L’Insee a enregistré une baisse des naissances de 2,2% en France l’an dernier par rapport à 2023. Un changement profond des mentalités et de la société entraîne une baisse du nombre moyen d’enfants par femme.
La formule a suscité beaucoup de réactions. En janvier dernier, Emmanuel Macron appelait à un « réarmement démographique », afin de relancer une natalité en baisse. Un an plus tard, la situation n’a pas changé.
L’Insee révèle ce mardi 14 janvier que la fécondité a continué de baisser en 2024 : 663 000 naissances l’an dernier, soit 2,2 % de moins qu’en 2023 et 21,5 % de moins qu’en 2010, année du dernier pic des naissances.
L’année dernière, le nombre moyen d’enfants par femme était de 1,62. Le niveau le plus bas depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Pour l’heure donc, ce « réarmement démographique » souhaité par Emmanuel Macron ne semble pas s’être imposé.
Fin de l’exception démographique française
Comme le rappelle sur BFMTV.com Hervé Le Bras, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), entre 2000 et 2012, l’indicateur synthétique de fécondité était d’environ 2 enfants par femme puis a augmenté. a commencé à décliner. “Il y a eu une chute brutale en 2023 et ça continue”, explique le spécialiste.
On observe un alignement des pays européens autour de 1,5 enfant par femme en moyenne. “Les pays qui avaient encore un niveau assez élevé comme la France, l’Irlande ou les pays nordiques sont en baisse et ceux qui étaient déjà bas stagnent voire augmentent à nouveau, un peu comme le Portugal ou l’Allemagne”, illustre Hervé Le Bras.
La France est longtemps restée une exception démographique qui, selon Hervé Le Bras, s’explique par « la stigmatisation de l’enfant unique » restée tenace dans le pays. “Depuis les années 1930, les gens disaient que ce n’était pas bien et que l’enfant allait s’ennuyer”, explique-t-il, affirmant que cette idée est en train de changer, ce qui a forcément des conséquences.
Une conséquence de l’inégalité entre les sexes
Sur RMC, Didier Breton, professeur de démographie à l’université de Strasbourg, constate une « diminution de la pression sociale à avoir un enfant, qui permet aux individus de ne pas en avoir et une part un peu plus importante de couples qui ont encore deux enfants, voire un ». .
De plus, l’indicateur de fécondité est étroitement lié aux relations et à l’égalité entre les femmes et les hommes. Ainsi, il existe depuis longtemps en France une volonté de « concilier vie familiale et vie professionnelle », c’est-à-dire de ne pas opposer la famille à l’emploi. “Ça a réussi parce que les femmes étaient moins qualifiées, elles travaillaient finalement double journée (leur journée de travail puis s’occupaient des enfants et du foyer, NDLR) et leur carrière était ‘moins importante'”, explique Hervé Le Bras.
Aujourd’hui, la situation est différente. En effet, les femmes sont désormais plus qualifiées que les hommes « et il n’y a plus de raison pour elles de sacrifier leur carrière », rapporte le démographe. Surtout, comme le montrent différentes enquêtes de l’Insee, le partage des tâches domestiques reste très inégalitaire, sans progrès notable.
Source d’inquiétude pour l’avenir
Alors, une baisse de la natalité, est-ce grave, docteur ? Pour Hervé Le Bras, à court et moyen terme, vers 20 ans, « pas du tout ». “Cela entraînera une réduction des coûts d’éducation et les couples auront plus de revenus”, affirme-t-il.
Le problème se pose davantage à l’âge d’entrée sur le marché du travail pour ces générations, où il peut avoir des conséquences sur les coûts des retraites et des soins de santé. « Concernant le système des retraites, il y a en moyenne une réforme tous les quatre ans, il est temps de voir », commente néanmoins Hervé Le Bras.
Toutefois, la démographie reste une source d’inquiétude pour de nombreuses personnes, qui voient dans la baisse de la fécondité un mauvais signal pour l’avenir. Et ce n’est pas nouveau. « Dès le début du XIXe siècle, la baisse de la fécondité en France provoque le sentiment d’être dépassé par les autres : il y a toujours le sentiment qu’il faut avoir beaucoup d’enfants pour être puissant », raconte Hervé Le Bras.
Cependant, cette vision n’est pas la même partout puisque certains pays, depuis des siècles, se soucient de la croissance démographique, comme au Royaume-Uni, berceau du malthusianisme, ou en Allemagne, où il fut même temps d’imposer un impôt sur le mariage pour limiter les naissances (ce qui n’a finalement conduit qu’à une augmentation des naissances hors mariage).
Les démographes observent par ailleurs qu’il n’existe aucune preuve d’une relation entre croissance économique et croissance démographique : l’Allemagne a mieux réussi économiquement que la France en ayant une fécondité plus faible et la Chine est la deuxième puissance mondiale avec une moyenne de 1,1 enfant par femme.
Quelles solutions ?
Alors que faire si l’on souhaite, comme Emmanuel Macron, relancer les naissances en France ? Hervé Le Bras le concède : il est très difficile de stimuler la natalité. Il cite par exemple le cas de l’augmentation des allocations familiales qui « ne donne pas de résultats sérieux ».
Selon le spécialiste, ce qui pourrait avoir un « petit effet », c’est que « les entreprises et les administrations soient plus flexibles sur les horaires », par exemple en cas d’enfant malade ou de problème à l’école.
Sur RMC, Julien Damon, professeur à Sciences Po et spécialiste des politiques familiales, estime que ce qui motivera ou non les couples à avoir un enfant dépend notamment de la qualité du service public de la petite enfance, comme « permettre aux futurs parents d’avoir un enfant ». place en crèche ou faire appel à une assistante maternelle.
Depuis sa conférence de presse en janvier 2024 et l’annonce de sa volonté de « réarmer démographiquement » le pays, aucune annonce forte n’a été faite. « Emmanuel Macron parle mais il n’y a rien qui suit », déplore Hervé Le Bras.
La population continue d’augmenter
Malgré cette baisse de la fécondité constatée à nouveau en 2024, la population française continue d’augmenter. Le solde naturel s’élève à +17.000 l’an dernier (différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès) quand le solde migratoire est à +152.000 personnes (différence entre le nombre de personnes entrées sur le territoire et le nombre de personnes qui en sont sorties).
« Cette migration, majoritairement très jeune, s’ajoute aux naissances », résume Hervé Le Bras.
Le démographe cite par exemple le cas de l’Allemagne qui, comme la France, compte 23% d’habitants âgés de plus de 65 ans, malgré une fécondité plus faible.
Related News :