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Rencontre avec celui qui a “sauvé la vie” de Gisèle Pelicot

Voici le héros de Gisèle Pelicot. Son sauveur. L’homme, dit-elle, lui a donné “lui a sauvé la vie”. Celle à qui étaient destinés ses premiers mots, le 5 septembre 2024, lorsqu’elle s’exprimait devant le tribunal correctionnel du Vaucluse : « Tout d’abord, je tiens à remercier le lieutenant Perret. » Ce jour-là, Laurent Perret n’était pas dans la salle. Il était au travail, au commissariat de Carpentras.

« Lolo, tu es au courant de ce qui vient d’être dit ? » Au téléphone, l’un des policiers chargés d’assurer la sécurité du procès lui dit : « Tous les journalistes se regardaient. » En une phrase, il est devenu la personne à interviewer. « Tout le monde a commencé à me chercher. Ils m’ont appelé au commissariat, sur mon téléphone. J’ai reçu beaucoup de demandes. Même la BBC. Même une chaîne indienne ! » Enthousiasmé les premiers jours, ce quinquagénaire fort s’est vite senti dépassé. « Je suis à six ans de la retraite, j’étais en paix, et un cas extraordinaire devait m’arriver. Mais ce n’est pas mon monde, tout ça. »

Laurent Perret a suivi la procédure : il a expliqué aux journalistes qu’il ne pouvait évoquer l’enquête sans autorisation et les a invités à « contacter le service communication de la police ». Tous ont été refusés. Cela ne les a pas empêchés de discuter de son rôle. À la suite de Gisèle Pelicot, certains médias le présentent comme un lieutenant. D’autres l’ont promu capitaine ou commissaire. Il tire sur sa vape et souffle : « Je ne suis rien de tout cela. Je suis un gardien de la paix, un enquêteur de police, un simple flic. »

Secrète

Habitué à une communication contrôlée (« Normalement, quand on démonte un point de deal par exemple, la hiérarchie fait rapport à la presse et c’est tout »)il a été surpris de trouver dans les articles “des phrases entières de [ses] Procès-verbaux d’audition ». Il n’arrive toujours pas à y croire : « Ils me citent sans m’avoir parlé. » Il trouve ça « bizarre » et “pas très bon”. Il s’est rendu compte que “Tous les journalistes ont eu accès à la procédure”lequel “violation du secret de l’enquête” était répandue et la présomption d’innocence était largement abusée. Il dit : « C’est comme si les médias voulaient faire le procès avant le procès. »

Le 2 octobre, Laurent Perret s’est rendu au tribunal d’Avignon pour saluer celle qu’il appelle “Madame Gisèle”. Pendant la pause, les journalistes l’ont reconnu. « Sur leur téléphone, ils avaient tous une photo que j’avais postée en 1999 sur Copains d’avant. » Il n’a jamais réussi à supprimer son profil. Parmi eux, un grand brun lui inspirait beaucoup de sympathie. Il a revu son visage un peu plus tard à la télé : « Je me suis dit que c’était un journaliste célèbre. » Il a mémorisé son nom : Jean-Michel Décugis, de parisien. Et « Panamá » est d’accord, quand tout sera fini, il lui accordera un entretien.

Skype

Il lui semble que les journalistes, avides de scènes et d’instants décisifs, lui posent tous la même question : « Qu’est-ce qui vous a poussé à appuyer sur le bouton de l’application Skype ? » Ils connaissent l’histoire : le 12 septembre 2020, un retraité, surpris en train de filmer sous les jupes des clients du Leclerc à Carpentras, a été conduit au commissariat. Laurent Perret a été chargé d’extraire les cinq vidéos tournées au supermarché et de les graver sur un CD. « Vu son âge, il reconnaît, nous pensions qu’il allait faire appel à la justice et que l’affaire s’arrêterait là. » Elle aurait pu, si l’agent Perret avait fait ce qu’on lui demandait. Mais il y avait ce logo Skype, sur l’un des deux téléphones du retraité. L’officier a pensé que l’homme aurait pu envoyer ses images à quelqu’un.

Lorsqu’il a ouvert l’application, il a vu s’engager une conversation – avec un certain Rasmus – évoquant dix comprimés de Temesta écrasés et une femme offerte, endormie, sur un lit. “Là, j’ai fait une erreur”, dit le policier. Sept semaines plus tard, à l’issue de l’enquête, Dominique Pelicot était de retour au commissariat. En attendant, le “voyeur grandpa” s’était transformé en “Le plus grand prédateur sexuel de la décennie”.

« Hé, Laurent, parlons de ton business »

Depuis l’ouverture du procès, Laurent Perret a suivi ponctuellement les débats. D’abord sur les bannières de CNews, diffusées sans son dans l’open space où il travaille comme dans son salon. Pour se tenir au courant de l’actualité, c’est la chaîne qu’il préfère, avec notamment une impression de ” sérieux ” émerge, note-t-il. « Sur BFM, c’est plus enfantin. » On dit « avec tout le respect [qu’il doit] au gendre de Madame Gisèle »rédacteur en chef chez BFM . Quand il a le -, Laurent Perret parcourt la revue de presse reçue chaque jour au bureau. Il fait suite aux publications de Provence un toi Dauphiné Libéré sur les réseaux sociaux. Il clique parfois sur un lien et lit les premières lignes : « Le reste est pour les abonnés, mais ça me suffit. » Il a vu « allume TikTok » la plaidoirie de Stéphane Babonneau, l’un des avocats de Gisèle Pelicot. Et puis il y a toutes ces captures d’écran envoyées par ses amis, accompagnées de ces quelques mots : « Ici, Laurent, nous parlons de votre entreprise. »

