LL’annonce d’un entretien entre Elon Musk et Alice Weidel, la co-présidente du parti d’extrême droite AfD, prévue ce jeudi 9 janvier sur X (anciennement Twitter), place Bruxelles dans une position délicate. Comment équilibrer la liberté d’expression et éviter la manipulation des élections législatives allemandes par un réseau aussi puissant que X ?
Même Emmanuel Macron a fait part de son inquiétude lundi matin. « Si on nous avait dit que le propriétaire de l’un des plus grands réseaux du monde soutiendrait une nouvelle internationale réactionnaire et interviendrait directement dans les élections, y compris en Allemagne, qui l’aurait imaginé ? » a-t-il déclaré depuis le pupitre de la conférence des ambassadeurs à Paris.
Face à ce cas d’école inédit qui met à l’épreuve la loi sur les services numériques (DSA), la Commission européenne se montre bien plus prudente que le président français, mais reste attentive à la suite. « La liberté d’expression est au cœur de nos démocraties », a rappelé lundi un porte-parole de la Commission, tout en précisant les contours d’une équation complexe.
D’une part, Elon Musk, en tant que citoyen, a le droit fondamental d’exprimer ses opinions politiques. En revanche, en tant que propriétaire de X, il est soumis aux obligations du DSA qui nécessitent de très grandes plateformes pour analyser et atténuer les risques systémiques, notamment ceux pesant sur les processus électoraux.
Une procédure contre X déjà ouverte
Cette polémique intervient alors que Bruxelles a déjà ouvert une enquête contre X le 18 décembre pour de possibles violations du DSA, notamment concernant la gestion des risques liés au discours civique et aux processus électoraux. L’entretien entre Musk et Weidel sera lié à l’enquête en cours sur le réseau X. « Ce qui nous préoccupe, ce n’est pas tant l’entretien lui-même, qui n’est pas interdit par le DSA, explique-t-on à Bruxelles. Ce que nous examinons, ce sont les mécanismes permettant de recommander et d’amplifier ce contenu sur la plateforme. » En bref : X peut-il donner une visibilité privilégiée à cet entretien sans violer ses obligations de neutralité ?
Il suffit d’en faire l’expérience : que tout le monde ouvre l’AfD – un parti eurosceptique à droite de la droite au niveau européen – est le dernier espoir pour sauver l’Allemagne.
Pas de temps de parole limité sur les réseaux sociaux
L’affaire met en lumière un angle mort de la régulation numérique européenne. Contrairement aux médias audiovisuels traditionnels, soumis à des règles strictes d’égalité de temps de parole en période électorale, les réseaux sociaux fonctionnent dans un environnement plus flexible. «C’est sans précédent», reconnaît la Commission, qui admet que l’espace en ligne évolue très rapidement.
Cette situation pose la question de l’influence croissante des propriétaires de plateformes sur le débat démocratique. Ce n’est pas la première explosion d’Elon Musk : ses interventions actuelles dans la politique britannique et ses commentaires sur différents États membres ont déjà fait sourciller.
Garde-corps en construction
Pour tenter de maîtriser ces nouveaux risques, la Commission prépare une réponse à plusieurs niveaux. Une première réunion est prévue le 24 janvier : la Commission organise une table ronde avec le régulateur allemand (Bundesnetzagentur), la société civile et de grandes plateformes, dont X, pour discuter des risques liés aux élections allemandes.
Parallèlement, les services de la Commission examineront attentivement la manière dont X gère cet entretien : algorithmes de recommandation, boostervisibilité donnée aux autres groupes politiques… « La plateforme doit veiller à ce qu’elle ne soit pas utilisée à mauvais escient pour créer des risques systémiques », insiste-t-on à Bruxelles.
Le précédent roumain
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La question dépasse le seul cas allemand. Le précédent roumain est dans toutes les têtes. Cette fois, il s’agissait de TikTok, dont l’ingérence avait permis à un candidat quasi inconnu et pro-russe de se hisser à la première place dès le premier tour. Le président roumain sortant a déclassifié des documents des services secrets démontrant une ingérence attribuée aux Russes (ce que le Kremlin a démenti). La Cour constitutionnelle roumaine a annulé l’élection présidentielle, créant un choc en Europe. Le processus doit être complètement relancé.
En attendant, la Commission marche sur des œufs : trop de fermeté pourrait être perçue comme de la censure, trop de flexibilité comme un chèque en blanc pour une manipulation électorale. Un exercice d’équilibriste qui teste les limites de la régulation numérique européenne.
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