Avec la chute du gouvernement dirigé par Olaf Scholz, l’Allemagne se retrouve dans une situation très complexe et la perspective est celle d’un gouvernement – composite – et probablement aux âmes politiques difficilement compatibles. La chancelière sortante paie également pour les mauvais choix faits par Merkel, notamment en matière de dépendance excessive à l’égard de Poutine pour l’approvisionnement en gaz. Entretien avec le vice-président de la recherche de l’Ispi, Antonio Villafranca
17/12/2024
La date n’est pas encore certaine. Il est toutefois fort probable qu’après la chute du gouvernement dirigé par Olaf Scholz L’Allemagne se rendra aux urnes le 23 février. Comme le montrent les paroles prononcées par le chancelier sortant devant le Bundestag, la situation est assez complexe. Pour le pays et – peut-être même plus – sur le plan politique. Parce que, comme il l’explique à Formiche.net Antonio Villafranca vice-président de la recherche à l’ISPI, « la seule solution possible pour former un gouvernement est celle d’un seul grande coalition avec des entités politiques difficilement compatibles entre elles ».
Revenons sur les origines de cette crise gouvernementale. La coalition des feux tricolores n’a jamais été particulièrement stable.
Non, au contraire, elle a toujours été très querelleuse. En revanche, les plateformes programmatiques des socialistes, des libéraux et des verts sont très différentes. En particulier, il existe des différences majeures entre les libéraux et les verts qui, en fin de compte, se sont révélées irréconciliables.
Quel est surtout l’obstacle véritablement insurmontable ?
Le rapport entre la dette et le PIB. Les socialistes, avec les Verts, auraient aimé déroger à la limite qui fixe le paramètre à 60% alors que pour les libéraux, c’est quelque chose d’insurmontable. Sans compter les profonds désaccords qui ont eu lieu sur les - et les modalités de la transition écologique.
Sans exécutif, quelle sera l’approche budgétaire ?
Il est fort probable que l’exercice provisoire va désormais s’ouvrir et que la situation se « fige » donc : il n’y aura pas de choix stratégiques, notamment en matière d’investissements. Pas de véritables décisions politiques en termes de politique économique.
Ce n’est pas seulement un problème pour l’Allemagne.
Exactement. Cette situation de « blocage » et de manque de perspectives économiques pose également problème à nos chaînes de production nationales. Pensez simplement à ce qui se passe dans le secteur automobile. La perspective que l’Allemagne reste dans cette situation de stagnation économique n’est pas du tout positive pour l’Europe.
Quels sont les passages les plus pertinents du discours de Scholz au Parlement ?
Au-delà des aspects plus liés à la dynamique du conflit politique interne, la chancelière a souligné à plusieurs reprises la nécessité d’investissements pour l’Allemagne. D’où la nécessité de dépasser – selon lui – le seuil de 60 % du ratio dette/PIB. Les références aux compétences en investissement, à mon avis, sont les plus pertinentes. Il faut cependant reconnaître que les problèmes de l’Allemagne ne dépendent pas uniquement de Scholz.
Un héritage des gouvernements précédents ?
Des erreurs stratégiques assez importantes ont été commises par les dirigeants précédents, ce qui a conduit à une longue vague qui a submergé l’Allemagne et l’a amenée à la situation actuelle. Je fais référence en particulier à deux thèmes. La première est liée au choix allemand d’avoir choisi de dépendre quasi exclusivement de la Russie pour son approvisionnement en gaz. De plus, Merkel a signé l’accord pour le doublement du gazoduc Nord Stream en 2015, c’est-à-dire l’année qui a suivi l’agression de la Crimée par Poutine. Il y avait donc déjà des signes peu rassurants sur ce plan.
Et l’autre erreur ?
C’est celui d’avoir orienté la croissance de l’économie allemande de manière complètement déséquilibrée vers les exportations. Une erreur d’évaluation, pourtant fortement liée à la première, qui a fonctionné dans un contexte géopolitique de stabilité mais qui a montré toutes ses limites dans un contexte international en grande tourmente comme celui dans lequel nous nous trouvons depuis plusieurs mois maintenant.
À ce stade, quelles solutions politiques se profilent à l’horizon ?
Cela dépend d’une série de facteurs, à commencer par les campagnes électorales qui seront menées. Ceci étant, la CDU est estimée à environ 30%, le SPD à 14%, les libéraux à plus ou moins 4% (avec le risque de ne pas dépasser le seuil), les Verts à peu près à égalité avec les socialistes. et l’AfD autour de 20 %. Étant donné que Merz il a toujours dit qu’au niveau fédéral il ne conclurait jamais d’accords avec l’Afd, la seule perspective possible est celle d’une large coalition entre démocrates-chrétiens et sociaux-démocrates. Même si, d’après les chiffres, cela pourrait ne pas suffire. À ce stade, le champ devrait être encore élargi.
Et les plans larges ne fonctionnent pas toujours.
L’hypothèse d’un élargissement de la coalition vers leur libération pourrait faire changer d’avis les sociaux-démocrates. En revanche, une main tendue aux Verts pourrait créer de nombreuses frictions parmi les démocrates-chrétiens. Bref, la situation est effectivement très complexe.
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