Commentaires recueillis par Benjamin Moisset
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8 janvier 2025 à 19h00mis à jour sur
8 janvier 2025 à 19h27
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S’adressant au « Nouvel Obs », le sociologue Sébastien Roux, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des Etats-Unis, prévient qu’il ne faut pas toujours prendre au sérieux les déclarations de Donald Trump… Mais qu’il faut en revanche se demander ce qu’il y a derrière. : une vision ultra-conservatrice et réactionnaire.
Il veut “fusionner” Le Canada avec les États-Unis. Mais il souhaite aussi la restitution du canal de Panama » en entier et sans discussion » ou que le Groenland est « une partie de notre nation ». A l’approche de son retour à la Maison Blanche le 20 janvier, Donald Trump multiplie les déclarations tonitruantes… et expansionnistes. Il les a encore réitérés mardi lors d’une conférence de presse depuis sa résidence de Mar-a-Lago en Floride, où les annonces concrètes ont été entrecoupées d’exagérations, comme à son habitude.
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Les pays concernés ont dû apporter des réponses fermes, refusant d’accepter. «Jamais, au grand jamais, le Canada ne fera partie des États-Unis» le premier ministre démissionnaire Justin Trudeau a dû se justifier. « Le Groenland appartient aux Groenlandais » a ajouté son homologue danoise Mette Frederiksen. La souveraineté du Panama sur le canal “n’est pas négociable” a déclaré le ministre des Affaires étrangères de ce pays, Javier Martinez-Acha. C’est ” une forme d’impérialisme » a conclu Sophie Primas, porte-parole du gouvernement français ce mercredi 8 janvier. Pour le sociologue Sébastien Roux, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des Etats-Unis, s’il ne faut pas toujours prendre au sérieux les déclarations de Donald Trump, il faut se demander ce qu’il y a derrière. …
Pourquoi Donald Trump cible-t-il le Groenland, le Canada et le canal de Panama ?
Sébastien Roux Les États-Unis ont des intérêts dans ces territoires. Premièrement, au Groenland, ils disposent d’une base militaire qui leur permet d’être présents dans le monde arctique. Ils y ont aussi des intérêts commerciaux car, avec le réchauffement climatique et la fonte des glaces marines, les voies de transport maritime vont être plus nombreuses. Enfin, les ressources naturelles du sol groenlandais les intéressent aussi, elles sont potentiellement exploitables.
Ensuite, au Canada, il existe évidemment des intérêts économiques et sécuritaires très forts. Les deux pays sont par exemple liés par l’alliance aérienne « Norad ». Donald Trump a rappelé que, pour lui, le Canada devait aux États-Unis des centaines de millions, voire des milliards de dollars.
Enfin, pour le canal, il faut savoir qu’il a été restitué par les États-Unis au Panama. [le 31 décembre 1999, NDLR]. Mais Donald Trump estime que cette rétrocession va à l’encontre des intérêts américains dans la guerre commerciale qui les oppose à la Chine.
Au-delà de ces territoires, que vise Donald Trump avec ses déclarations ?
Dans sa vision, en tout cas, l’ennemi est la Chine. Il multipliera sûrement les déclarations en ce sens indépendamment des autres acteurs, qui apparaissent comme des pions. Il faut s’attendre à de nouveaux commentaires tout aussi choquants sur Taiwan par exemple. Même si la Chine, pour l’instant, n’entre pas du tout dans ce jeu. Ce sont plutôt les États-Unis, autour de Donald Trump, qui s’enferment dans une rhétorique guerrière.
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Mais il vise aussi l’Europe. Déjà parce que le Groenland est un territoire du Danemark. Cela montre le mépris et l’ignorance de Donald Trump à l’égard des Européens. Ces déclarations sont une forme de test, pour voir comment la partie adverse réagit. Mais aussi une manière de pointer la désunion européenne qui caractérise, pour lui, la faiblesse de l’Union. Enfin, ces déclarations constituent aussi une attaque très directe contre des territoires américains comme les îles Vierges, les Samoa américaines ou Porto Rico, qui ne sont pas reconnus comme des États à part entière. En même temps, il promet que le Canada sera le 51e État… Il s’en est pris à beaucoup de gens en se considérant perturbateur.
Faut-il prendre au sérieux ces tentatives d’expansion ?
En soi, c’est absurde. Vous ne verrez pas demain des soldats américains arriver au Groenland, au Canada ou au Panama. Il s’agit d’abord d’une technique rhétorique souvent utilisée par Donald Trump : demander l’impossible pour obtenir plus que prévu initialement. De plus, c’est sa stratégie politique d’occupation constante de l’espace médiatique.
Ensuite, cela permet de dénaturaliser les alliances. C’est une manière de dire à ses partenaires que les accords conclus sont potentiellement obsolètes et que rien n’est gravé dans le marbre. C’est finalement un message envoyé : l’Amérique est de retour, avant tout, avec la volonté de tourner le dos aux années précédentes et d’initier un nouveau moment politique conservateur. Et ce, indépendamment des réalités locales ou du respect du droit international. D’autant plus que Donald Trump n’est même pas encore investi mais que tout se passe comme si le pays était déjà entre ses mains.
Que prédisent ces déclarations sur la présidence de Donald Trump dans les années à venir ?
Déjà, il a une vision passéiste, problématique et impérialiste. Elle renoue avec une longue histoire d’expansion des États-Unis. Ils ont déjà acheté des territoires comme la Louisiane à la France, une partie de l’Arizona et du Nouveau-Mexique au Mexique et même l’Alaska à la Russie. Mais, même à l’époque, cela suscitait les moqueries. Et nous ne sommes plus au 19ème siècle ! Ces pratiques s’inscrivaient dans un contexte d’expansion coloniale. Surtout, il annonce un mandat et une administration extrêmement chaotiques.
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Aujourd’hui, ces déclarations concernent des enjeux géostratégiques. Demain, ce sera la question de l’avortement. Deux jours plus tard, ce sera la question des minorités trans. Il va le faire constamment, tous les jours. Il ne faut pas toujours prendre au sérieux les déclarations de Donald Trump, mais il faut se demander ce qu’il y a derrière elles : une vision ultra-conservatrice et réactionnaire qu’il veut défendre avec son administration. Mais il ne faut pas banaliser la violence de ces propos. Nous ne devons pas ignorer et banaliser le Trumpisme. Nous devons rester vigilants.
Commentaires recueillis par Benjamin Moisset
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