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Faut-il (re)lire Machiavel pour sauver les démocraties ? Oui

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Donald Trump cherchait à rester au pouvoir à la fin de son mandat. Il a déclaré qu’il ne se comporterait comme un dictateur « dès le premier jour » que s’il était réélu. Sa ruse et sa capacité à remodeler la politique américaine et le système judiciaire à son image lui ont permis, jusqu’à présent, d’éviter de rendre compte de ses actes. Les manigances de Donald Trump ont souvent été qualifiées de « machiavéliques », selon Nicolas Machiavel, l’écrivain de la Renaissance qui vécut entre 1469 et 1527. Dans son célèbre traité, Le princeil conseille aux monarques (dirigeants autoritaires ou dictateurs) ainsi qu’à ceux qui aspirent à gouverner seuls d’utiliser la force et la fraude pour obtenir et conserver le pouvoir.

Mais les spécialistes de Machiavel, dont je fais partie, savent que son analyse est bien plus nuancée. Ses écrits datant du XVIee Le siècle traite non seulement du règne des princes, mais aussi des gouvernements républicains, où les citoyens élisent directement ou indirectement leurs dirigeants pour des mandats dont la durée est clairement définie. Il recommande aux citoyens et aux dirigeants républicains – y compris aujourd’hui ceux des États-Unis – d’être conscients de la vulnérabilité des gouvernements démocratiques et de rester vigilants face aux sirènes de la tyrannie. Des conseils aussi pertinents aujourd’hui qu’à l’époque.

L’expérience républicaine de Machiavel

Machiavel savait par expérience et par ses nombreuses lectures que les gouvernements républicains de nombreux pays ont été victimes d’individus ambitieux qui cherchaient à renverser les pratiques et les institutions afin de gouverner seuls, sans avoir à rendre de comptes à personne, et de soumettre tous les autres à leur autorité. .

Il était originaire de la République florentine, dans l’actuelle Italie. Florence était républicaine depuis des siècles mais, une trentaine d’années avant la naissance de Machiavel, Cosme de Médicis, banquier et homme politique, renversa ce système en utilisant sa fortune familiale pour accéder au pouvoir, dominer les fonctionnaires et exercer le pouvoir. décision ultime.

Ses descendants héritent de son pouvoir mais perdent brièvement leur emprise, juste assez pour que Machiavel contribue pendant une décennie, en tant que fonctionnaire et diplomate, à la restauration de la République. Il était encore en fonction lorsque la République prit fin avec le retour au pouvoir des Médicis.

Démis de ses fonctions, il a écrit Le princequ’il préfaça d’une lettre de dédicace adressée au jeune Médicis, que sa famille avait désigné comme souverain. Les commentateurs se sont longtemps demandés ce que cherchait Machiavel en s’inclinant avec autant d’ostentation devant un autocrate.

LE Discoursl’œuvre républicaine de Machiavel

Cette énigme est d’autant plus confuse que Machiavel exprime également son attachement à la République. Il écrivit un autre livre, moins connu et beaucoup moins concis que Le princetitré Discours sur la première décennie de Tite-Livedans lequel le travail de l’historien romain antique lui permet d’analyser comment la République romaine a été renversée par un autocrate.

À sa fondation, Rome était un royaume, mais lorsque les dirigeants ultérieurs se sont comportés comme des tyrans, le peuple a renversé la monarchie et a établi une République dont l’histoire remarquable a duré près de 500 ans.

La République romaine prit fin en 44 avant JC. J.-C., lorsque Jules César fut nommé dictateur à vie. Machiavel écrivait que l’empereur fut le premier tyran de Rome, celui qui mit fin à la liberté de ses citoyens.

Le successeur immédiat de Jules, Octave, qui prit le nom de César Auguste, fut le premier d’une longue lignée d’empereurs.

Les leçons de la disparition de la République romaine

L’enseignement principal de cette étude historique est le suivant : la République est fragile ; cela nécessite une vigilance constante de la part des citoyens et de leurs dirigeants.

Cette vigilance est cependant difficile à maintenir. Au fil des générations, ils font preuve de complaisance face à la principale menace interne : ils ne parviennent pas à identifier suffisamment tôt les intentions anti-républicaines de citoyens exceptionnellement ambitieux qui nourrissent le désir de gouverner seuls.

Machiavel fournit des exemples instructifs de la façon dont Rome n’a pas réussi à protéger ses pratiques et ses lois de ce danger. Dans les premières années de la République, elle autorisait les candidats à s’attribuer des postes élevés. Cette pratique était alors efficace, car seuls les plus méritants s’y appliquaient. Mais plus tard, elle a permis l’accession au pouvoir de ceux qui voulaient profiter de leur popularité plutôt que de subvenir aux besoins de leur pays.

Machiavel estimait que les dirigeants et les citoyens dévoués à la République auraient dû empêcher ces candidats de profiter de ce qu’on appelle aujourd’hui un ascenseur vers le pouvoir. Mais Rome fit preuve de passivité et de complaisance, ce qui permit à César de s’appuyer sur la popularité de ses prédécesseurs pour imposer sa tyrannie.

Le point de non-retour

Si les citoyens et les dirigeants républicains ne sont pas vigilants, ils finiront par se retrouver face à un leader soutenu par des partisans extrêmement nombreux et menaçants. D’ici là, dit Machiavel, il sera trop tard pour sauver la république.

Il cite les exemples de l’assassinat de César, à Rome, et de l’exil de Cosme, à Florence, pour illustrer son propos. Dans chaque cas, les partisans de la République, comprenant enfin le danger de la tyrannie, s’en prirent à l’idole du peuple. A chaque fois, leurs efforts, loin de conduire à une restauration de la liberté républicaine, ont contribué à son éradication.

À Rome, Auguste a utilisé la sympathie et le dévouement du peuple envers César martyr pour sceller la fin de la République. A Florence, Cosimo, de retour d’exil, fut acclamé et devint l’homme fort de Florence.

Le sort de la République américaine

Pour les Américains, la question est de savoir si, à cause de la complaisance des citoyens, la République va disparaître. Sera-t-elle victime des mêmes dangers que ceux identifiés par Machiavel dans la Rome antique et la Florence de la Renaissance ?

Il est encore possible de donner un nouveau souffle aux pratiques et aux institutions républicaines américaines ; il est encore temps de rejeter, lors des prochaines élections, ceux qui ne cherchent à être élus que pour renforcer leur propre pouvoir.

À moins qu’il ne soit si tard que même cette méthode s’avère inefficace. Les Américains en seront alors réduits à pleurer leur République, et à démontrer l’idée, chère à Machiavel, selon laquelle ces régimes tombent par excès de complaisance. Pour l’une des républiques les plus remarquables de l’histoire, ce résultat serait une démonstration tragique du sens politique de Machiavel.

À propos de l’auteur : Vickie B. Sullivan. Professeur de sciences politiques, Université Tufts.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lisez l’article original.

 
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