Avant le vote de février, les deux principaux partis allemands ont dévoilé leurs programmes électoraux mardi 17 décembre, révélant des approches divergentes pour remettre le pays sur pied.
Les Allemands voteront après la dissolution du gouvernement de coalition du chancelier Olaf Scholz, à un moment où la plus grande économie de l’UE est confrontée à une deuxième année de récession. Les contraintes budgétaires qui en ont résulté ont limité la capacité du gouvernement à faire face aux troubles géopolitiques et aux niveaux élevés de migration irrégulière, des problèmes clés pour les électeurs.
Tant les sociaux-démocrates de centre-gauche (SPD/S&D) de Scholz que leurs principaux adversaires, les chrétiens-démocrates de centre-droit (CDU/CSU/PPE) du candidat Friedrich Merz, ont placé l’économie et la reprise de la croissance au centre de leurs préoccupations. leur campagne, selon les ébauches du manifeste consultées par Euractiv.
Cependant, leurs stratégies pour atteindre cet objectif diffèrent, laissant aux électeurs le choix fondamental entre des dépenses publiques musclées et la déréglementation.
Économie : réduire ou croître
Alors que le manifeste de la CDU/CSU se concentre sur un « large allègement » des impôts et de la bureaucratie, appelé « un agenda pour les travailleurs », le SPD semble prêt à sortir de la crise par les dépenses.
Le parti de Merz suggère notamment de réduire l’impôt sur les sociétés à un maximum de 25 % (au lieu d’environ 30 %), de réduire l’impôt sur le revenu et de supprimer un nouveau régime généreux d’indemnisation du chômage.
En outre, la CDU/CSU promet de bloquer « immédiatement » les nouvelles charges bureaucratiques et d’éliminer la loi nationale allemande sur le devoir de diligence en matière de chaîne d’approvisionnement, la taxonomie européenne de la finance durable et les normes européennes pour les sociétés de reporting en matière de développement durable (CSRD).
Parallèlement, le SPD propose un « fonds pour l’Allemagne » de 100 milliards d’euros, combinant ressources publiques et privées. Un « bonus Made in Germany » devrait encourager l’investissement privé via un crédit d’impôt de 10 % pour les investissements des entreprises en Allemagne, une mesure vraisemblablement « plus ciblée » que la réduction de l’impôt sur les sociétés.
Les partis ont récemment semblé converger vers une réforme du frein à l’endettement, le strict plafond constitutionnel de l’endettement qui a limité l’espace pour l’investissement dans le passé. Mais les affiches électorales mettent encore une fois en évidence la fracture.
Le SPD soutient ouvertement une réforme de la mesure pour permettre « les dépenses productives et le plein emploi » ; la CDU/CSU dit simplement qu’elle veut le « respecter », conformément à sa politique d’austérité.
Sécurité et Ukraine : marcher sur des œufs
L’avenir du frein à l’endettement affecte les besoins de dépenses les plus urgents de l’Allemagne, notamment ses infrastructures de défense négligées et le soutien à l’Ukraine contre l’invasion russe.
Alors que la guerre a transformé la politique de sécurité pacifiste de l’Allemagne – un processus surnommé « Zeitenwende » qui a donné naissance à un fonds public d’investissement dans la défense d’une valeur de 100 milliards d’euros – le frein à l’endettement a rendu difficile un financement durable de la défense.
La réforme du SPD créerait, entre autres, des exonérations pour les dépenses de sécurité. Par ailleurs, la CDU/CSU ne s’engage pas sur une stratégie de financement claire, même si les deux partis souhaitent atteindre « au moins » l’objectif de dépenses de l’OTAN de 2 %.
En particulier, ils se soustraient aux engagements internationaux tels qu’un nouveau cycle de dette commune de l’UE visant à établir une « union de défense » européenne qui rendrait le bloc plus indépendant des structures de sécurité américaines.
La prudence s’étend au soutien à l’Ukraine, où la CDU/CSU s’est alignée, ces dernières semaines, sur la politique réservée de Scholz, en accord avec la lassitude des électeurs pour la guerre.
Le manifeste de Merz ne contient donc aucun engagement préalable en faveur de la fourniture de Toro ou d’une « victoire » ukrainienne et d’une adhésion à l’OTAN. Il promet simplement de « soutenir l’Ukraine avec toutes les ressources diplomatiques, financières et humanitaires nécessaires ainsi qu’en lui fournissant des armes ».
