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La nuit où Pointe-du-Lac a explosé

Le 14 janvier 2005, il est 2h30 du matin. Le village dort. Au loin, on entend le bruit des sirènes des camions de pompiers. La lumière des feux clignotants perce l’obscurité. Les pompiers se préparent à attaquer un incendie à la Pizzeria Grand Constant. Un feu comme les autres ? Non, car au même moment, 300 mètres plus loin rue Notre-Dame, une odeur de gaz flotte dans l’air. Une cascade d’événements improbables se produit. Un fil électrique tombe sur une borne de gaz. Un tuyau fond et du carburant s’écoule. Les villageois dorment et sont loin de se douter que le danger couve sous leurs lits. Le sol est saturé de gaz naturel et… ça va exploser.

Pompier volontaire Claude Dupont

Claude Dupont était pompier volontaire à Pointe-du-Lac. Il a procédé à l’évacuation des résidents alors que les bâtiments explosaient autour de lui.

Photo: - / Yoann Dénécé

Vers 2h30 – Claude Dupont combat l’incendie de la Pizzeria Grand Constant lorsqu’un policier vient prévenir la brigade qu’une forte odeur de gaz se dégage du village. Il a à peine le temps de tourner son regard vers la rue principale. Il y a eu une première explosion, « boum ». J’ai vu une maison de quatre logements dans le ciel. Le bloc s’était élevé dans les airs, mais il est retombé en place, étant un peu démoli.

Les pompiers se précipitent dans le village pour évacuer les habitants. Ils frappent à toutes les portes. Nous avons vu des blessés partout. Il y avait une dame brûlée à l’arrière de la boulangerie. Nous avons utilisé la petite maison située derrière comme hôpital de campagne.

Les gens courent vers l’église pour échapper aux explosions, encouragés par les pompiers qui pénètrent dans les maisons. Je suis allé chez Mme Alice pour m’assurer qu’elle était partie. En quittant la maison, en mettant le pied sur le porche, ça a fait boum. Je suis tombé à genoux. Je me suis retourné et la maison avait disparuse souvient Claude Dupont, toujours incrédule. La petite maison centenaire est époustouflée par l’épicerie d’à côté.

Abasourdi, Claude Dupont se relève, bien décidé à se battre.

Jeanne Duguay, la conjointe du chef des pompiers

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Jeanne Duguay était l’épouse du chef des pompiers de Pointe-du-Lac, aujourd’hui décédé, Normand Hélie.

Photo: - / Yoann Dénécé

Jeanne Duguay est réveillée par l’alarme de son partenaire. Normand Hélie est directeur des incendies à Pointe-du-Lac. Elle s’assoupit en espérant que ce soit une fausse alerte, mais son Norman ne revient pas. Avant que le soleil ne se lève, son téléphone sonne. C’est Normand en ligne : Jeanne, le village est en feu. C’est l’enfer. Elle regarde par la fenêtre et, au loin, elle aperçoit le ciel orange. Elle se souvient que la voix de Normand tremblait. Car comme la majorité des pompiers, c’est le village où il a grandi et c’est surtout là que vivait encore sa famille.

Il voulait que je vienne chercher sa mère, son oncle Victor, son oncle Maurice qui habitait le village, puis une dame Fernande pour les ramener chez nous.dit Jeanne Duguay.

Lorsqu’elle arrive au village, elle constate que le sol est surchauffé sous ses pieds. Une vision apocalyptique décrite par de nombreux intervenants ayant combattu cette nuit-là. Elle récupère ses proches au bout de la rue, qu’elle hébergera finalement pendant un mois.

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Le chef des pompiers du secteur Pointe-du-Lac en 2004, Normand Hélie

Photo : -

Normand Hélie est décédé en 2014, à l’âge de 58 ans. Ce n’est pas facile, la vie d’un pompier. Mais vous savez, il a combattu tellement d’incendies. Ce feu était quelque chose de grand, et il l’a rongé pendant longtempselle a remarqué.

Il savait que lui et son peuple avaient fait tout ce qu’ils pouvaient, au mieux de leurs connaissances, au mieux de leurs capacités, selon ce qu’ils savaient et ce qu’ils pouvaient faire. ajoute-t-elle.

Dans une entrevue remontant au matin des événements, Normand Hélie dressait ce bilan : Ce fut une journée difficile car la plupart des pompiers venaient de Pointe-du-Lac. Ils ont grandi dans le village. Ils connaissaient les personnes qu’ils allaient évacuer. L’adrénaline était à son maximum. J’étais content de mes gars.

Hydro-Québec employee Jean-Paul Pépin

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Jean-Paul Pépin a secouru les habitants. L’employé d’Hydro-Québec a été appelé pour se rendre sur la rue Notre-Dame afin de réparer un bris du réseau électrique.

Photo: - / Yoann Dénécé

En pleine nuit, Jean Paul Pépin se gare sur la rue Notre-Dame pour réparer une coupure du réseau électrique. L’employé d’Hydro-Québec constate qu’un fil moyenne tension est coupé. Les événements s’enchaînent rapidement : l’incendie de la pizzeria, les premiers secours qui viennent au village et simultanément, l’odeur de gaz qui devient omniprésente. Sur place, les hommes commencent à se rendre compte que l’improbable est en train de se produire. Le sol est en ébullition. Une première explosion se produit. C’est la maison de quatre logements qui vient d’exploser.

