“L’antiquaire de mode” Didier Ludot dans sa boutique du Palais Royal avant sa fermeture, à Paris, le 8 janvier 2025 (AFP / Anna KURTH)
Après plus de 50 ans de vente de haute couture vintage à Paris, Didier Ludot s’apprête à baisser le rideau de sa boutique du Palais-Royal et vendra ses dernières pièces lors d’une vente aux enchères le 30 janvier.
Implanté depuis 1974 au cœur de la capitale, son magasin, simplement nommé « Didier Ludot », s’est imposé au fil des années comme une référence incontournable dans son domaine.
Mais aujourd’hui, celui qui se fait appeler « l’antiquaire de la mode » prend sa retraite. “Je me sens un peu déconnecté de cet environnement maintenant”, a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse cette semaine.
« J’ai vécu une période extraordinaire, où les femmes qui venaient au magasin étaient passionnées. Maintenant, on a une clientèle qui achète du vintage parce que c’est à la mode mais qui ne sait même pas enfiler une haute tenue couture”, a déploré le septuagénaire.
Pièces haute couture appartenant au collectionneur de mode Didier Ludot dans sa boutique du Palais-Royal, à Paris, le 8 janvier 2025 (AFP / Anna KURTH)
“Les femmes qui achètent maintenant, surtout les jeunes, n’ont aucune culture de la mode”, a-t-il insisté.
Ces dernières années, Didier Ludot a entrepris de revendre sa collection à travers plusieurs ventes aux enchères.
– Passion Saint Laurent –
Celle du 30 janvier, organisée par Bonhams Cornette de Saint Cyr et intitulée « Dernier passage », propose 380 modèles de Balenciaga, Dior, Chanel, Madame Grès, Givenchy, Lanvin et même Yves Saint Laurent, un créateur à qui le collectionneur a toujours eu une passion.
Pas moins de 75 pièces du créateur figurent au catalogue, dont 20 prototypes de défilés, Didier Ludot avouant n’avoir jamais pu refuser d’acheter une tenue Saint Laurent.
C’est la collection « Libération » du couturier en 1971, inspirée de la mode des années 40 marquée par la guerre, qui lui donne le goût du vintage.
« À cette époque, on parlait de « rétro », pas de « vintage », explique-t-il.
Même si le recueil a été critiqué par la presse pour ses références au Paris sous l’Occupation, il a conquis le public.
Le jeune Breton, parti étudier à Paris à l’École supérieure des arts modernes, écume alors le marché d’Aligre pour acheter des robes, des sacs en croco ou des étoles en renard argenté qu’il revend à des amis.
En 1974, à l’âge de 22 ans, il achète un local de 6 m2 dans le quartier du Palais-Royal. « Je ne pouvais même pas redresser mes jambes », se souvient-il.
Il revend les bijoux Art Déco qu’il a trouvés avec sa mère, avant que les femmes du quartier ne lui déposent leurs affaires.
« J’ai commencé à porter trois robes, des sacs en crocodile… C’est devenu trop petit, alors j’ai acheté une boutique à côté. Et puis un autre, qui s’est spécialisé dans la haute couture», rembobine-t-il.
Le collectionneur de mode Didier Ludot pose devant sa boutique au Palais-Royal, à Paris, le 8 janvier 2025 (AFP / Anna KURTH)
Sa boutique est devenue célèbre dans le monde entier, accueillant Demi Moore, Julia Roberts, Nicole Kidman et Catherine Deneuve.
Didier Ludot a notamment habillé Reese Witherspoon en 2006, pour la cérémonie des Oscars au cours de laquelle elle a été sacrée meilleure actrice pour son rôle dans “Walk the Line”.
« Elle a obtenu l’Oscar grâce à la robe… et à son talent », concède malicieusement le collectionneur.
– Tout doit disparaître –
Cette célèbre robe, modèle Dior de 1956, est introuvable au catalogue de cette dernière vente.
De l’autre, il y a les modèles « Sévillane » et « Coquine », deux célèbres robes du soir de Saint Laurent pour Christian Dior sorties en 1959, un tailleur en tweed ivoire de la dernière collection créée par Gabrielle « Coco » Chanel en 1971, un robe de soirée en tulle Jean Dessès de 1952 ou une robe bustier noire Balenciaga de 1957.
Autant de modèles qui seront exposés du 24 au 29 janvier dans les locaux du Bonhams Cornette de Saint Cyr, dans le 8e arrondissement de Paris.
Une vente en ligne est également prévue du 23 janvier au 3 février.
Pièces de haute couture appartenant au collectionneur de mode français Didier Ludot, dans sa boutique des Galeries du Palais-Royal à Paris, le 8 janvier 2025 (AFP / Anna KURTH)
Au final, il ne devrait plus rien rester de cette collection constituée depuis plus d’un demi-siècle. Didier Ludot assure que cela ne le dérange pas. « Je ne porte pas ces robes, je les ai dans la tête. Ils seront donc toujours à moi », sourit-il.
Et quelle est la prochaine étape ? « J’ai eu la chance de rencontrer des gens formidables comme Azzedine Alaïa, Gianfranco Ferré, Karl Lagerfeld… Peut-être que ça deviendra un livre. Entre les deux, nous nous reposerons.
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