Magog a eu l’audace, il y a 15 ans, de remplir une église de milliers de livres. Même si le projet était sceptique au début, il semble maintenant avoir conquis une majorité de Magogois.
La splendide bibliothèque Memphrémagog, aménagée dans l’ancienne église Sainte-Marguerite-Marie, dans le quartier des Tisserands, a de quoi faire l’envie de nombreuses municipalités. Le bâtiment, scrupuleusement entretenu par les employés municipaux, brille comme au premier jour, même si sa transformation a été réalisée au tournant des années 2010.
Les vitraux d’origine rappellent l’ancienne vocation religieuse de l’édifice.
Photo: - / Réjean Blais
Les nombreux vitraux traversés par la lumière du jour rappellent l’ancienne vocation religieuse des lieux. Cependant, l’aménagement est moderne et confortable. Cela donne envie de s’asseoir et de se plonger dans un bon livre sans voir le temps passer.
Nous avons conservé son riche patrimoine, son aspect historique
indique la mairesse de Magog, Nathalie Pelletier, pour qui le bâtiment rappelle de nombreux souvenirs d’enfance.
Je suis allé à l’école Sainte-Marguerite, qui était à deux pâtés de maisons. A cette époque, nous avions des cours de catéchisme, nous venions beaucoup à l’église, donc je reconnais encore certains éléments de cette église dans la bibliothèque.
Plus qu’une bibliothèque
La Bibliothèque de Memphrémagog est en effet bien plus qu’un endroit où l’on emprunte des documents. Sa gérante Françoise Ménard et son équipe en ont fait ce qu’on appelle une troisième place. Un lieu de libre accès à la culture, mais aussi un espace de socialisation. C’est un endroit sûr et ouvert.
Il y a toujours quelqu’un pour nous sourire dans une bibliothèque.
Elle ajoute que c’est un endroit où il est possible d’emprunter des documents, mais aussi d’obtenir toutes sortes de services. Il y a le Techno Café, le Neural Gym, des clubs de lecture et d’écriture, énumère-t-elle. Un écrivain public propose également un soutien à l’alphabétisation pour aider les gens à écrire des cartes de Noël à leurs proches, par exemple.
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La Bibliothèque Memphrémagog a enregistré plus de 182 000 entrées en 2023.
Photo: - / Réjean Blais
Nous avons aussi des rencontres thématiques sur différents sujets, explique le responsable de la bibliothèque. Comment préparer son vélo pour partir en randonnée, comment préparer Compostelle ? Il y a des choses qui sont très axées sur la littérature, mais d’autres qui sont davantage axées sur la culture en général.
Sans parler d’autres espaces aménagés dans l’ancien sous-sol de l’église, dont une salle de spectacles et des locaux destinés à la tenue de diverses activités.
La mission sociale d’une bibliothèque scolaire
Le professeur à la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke, Olivier Dezutter, explique que la bibliothèque du 21e siècle joue souvent un rôle social important, même pour les nouveaux arrivants qui tentent de s’intégrer et d’apprendre la langue. Ces bibliothèques sont des lieux essentiels à la fois d’intégration sociale, mais aussi d’intégration linguistique et d’intégration culturelle.
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Le nombre de prêts a augmenté de 47 % à la Bibliothèque de Memphrémagog au cours des 15 dernières années.
Photo: - / Réjean Blais
D’autres bibliothèques vont même jusqu’à offrir les services d’un travailleur social en résidence, comme c’est le cas à Drummondville, rappelle le spécialiste. Nous intégrons dans l’espace de la bibliothèque certains services parfois offerts par la Ville ou d’autres organismes.
Dans cette perspective, la bibliothèque de Magog est le service municipal qui offre les heures d’ouverture les plus longues. En se présentant au guichet de prêt, l’usager peut par exemple faire d’une pierre deux coups, en enregistrant ses documents et en achetant une vignette de stationnement.
Fort sentiment d’appartenance
Cette approche diversifiée a inévitablement un effet sur le sentiment d’appartenance que développe une communauté envers sa bibliothèque. Françoise Ménard souligne avec raison qu’à Magog, la fréquentation a augmenté de 52 % au cours des 15 dernières années. La bibliothèque est devenue un carrefour important pour les habitants du quartier, mais aussi pour l’ensemble de la population.
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La bibliothèque Memphrémagog est située dans l’ancienne église Sainte-Marguerite-Marie depuis 2011.