Le manifeste du SPD met également l’accent sur l’équilibre du chancelier, qui soutient une certaine aide militaire mais pas au point de faire «partir» l’Allemagne et l’OTAN à la guerre. Les fournitures Toro sont explicitement exclues.
Transition verte : marchés et quotas d’émission
Le contraste entre déréglementation et interventionnisme transparaît également dans les politiques énergétiques et climatiques proposées.
Les difficultés économiques de l’Allemagne sont en partie dues au fait que son industrie a perdu l’accès à une énergie russe bon marché à cause de la guerre russe en Ukraine.
La réduction des tarifs du réseau électrique est donc une priorité commune de la CDU/CSU et du SPD. Tous deux reconnaissent la nécessité de passer des combustibles fossiles aux énergies propres et d’atteindre l’objectif de zéro émission d’ici 2050.
Cependant, le parti de Merz mise sur les mécanismes de marché classiques pour lutter contre les émissions, la taxe carbone étant décrite comme un « outil clé ». Il souhaite annuler à la fois l’interdiction de facto de l’UE sur la vente de voitures neuves à essence d’ici 2035 et la législation allemande controversée exigeant le remplacement du chauffage aux combustibles fossiles. Une « révision » de l’éventuel retour de l’Allemagne à l’énergie nucléaire est également prévue.
Parallèlement, le SPD soutient les interventions existantes et propose au gouvernement de jouer un rôle actif dans la promotion des réseaux ferroviaires et de la mobilité électrique, par exemple par le biais d’incitations financées par l’État. L’augmentation de la fiscalité sur les émissions de dioxyde de carbone pourrait être atténuée pour les familles à faible revenu grâce à une « allocation climatique ».
Cependant, les deux parties conviennent de protéger l’industrie automobile, le plus grand secteur industriel allemand, et d’éviter des amendes de CO2 aux constructeurs automobiles qui ne respectent pas les objectifs d’émissions à l’échelle européenne.
UE : le même hymne
La déréglementation est également un point central de la politique européenne de la CDU/CSU. Le mantra du manifeste est que l’UE doit se concentrer sur des questions plus importantes, en réduisant la réglementation excessive actuelle de la part de Bruxelles et en suspendant complètement les nouvelles exigences réglementaires.
Attention mise à part, le SPD et la CDU/CSU sont largement alignés sur leurs aspirations européennes, car ils soulignent la nécessité pour le pays le plus peuplé de l’UE de jouer un rôle de leadership à Bruxelles dans un contexte de crise mondiale.
Merz, qui a critiqué à plusieurs reprises le manque de leadership européen de Scholz, souhaite notamment renforcer la cohésion allemande, notoirement fragmentée, dans les affaires européennes, en concentrant plus de pouvoir à la Chancellerie qu’au ministère des Affaires étrangères.
Les deux partis se déclarent favorables à une coordination étroite avec leurs alliés du Triangle de Weimar, la France et la Pologne, à un élargissement plus poussé et à une réforme institutionnelle.
Migration irrégulière : continuité et changement
Il existe en particulier un domaine dans lequel la CDU/CSU de Merz fait pression pour que le gouvernement et l’UE jouent un rôle plus important : la migration irrégulière.
L’année dernière, les demandes d’asile ont atteint leur niveau annuel le plus élevé depuis la crise des réfugiés de 2016. Le gouvernement a depuis réprimé, soutenu le pacte migratoire controversé de l’UE et réintroduit les contrôles à toutes les frontières allemandes. Les demandes d’asile ont commencé à diminuer.
Le SPD s’appuie donc principalement sur les mesures existantes, soulignant qu’il existe désormais « une bien meilleure gestion de l’immigration irrégulière ».
Les chrétiens-démocrates veulent toutefois aller plus loin. Un « modèle rwandais » européen commun, dans lequel les demandeurs d’asile sont envoyés dans des pays tiers pour y suivre des procédures d’immigration et y reçoivent l’asile, devrait dissuader les migrants de traverser la Méditerranée.
La CDU/CSU a également rassuré ses voisins européens sur le fait que l’Allemagne soutiendrait la protection des frontières extérieures de l’UE financée conjointement et transformerait l’agence de protection des frontières Frontex en une « véritable police des frontières ».
En outre, le manifeste réitère la proposition de rejeter les immigrants irréguliers à la frontière allemande s’ils entrent en provenance d’un pays jugé sûr, ce qui constitue un « blocage de facto des admissions ».
Lire l’article original ici
Related News :