Je suis tombé par terre. Quand je me lève, j’aperçois une dame sur la galerie de l’immeuble qui n’a plus de toit, mais plus de maison non plus. . Le bâtiment est étrangement démonté, mais la femme est bien réelle. Jean-Paul Pépin monte les escaliers. Elle m’a dit : « Je suis brûlée, monsieur. Il parvient à la faire descendre dans un escalier qui leur glissait sous les pieds.

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C’est tout ce qui reste de l’immeuble qui a subi la première explosion. L’escalier a servi à sauver la femme qui habitait à l’étage. (Photo : 14 janvier 2005)

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Il a à peine le temps de la mettre en sécurité qu’une nouvelle explosion retentit. C’est la boulangerie qui vient de exploser. Les gens vivent à l’étage. Le parquet du second était tombé sur celui du premier. Il y avait deux personnes qui avaient glissé sur le sol pour sortir des décombres. Jean-Paul Pépin leur tend la main. L’homme était en sous-vêtements. Son corps était plein de sang. La dame portait une veste.

Jean-Paul Pépin doit vivre avec ces images de personnes horrifiées et brûlées.

Une personne a perdu la vie, sept autres ont été blessées.

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Un poteau d’Hydro-Québec a résisté à l’incendie tandis que tout brûlait autour de lui.

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Cinq bâtiments ont été détruits le 15 janvier 2004 : un immeuble d’habitation, une maison centenaire, la boulangerie et une petite épicerie. Deux autres bâtiments ont été fortement endommagés.

Ils partageaient une cave en pierre. Les gaz qui ont envahi le sol ont pénétré jusque dans les sous-sols. Une seule étincelle suffisait à créer une explosion. Normand Hélie avait également ordonné que les fenêtres des maisons soient brisées pour laisser échapper le gaz.

L’enquête a déterminé qu’un fil électrique endommagé est tombé au sol sur un terminal de Gaz Métro (qui s’appelle maintenant Energir). Le tuyau a fondu. Le carburant s’est échappé.

Il a fallu quatre heures après le début de l’incendie pour que la fuite soit stoppée.

Tous ceux qui ne veulent plus en parler

Il y a beaucoup de gens qui veulent oublier. Depuis 20 ans, le village s’est renouvelé. Certains résidents sont décédés, d’autres ont déménagé et certains vivent toujours au même endroit. Ce qu’ils ont en commun, c’est le traumatisme. Des images, des bruits, des cris, de la chaleur, des odeurs, de la peur et cela a acquis la conviction qu’à tout moment le sol pouvait imploser.

Des images d’archives tournées le 15 janvier 2004 montrent des villageois sous le choc, des gens qui témoignent avoir couru dans la nuit froide en robes de chambre pour sauver leur vie.

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    Les gens ont défilé sur la rue Notre-Dame pour constater les dégâts et découvrir ce qui reste de leur village.

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    Le cœur du village de Pointe-du-Lac a été détruit.

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    L’incendie a détruit plusieurs bâtiments. (Photo : 14 janvier 2005)

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Les gens ont défilé sur la rue Notre-Dame pour constater les dégâts et découvrir ce qui reste de leur village.

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Les gens ont défilé sur la rue Notre-Dame pour constater les dégâts et découvrir ce qui reste de leur village.

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Photo album: Pointe-du-Lac explosion

Aujourd’hui, malgré une longue carrière de pompier, Claude Dupont évite les feux d’artifice, qui lui rappellent les explosions.

De retour sur les lieux des incendies, Jean-Paul Pépin se perd dans ses pensées, incapable de parler, submergé par les émotions. J’y pense à chaque fois que je passe dans la rue. Je revis cette nuit.

Normand Hélie savait que l’incendie avait laissé des cicatrices psychologiques chez plusieurs collègues. Il avait commencé à recueillir des témoignages écrits de ses pompiers.

Les premiers orateurs ont refusé de nous parler, marqués à vie. Claude Dupont se souvient de ce cauchemar récurrent qui le réveillait chaque nuit. Il essayait d’éteindre un incendie sur un bateau. J’étais sur un bateau avec un avion en feu. Ensuite, j’ai couru partout pour essayer de trouver un tuyau d’arrosage, probablement parce que je n’avais pas arrosé pendant la nuit.

Le pompier s’est rendu compte qu’il ne tenait pas de tuyau d’arrosage dans ses mains. Il s’est plutôt occupé de la logistique, à la demande de son patron. Il a finalement consulté et les mauvais rêves ont cessé.

Pourtant, assis dans la boulangerie reconstruite après l’incendie, Claude Dupont devient pensif. Son village a changé. D’autres logements ont été construits, de nouveaux visages sont apparus, mais l’innocence est restée bloquée en 2005 alors que tout le village aurait dû dormir au chaud sous les couvertures par cette froide nuit de janvier.

 
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