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“Montre-moi l’argent!” », les enjeux de la directive européenne sur la transparence

Pour réduire l’écart salarial entre les femmes et les hommes, une directive prévoit une plus grande transparence sur les salaires. Son impact sur les entreprises sera encore plus grand.


Depuis sa création, l’Union européenne (UE) a fait de l’égalité entre les citoyens des États membres l’un de ses objectifs centraux. Malgré ce noble objectif, les femmes actives sur le marché du travail sont toujours considérées, en termes de rémunération (et pas seulement), comme des citoyennes de seconde zone par rapport aux hommes. En effet selon Eurostat, en 2022, l’écart d’emploi entre hommes et femmes au sein de l’UE27 atteint 12,7% en faveur des hommes, avec un écart maximum de 21,3% en Estonie, un minimum de 4,3% en Italie, et seul le Luxembourg se démarque, montrant une différence de 0,7% en faveur des femmes.

Écart salarial brut entre hommes et femmes dans les États membres de l’Union européenne en 2022.

Afin de trouver une solution à cette discrimination qui persiste parmi la quasi-totalité des États membres, l’Union européenne a publié, le 17 mai 2023, la Directive 2023/970 du 10 mai 2023. Celle-ci vise à renforcer l’application du principe d’égalité salariale. entre les femmes et les hommes à travail équivalent, sur la base de mesures de transparence salariale et de mécanismes spécifiques d’application de la loi.

Une plus grande transparence

Les employeurs devront donc informer les candidats des salaires ou des échelles salariales dans les offres d’emploi ou avant les entretiens, sans pouvoir demander aux candidats externes leur historique salarial. Les travailleurs auront accès à des données sur les écarts de rémunération par sexe et à des critères objectifs de progression salariale. Les entreprises de plus de 250 salariés devront publier leurs écarts salariaux chaque année, tandis que celles de 100 à 250 salariés le feront tous les trois ans. Si un écart injustifié de plus de 5 % est constaté, une évaluation conjointe doit être réalisée. Par ailleurs, la directive renforce également le recours à la justice : les employeurs devront prouver leur conformité en cas de litige, et les sanctions incluront des amendes dissuasives. Enfin, il intègre la lutte contre les discriminations intersectorielles et prend en compte les besoins des travailleurs handicapés.


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Cette directive, qui doit être transposée par les États membres dans un délai de trois ans, une fois appliquée, contribuera à modifier la culture « machiste » qui caractérise la société dans une bonne partie des États membres. Cependant, les entreprises devront se préparer bien en amont de son application car, au-delà des complexités liées à des coûts administratifs et patronaux plus élevés, la transparence de l’information pourrait également générer des conséquences externes et internes.

L’impact sur la marque employeur

On peut émettre l’hypothèse, sans crainte de contradiction, que dans le monde hyperconnecté d’aujourd’hui, les informations relatives aux niveaux de salaires seront certainement également diffusées à l’extérieur des organisations. Parmi les conséquences externes, la révélation d’écarts salariaux importants ou injustifiés entre hommes et femmes pourrait nuire à la réputation de l’organisation, affectant sa marque employeur et son attractivité pour les talents, notamment auprès des nouvelles générations qui semblent légitimement plus sensibles sur ce sujet important. De plus, cette transparence accrue pourrait alimenter la concurrence entre les entreprises pour attirer et retenir les talents, générant ainsi une augmentation des ressources destinées à la masse salariale.



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Parmi les conséquences internes, la découverte d’écarts salariaux entre femmes et hommes pourrait générer une perte de confiance dans l’entreprise de la part des salariées qui pourraient donc se tourner vers un autre employeur capable de garantir une logique d’égalité entre les femmes et les hommes. . Par ailleurs, outre les risques juridiques et les sanctions éventuelles, l’adaptation des politiques salariales, visant à réduire l’écart salarial entre hommes et femmes, peut générer des coûts salariaux importants, notamment en cas d’ajustements rétroactifs, auxquels s’ajoutent des coûts administratifs élevés pour la fixation mettre en place des systèmes de surveillance, de collecte de données et de reporting, en particulier pour les entreprises dépourvues de mécanismes robustes.

Où s’arrêtera la comparaison ?

Plus généralement, la tendance naturelle et légitime des êtres humains à se comparer à leurs collègues ne s’arrêterait sans doute pas à la comparaison entre les sexes, mais pourrait affecter des personnes travaillant dans la même division, dans la même unité organisationnelle, ou encore exerçant une fonction de le même niveau. Les entreprises doivent donc se préparer à faire face à des exigences que pourrait formuler tout salarié, quel que soit son sexe, qui pourraient générer des coûts supplémentaires pour l’employeur.

Cette directive pourrait représenter une opportunité selon une autre logique. Au-delà des objectifs visant à réduire ou à mieux aligner les niveaux de salaires entre les femmes et les hommes dans les 27 États membres, et donc à déterminer une évolution vers une culture plus inclusive et respectueuse des femmes, cette directive pourrait également contribuer à instaurer un nouvel ordre dans la manière dont la richesse est distribué au sein des organisations par le biais des salaires. Et ce, surtout dans les grandes entreprises, où ceux qui travaillent au sommet de l’organisation peuvent obtenir des rémunérations scandaleuses 500 fois supérieures à celles qui travaillent au bas de l’échelle (comme nous l’enseigne le cas de Stellantis), de sorte que dans les années 1960 , le rapport entre les mieux payés et les moins bien payés était de 1 pour 30.

Source: Bonne année 2017.

Un soutien nécessaire

Même si cette directive poursuit des objectifs plus que légitimes et nécessaires, l’efficacité de son action nécessitera du temps et des ressources pour soutenir les entreprises afin qu’elles puissent contribuer efficacement à la réalisation de la nécessaire égalité de traitement économique entre les femmes et les hommes. Le risque intrinsèque, surtout dans les pays les plus éloignés d’une culture égalitaire, est celui de mener à bien la tâche d’un point de vue formel sans vraiment s’aligner substantiellement sur l’objectif institutionnel de cette directive.

Pour que la société des différents pays membres puisse effectivement atteindre le niveau de civisme souhaité dans le traitement de ses citoyens sur le lieu de travail (exemple : Luxembourg), quel que soit leur sexe, il est nécessaire que les entreprises soient accompagnées dans cette démarche. transparence de l’information salariale et que les différents Etats veillent à la bonne application de la directive. La normalité sera ainsi atteinte le jour, que nous espérons proche, où, face à la capacité des entreprises à rémunérer équitablement les femmes et les hommes, ces organisations seront perçues comme la norme et non, en termes brechtiens, comme « héros d’un pays maudit ».

 
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