Photo: - / Réjean Blais
La bibliothécaire dévouée pense même que sa présence a des effets d’émulation sur la vie environnante. Il y a toutes sortes de petites choses qui poussent autour. Il y a des rénovations, il y a de nouveaux immeubles, il y a de nouveaux condos. Il y a beaucoup de choses qui grandissent
dit-elle.
Un constat également fait par la mairesse Nathalie Pelletier. Ce dernier juge cependant que les changements s’opèrent progressivement. On sent que la roue tourne.
Un projet qui a d’abord divisé les citoyens
C’est en 2009 que les élus de l’époque font le choix d’implanter le lieu culturel dans le majestueux édifice patrimonial dans un quartier où, à une époque lointaine, les familles dépendaient de l’industrie textile.
Le maire rappelle toutefois qu’au départ, l’idée de transformer l’édifice religieux était loin de faire consensus. Elle se souvient des débats animés autour du projet menés par l’ancien maire, Marc Poulin. Les dissensions étaient vives dans la salle du conseil, mais aussi parmi les citoyens.
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La Bibliothèque Memphrémagog fait l’objet d’importants travaux de restauration.
Photo: - / Réjean Blais
Ce sont en grande partie les coûts qui ont déchiré la population. Les gens craignaient que ce soit un gouffre sans fond.
Pour aller de l’avant avec ce projet de près de 11 millions de dollars, le conseil municipal a dû adopter un règlement d’emprunt de plusieurs millions qui nécessitait l’approbation de la population. Après avoir tenu un registre, un référendum était nécessaire. A l’issue de l’exercice, en juin 2009, 63 % de la population a finalement dit oui au projet, mais seulement 37 % des citoyens sont venus voter, précise le maire.
Répercussions politiques
Même si le projet semblait sur les rails, quelques mois plus tard, le maire Poulin était défait aux élections municipales. Vicky May-Ham est devenue maire. Nathalie Pelletier a été élue conseillère. La population était encore déchirée par la question des bibliothèques. C’est sûr qu’à ce moment-là, je pense que ça a peut-être marqué l’élection.
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La mairesse de Magog, Nathalie Pelletier, estime qu’il a fallu « beaucoup d’audace » pour réaliser le projet de bibliothèque municipale.
Photo: - / Réjean Blais
Après son élection comme conseillère en 2009, Nathalie Pelletier s’est impliquée étroitement dans la réalisation du projet, puisqu’elle était présidente de la Commission culturelle. Aujourd’hui, en tant que maire, la bibliothèque reste un enjeu important. Elle a dû entreprendre des travaux de 10 millions de dollars pour refaire la maçonnerie et la toiture, travaux financés par la Ville de Magog, mais aussi par Ottawa et Québec compte tenu du statut patrimonial de l’ancienne église.
Même si donner une nouvelle vocation à une église a un coût, la maire n’a pas l’impression que son administration porte une charge financière, et estime toujours que c’était une bonne chose.
Nous investissons dans ce bâtiment, mais nous le considérons davantage comme un investissement dans la culture et la connaissance.
Le quartier de Fleurimont et sa future bibliothèque
Après l’échec du projet de bibliothèque de l’ancienne église Sainte-Famille l’automne dernier, la Commission de la culture, des loisirs, des sports et du plein air du conseil municipal de Sherbrooke se penchera à nouveau sur la question au cours des prochains mois. Quelles seront ses orientations ? Le professeur Olivier Dezutter estime que rien n’est perdu pour le district Est de Sherbrooke.
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L’église Sainte-Famille, à l’est de Sherbrooke (Photo d’archive).
Photo: - / Arianne Béland
Il croit qu’il serait intéressant d’explorer de nouvelles avenues, comme développer un partenariat avec le centre de services scolaire pour mettre sur pied une bibliothèque scolaire et publique. Je pense que c’est une excellente occasion d’ouvrir cette voie, dit-il. C’est aussi un modèle qui existe depuis une trentaine d’années au Québec.
Loin de vouloir faire la leçon à Sherbrooke, la mairesse de Magog, Nathalie Pelletier, estime que tout le monde est sorti gagnant du projet de bibliothèque. Ce ne sont pas toujours des projets faciles, donner une seconde vie aux bâtiments patrimoniaux. Mais quand on parvient à surmonter les écueils, au final, cela se termine par quelque chose de positif. Aujourd’hui, tous les Magogiens sont très fiers de leur magnifique bibliothèque
elle se réjouit.
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