Un article de Le Figaro « plein d’inventions » l’a consterné, écrit par « une blonde qui passe souvent à la télé » : « Elle a essayé de faire le buzz mais elle a écrit des bêtises. » Il était prêt à prendre le - de remettre les pendules à l’heure, il a envoyé un mail au journal. Son message est resté sans réponse. Laurent Perret a en revanche apprécié l’histoire de l’affaire signed by Élise Costa on Ardoise. Lorsque le sténographe judiciaire l’a contacté, il ne savait pas ” certainement pas “ ce site, mais il a accepté le principe d’une discussion téléphonique ” sur [son] feutre.”

Vengeance

Il salue également le travail du magazine « Enquêtes Criminelles » sur W9. C’est l’un des « émissions policières » que Laurent Perret aime regarder. Il y glane “des idées de techniques d’enquête, quelques bonnes questions pour les interrogatoires”. Dans l’édition consacrée aux viols de Mazanun détail lui a valu les moqueries de son entourage : l’un des 51 accusés, qui a témoigné anonymement, a été rebaptisé Laurent. “C’est une petite revanche de la part des journalistes parce que vous ne leur avez pas accordé d’interview”voulait croire ses amis.

Il préfère citer le passage où Michel Mary, un vieux routard originaire de Nouveau détective devenu un pilier des sets de Cyril Hanouna, dit avec sa voix de chat revenu de tout : « Je ne pense pas que le policier ait passé une bonne nuit. Dire à une femme qu’elle a été violée est encore relativement rare. » Cette attention a touché Laurent Perret. Recevoir « des hommes, des femmes, des enfants qui décrivent les violences dont ils ont été victimes »il y était habitué. « Mais ici les rôles étaient inversés, c’était à moi de dire à une femme qu’elle avait été droguée par son mari et violée, non pas une mais des dizaines de fois, par 73 individus potentiels. »

Nuit

Pendant un mois, la préparation de cette audition l’a hanté. Il est devenu irritable, s’est réveillé au milieu de la nuit, a quitté sa chambre, a écrit une question sous le regard de son poisson rouge et s’est recouché. Cela a duré jusqu’à la veille de son entretien avec “Madame Gisèle”.

Avec le procès, les problèmes de sommeil de Laurent Perret ont repris. «Je revis tout, je revois tout»dit-il. C’est « découverte du pot de roses ». Sa difficulté à récupérer les conversations virtuelles de Dominique Pelicot. Ses gesticulations à la fenêtre du commissariat pour capter le Wi-Fi de l’Hôtel du Forum situé dans la rue d’en face. Les images étonnantes. La violence infinie qu’ils suggèrent. Ses transcriptions des vidéos, et cette antienne : « Voyons que madame Pélicot dort. » L’identification des 51 accusés. Puis la transmission du dossier à la police judiciaire d’Avignon, mieux armée pour une affaire d’une telle ampleur.

Médailles

Il est agacé par les raccourcis de “TV”. “J’entends : “La PJ d’Avignon a démonté”, mais non, c’est le commissariat de Carpentras, insiste-t-il. Pour une fois, ce n’est pas le 36 quai de Paname, c’est un petit service d’enquête de quatre policiers. Doit retourner à César. » Les avocats de Gisèle Pelicot ont envisagé de lui donner la parole en toute fin de procès. Il a refusé : “C’est trop pour moi, seule Madame Gisèle devrait être dans la lumière”dit-il en passant sa main droite sur sa gauche, couverte de tatouages ​​polynésiens. Un réalisateur lui parle d’un projet de film sur l’affaire. Doucement, il articule, abasourdi : “Un mec va jouer mon rôle”puis il secoue la tête. Il répète : «C’est trop pour moi. »

La reconnaissance reste cependant un sujet. Au cours de sa carrière, il a reçu des lettres de félicitations, des primes et deux médailles pour son ” courage ” et son ” dévouement “. Là, rien. Ses collègues ont été surpris. Les responsables syndicaux ont chanté le refrain de « oublié du procès ». Les journalistes l’ont relancé sur ce thème. “Ils voulaient du crunch”déplore Laurent Perret.

Consentement

En voyant ça “La tête de Madame Gisèle a fait le tour du monde”il commence à croire que la médiatisation de ce procès « contribuer à changer les mentalités sur le consentement, la masculinité, les rapports de pouvoir entre hommes et femmes ». Il pense également que les victimes se sentiront encouragées à porter plainte et « briser le silence ». Il s’inquiète toutefois des propos haineux auxquels ils sont exposés, et du « climat d’opinion » ce qui risque d’influencer les décisions de justice.

Après son enquête sur les viols de Mazan, Laurent Perret, épuisé, a souhaité changer de département. Il a été nommé dans la brigade antidrogue. Les enquêtes le fascinent, mais il doit « partitionner tout », “Soyez super secret”et ne peut plus marcher sans croiser “les gars [qu’il a] envoyé au trou ». Pour sa retraite, il aspire à retrouver son calme et sa tranquillité. Il envisage d’acheter un camping-car, parce que « la liberté, c’est de pouvoir discuter avec un voisin du camping sans arrière-pensée. »

 
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