions deviennent particulièrement aiguës avec l’arrivée de traitements très efficaces pour perdre du poids, dont l’emblématique Wegovy. Si leurs effets secondaires posent encore question, doivent-ils être administrés très largement ou réservés aux patients dont l’état de santé est le plus touché ?
L’IMC ne suffit pas
Au final, “personne n’a complètement raison et personne n’a complètement tort”, a déclaré Francesco Rubino, chirurgien spécialiste de l’obésité qui a présidé les travaux de la commission d’experts, lors d’une conférence de presse. Car les nouvelles recommandations cherchent à nuancer : en résumé, l’obésité est une maladie… Mais pas tout le temps. Les experts insistent d’abord sur un point qui fait désormais consensus. L’éternel indice de masse corporelle (IMC), qui reflète le rapport entre le poids et la taille, est totalement insuffisant.
Il faudrait le compléter par d’autres examens pour déterminer si un patient est obèse : mesurer son tour de taille par exemple, ou, grâce à des techniques de radiologie, estimer la quantité de graisse dans le corps. Mais même si un patient est déclaré obèse, les experts ne jugent pas nécessairement que cela doit être considéré comme une maladie. Selon eux, ce n’est que si les organes présentent des signes de dysfonctionnement que l’obésité devient « clinique ». Sans cela, ils appellent à parler d’obésité « préclinique ». Il ne s’agirait alors pas d’une maladie mais d’un état qui nécessite essentiellement des mesures préventives, et pas nécessairement des traitements médicamenteux ou chirurgicaux, afin d’éviter une « surmédicalisation ».
En 20 ans, le surpoids et l’obésité ont considérablement augmenté en France
Selon les déclarations d’individus relevées par des enquêtes renouvelées depuis deux décennies par Santé publique France (baromètres de 1996 à 2017), les niveaux de surpoids (indice de masse corporelle > 25 kg/m2) et d’obésité (IMC > 30) chez les adultes métropolitains La France reste élevée, justifiant l’intensification des politiques de prévention.
Mécontentement
Ces conclusions se veulent consensuelles, mais elles risquent de mécontenter les deux camps. Certaines associations de patients ne veulent tout simplement pas entendre que l’obésité n’est pas toujours une maladie. “C’est contre-productif sur le message de santé publique”, estime Anne-Sophie Joly, fondatrice du Collectif national des associations obèses (CNAO), très virulente contre des experts déconnectés d’une “réalité de terrain” vécue par des patients obèses ne trouvant pas de suivi adéquat.
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