Une biographie de Vladimir Poutine par Jean-Robert Raviot pour comprendre un homme complexe, qui a marqué l’histoire de la Russie et du monde depuis 25 ans.
Jean-Robert Raviot, Vladimir Poutine et la Russie. Biographie politique d’un monarque au 21e sièclee siècle. Analyse des enjeux russes, Vincennes, Frémeaux et associés, 2025, 142p, 20 €.
Dans cet ouvrage, Jean-Robert Raviot, politologue et spécialiste de l’histoire politique de la Russie post-soviétique, s’attache à créer une biographie de celui qui a dirigé le plus grand pays de la planète depuis un quart de siècle, Vladimir Poutine. . Dans les trois chapitres qui composent son ouvrage, Jean-Robert Raviot revient sur le parcours de Poutine jusqu’à son accession à la présidence en 2000, puis s’intéresse à l’évolution de ses positions et de son image au cours de ses quatre mandats. qu’il a déjà terminé. Dans le contexte de la guerre russo-ukrainienne qui a pu mettre en lumière une opposition croissante entre l’Occident et une « majorité mondiale » (p.108) composée notamment des BRICS+ et regroupant plus de la moitié de la population mondiale, l’analyse L’évolution des discours et des actions du président russe depuis les années 2000, souvent omise dans le débat public, s’avère essentielle.
La difficulté du sujet
Dès l’introduction de l’ouvrage, Jean-Robert Raviot souligne la difficulté de l’exercice : il est très difficile de rester « objectif, distancié et encore moins exhaustif » (p.21) dans l’écriture d’une biographie de Vladimir Poutine, autour de laquelle gravitent des faits établis, des récits construits, des rumeurs et autres légendes, parfois véhiculées dans des documents officiels et dans l’autobiographie qu’il a publiée en 2000. S’appuyer sur ces sources officielles , ainsi que divers ouvrages consacrés au système politique russe et à la vie de Vladimir Poutine, tantôt critiques, tantôt élogieux, Jean-Robert Raviot propose un récit vif et ponctué de citations, malgré quelques fautes de frappe et licenciements.
Dans le premier chapitre, Jean-Robert Raviot aborde les quarante-huit premières années du futur chef de l’Etat russe, né en 1952 dans une Léningrad marquée par le souvenir de la Grande Guerre patriotique et de son blocus meurtrier. Évoquant les légendes contredisant ou embellissant la biographie officielle de Poutine, Jean-Robert Raviot revient sur l’image d’un « écolier » (dvorovy maltchik) qui aurait trouvé l’autodiscipline dans la pratique du judo, désormais élément central de son image. Après des études de droit, Poutine rejoint le KGB en 1975 et est envoyé en République démocratique d’Allemagne entre 1985 et 1989, où il est témoin des premiers signes de l’effondrement de l’Union soviétique et du bloc de l’Est. Dans ce chapitre, Jean-Robert Raviot s’intéresse à l’entourage du futur président, rencontré d’abord sur les tatamis, avec Anatoli Rakhline et Arkadi Rotenberg, acteurs majeurs du la sportsocratie (Aubin, 2020). A son retour en Russie, il se rapproche d’Anatoly Sobchak, futur maire de Saint-Pétersbourg et allié de Boris Eltsine. Dans la Russie des années 1990, nouveau « Temps des Troubles » (p.114), Vladimir Poutine intègre progressivement les instances dirigeantes tout en tissant des relations entre le « clan de Pétersbourg » et la « Famille » d’Eltsine, jusqu’à devenir chef du FSB, successeur de au KGB, en 1998.
Un homme de Boris Elstine
En pleine crise économique et politique, Vladimir Poutine devient Premier ministre en 1999, puis président en 2000, dans ce qui est parfois présenté comme un concours de circonstances. Dans le deuxième chapitre de son ouvrage, Jean-Robert Raviot analyse comment Poutine a réussi à sortir la Russie de dix années de chaos. Pour la première fois depuis 1991, le président dispose d’une majorité parlementaire, grâce à la création du parti en 1999. Unitéqui a remporté les élections législatives et s’est uni en 2001 avec d’autres partis pour fonder Russie unie. Poutine, qui se présente comme un homme d’action, met progressivement sur la touche les oligarques et les membres de la « Famille », vestiges de la période eltsinienne, tout en menant des réformes fiscales, administratives et juridiques, afin de « restaurer la verticale du pouvoir ». et « établir la dictature de la loi ». Pour Jean-Robert Raviot, c’est le début du poutinisme, une démocratie administrée caractérisée par le renforcement et la recentralisation de l’État russe afin d’en faire à nouveau une grande puissance mondiale, qui s’avère être l’un des piliers de la popularité de Vladimir Poutine. en Russie. Cependant, la démocratie administrée se transforme peu à peu en « système autoritaire et plébiscitaire » (p.87), alors que Poutine se présente à la présidentielle de 2012 après que Dimitri Medvedev soit devenu président, et qu’un mouvement d’opposition dirigé par Alexeï Navalny se lève.
