Ramené à Agen par le sorcier Broncan
Benjamin Pétre : Je suis de Verdun, ce n’est pas une très bonne région pour le rugby là-bas (rires). A l’époque il n’y avait que deux clubs dans le département. Cela rendait les occasions de se démarquer plutôt rares. Heureusement, ils avaient organisé une sorte de sélection régionale, réunissant les meilleurs joueurs, pour affronter des équipes de plus grandes villes comme Paris ou Dijon. C’est lors de ces tournois que je me suis fait remarquer. Henry Broncan, très actif dans le recrutement, m’a proposé de rejoindre Agen alors que j’étais encore à Marcoussis, au Pôle France. J’avais juste 18 ans. C’était un grand changement : j’ai tout quitté pour venir ici, mais je ne regrette rien.
Troisième ligne, sur quelques centimètres…
PENNSYLVANIE: En fait, j’étais au troisième rang jusqu’à l’âge de 16 ou 17 ans. Mais avec l’équipe de France Jeunes on m’a dit que j’étais trop petit pour continuer à ce poste. On m’a alors proposé de m’installer au centre ou de jouer au talonneur. Je crois que j’y ai réfléchi pendant un quart de seconde (rires). J’ai choisi de devenir centre et je pense avoir pris la bonne décision. Après, cela ne m’a pas empêché de venir m’essayer à la mêlée parfois en fin de match, c’était toujours un plaisir (rires).
« Je parie que je n’atteindrais pas la finale ! »
PENNSYLVANIE: Mes années au sein des équipes de jeunes du SUA ont été prolifiques, j’ai même été champion de France des Crabos en 2009. Je me souviens particulièrement de cette finale contre Mont-de-Marsan, disputée à Marmande. Avec Romain Inigo on a fait un pari un peu fou : je n’aurais pas dû faire une seule passe pendant tout le match. Je me suis même retrouvé dans une situation de deux contre un, où au lieu de passer le ballon, je faisais une passe avec mon pied ! Heureusement, le score était largement en notre faveur, sinon je ne me serais jamais permis de prendre ce risque. C’était un souvenir amusant, mais surtout un grand moment avant de débuter chez les pros.
La plus grande émotion avec Agen ?
PENNSYLVANIE: Étonnamment, je ne dirais pas la finale des adhésions du Top 14 2015, qui était mon dernier match avec Agen. Personnellement, je pense plutôt à la demi-finale de la même année, contre Perpignan à Aimé-Giral (32-32, victoire au nombre d’essais marqués). Parce qu’on perd le match juste avant, quand on les reçoit, chez eux, donc on se retrouve à jouer la demi-finale chez eux. Et donc, ce qui se passe, c’est que nous gagnons à égalité en nombre de tentatives, alors que nous étions tous à bout de souffle, devant un public hostile. C’est une de mes plus belles rencontres, un de mes meilleurs souvenirs. Surtout, nous sentions qu’à partir de ce moment, une énième épreuve nous attendait. C’était indescriptible.
“A Agen je suis tombé dans une routine et j’en avais peur”
PENNSYLVANIE: J’ai quitté SUA en 2015 parce que j’avais besoin de changement. A Agen tout était devenu routine : même si c’était agréable, j’avais envie de sortir de ma zone de confort, pas forcément en matière de rugby, mais surtout en dehors. On se levait, on allait boire un café au même endroit, on allait à l’entraînement, on jouait aux cartes, on allait au marché, en ville, à la pêche, à la chasse… mais c’était toujours rythmé, c’était toujours la même chose. J’ai fini par tomber dans une ornière et j’en avais peur. J’avais envie de découvrir autre chose, de m’immerger dans un nouvel environnement et de me tester. Brive était une équipe qui partageait des valeurs similaires à Agen. L’environnement était différent, les gens aussi, mais cela m’a permis de m’adapter et de grandir. J’ai beaucoup aimé l’environnement professionnel qui y règne. Les premières saisons de Top 14 se sont très bien passées, on finit à chaque fois juste en dehors du top 6, mais après j’ai eu quelques blessures…
Trop de blessures au dos
PENNSYLVANIE: Bien sûr, je n’ai pas été épargné, mais les blessures font partie du sport. J’en ai subi plusieurs, certaines graves comme des ligaments croisés ou une cheville endommagée qui me handicape encore aujourd’hui. Mais je n’ai aucun regret. Ce dont je me souviens, c’est que j’ai toujours su me relever, même dans les moments les plus difficiles. J’ai pu dire « stop » au bon moment et regarder vers un avenir déjà planifié. Mon histoire avec le rugby est comme ça, et je ne la changerais pour rien au monde.
« Brive a vraiment l’avantage à domicile »
PENNSYLVANIE: Maintenant, je suis le rugby de loin, mais je pense que Brive prendra le relais à Agen jeudi soir. C’est toujours difficile de gagner avec eux. Je me souviens d’une année où on avait réussi à les battre avec Agen, mais c’est rare. Brive est solide à domicile et joue, comme prévu, les premiers rôles en Pro D2. Agen va devoir changer de jeu, car le terrain, même s’il est un peu synthétique, n’est même pas celui du Stade de France. Il n’y aura donc pas de grands vols comme aime faire Agen Armandie. Après, le jeu de Brive a encore changé par rapport à ce qu’on avait connu il y a quelques années. Ce n’était pas productif, c’était très frontal, dirons-nous (rires). Ce n’est peut-être pas une victoire éclatante, mais Brive a vraiment l’avantage à domicile.
Le petit questionnaire //
Quidam Hebdo : Un joueur en particulier vous a-t-il impressionné lors de vos années au SUA ?
PENNSYLVANIE: Je ne pouvais pas nommer un seul joueur. Ce qui me vient avant tout à l’esprit, ce sont les liens d’amitié. Des gars comme Marc Giraud, Alexi Balès, Mathieu Lamoulie, Alexis Vives… Ce sont des gens avec qui j’ai partagé beaucoup de moments forts. Après tout, ce sont des joueurs de ma génération… Plus que les matches, les titres ou un joueur de son niveau, ce sont ces relations qui perdurent, malgré les changements de club.
QH : Que es-tu devenu depuis que tu as pris ta retraite du rugby ?
PENNSYLVANIE: En reconversion professionnelle, j’ai choisi de me lancer dans la fabrication de chaudières. Je suis chaudronnier industriel, je travaille donc principalement le métal : portails, escaliers, garde-corps et autres structures métalliques. A côté de ça, je fabrique aussi des petits meubles en mélangeant de la ferraille et du bois. Je l’ai essayé pendant une période de blessure assez longue. Malheureusement ces arrêts forcés m’ont permis de réfléchir à mon après-carrière et d’essayer de nouvelles choses. C’est ainsi que j’ai découvert ce métier un peu par hasard. Un membre du club m’a pris sous son aile dans son entreprise. J’ai commencé par quelques jours, puis pendant le repos et petit à petit, j’ai développé un réel intérêt pour ce domaine. A tel point que j’ai décidé d’en faire mon métier actuel. Quand j’ai arrêté le rugby, après ma dernière saison à Albi, je suis revenu ici et j’ai suivi une formation pour me perfectionner. Je suis ici depuis trois ans maintenant. J’ai mon propre atelier chez moi à Colayrac-Saint-Cirq et pour l’instant tout se passe très bien.
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