Poutine et ses légendes
Le troisième chapitre est une tentative d’écrire la « mythographie » (p.95) de Vladimir Poutine en décrivant ses légendes – dans un double sens à la fois actuel et issu du monde de l’espionnage et en décrivant les dynamiques qui ont conduit à l’émergence d’un régime autoritaire et anti-terroriste. Tournant occidental du dirigeant russe et de sa politique.
Les prémices de ce tournant apparaissent en 2007-2008, avec le discours de Munich puis le sommet de l’Otan, où Poutine dénonce un monde unipolaire centré autour des Etats-Unis et de l’Otan, qui s’étend ensuite vers l’Europe par l’Est, aux portes de l’ancien Républiques soviétiques. Si les deux premiers mandats de Poutine ont été marqués par une politique orientée vers l’Europe, son retour au pouvoir en 2012 a marqué un tournant anti-américain et anti-occidental que Jean-Robert Raviot qualifie non pas de nationaliste et d’eurasiste, mais de volonté de revenir à l’Europe. des valeurs européennes traditionnelles que l’Europe progressiste aurait abandonnées. Dans ce contexte, le rapprochement de la Russie avec la Chine et les autres pays du groupe BRICS puis BRICS+ n’est pas tant une alliance qu’un partenariat destiné à favoriser l’émergence d’un nouvel ordre mondial dans lequel l’Occident et ses idées s’avèrent être en la minorité. Ce chapitre combine analyse politique et analyse d’images et de légendes tournant autour de la personnalité de Vladimir Poutine, désormais parfois « hitlérisée » (p. 109-112) dans le discours occidental. Jean-Robert Raviot interroge son image, son rapport à l’argent, sa vie privée et son entourage, évoquant son ex-femme, ses filles, ou encore le regretté Evgueni Prigojine qui incarne une autre part du tournant autoritaire du poutinisme, que les assassinats de son opposants, à commencer par celui de Boris Nemtsov en 2015.
Qu’est-ce que le poutinisme ?
Comme fil conducteur de ce travail construit sur un modèle chronologique, on retrouve un certain nombre de questions sur la nature du régime russe. Le poutinisme est-il la fin de la démocratie en Russie ? Le régime Poutine est-il tyrannique et absolu ? Vladimir Poutine gouverne-t-il en monarque et à quel tsar peut-il être comparé ? Sur quels ressorts repose l’image du président russe ? Quelle est l’immortalité des « deux corps du roi » (Kantorowicz, 1957), à savoir l’image de Poutine et le poutinisme lui-même ? En répondant à ces questions, Jean-Robert Raviot décrit la dynamique qui a conduit Vladimir Poutine à la présidence, pour y rester, et pour entraîner la Russie dans une « nouvelle guerre froide » contre l’Occident (Raviot, 2016).
L’objectif de l’ouvrage, affiché dans son sous-titre, est autant de présenter la biographie de l’un des hommes politiques les plus célèbres de la planète, que d’analyser les discours et les actes qui ont conduit à la situation géopolitique que l’on connaît, tout en soulignant les ombres et la légende entourant le président russe et ses décisions, ainsi que les différentes interprétations des mêmes faits en Russie et à l’étranger. Quelques points auraient cependant mérité leur place dans ces travaux, comme la question du Kosovo, revenue à de nombreuses reprises dans le discours de Vladimir Poutine depuis 2008 pour justifier son soutien aux républiques séparatistes de Géorgie (Abkhazie, Ossétie du Sud). et Ukraine (Donetsk, Lougansk). Un autre thème, qui, selon Jean-Robert Raviot, mériterait une étude beaucoup plus approfondie, est celui de l’iconographie de Vladimir Poutine, aujourd’hui à la fois utilisée par le régime russe et détournée sur les réseaux sociaux grâce à mèmesun nouveau mode d’expression numérique. L’analyse proposée par Jean-Robert Raviot reste néanmoins complète et permet d’identifier une personnalité que l’on oublie souvent de contextualiser.
Related News :