La réouverture au public de la cathédrale Notre-Dame de Paris, plus de 5 ans après l’incendie, est l’occasion de revenir sur l’apport des nouvelles technologies dans ce projet de reconstruction titanesque. Autodesk fait partie des entreprises qui ont participé via un parrainage financier et technologique. Explications d’Emmanuel di Giacomo, responsable du développement de l’écosystème BIM chez Autodesk pour l’Europe.
En avril 2019, après l’incendie de Notre-Dame de Paris, de nombreuses entreprises ont cherché à apporter leur aide. Outre un don financier dont le montant reste confidentiel, la société américaine Autodesk a également souhaité mettre en place un mécénat technologique.
Initialement, Autodesk était lié un partenariat avec la société française Art Graphique et Patrimoine, spécialisée dans la reconstruction de maquettes 3D, pour créer une maquette BIM de la cathédrale à l’aide de drones et de nuages de points. L’objectif : faciliter la planification et la gestion du chantier de reconstruction.
La maquette BIM de Notre-Dame de Paris, « la plus grande maquette d’un monument historique construit au monde »
« Il faut savoir que la maquette BIM de Notre-Dame de Paris est la plus grande maquette de monument historique jamais construite au monde. C’est donc quelque chose d’absolument exceptionnel et de gigantesque. C’est le modèle le plus détaillé, le plus grand et le plus lourd au monde, c’est donc vraiment une première », présente Emmanuel di Giacomo, responsable du développement de l’écosystème BIM chez Autodesk pour l’Europe, et architecte de formation.
Autodesk et Art Graphique et Patrimoine se sont vite retrouvés confrontés à un premier défi : le manque de plans et de documents 2D pour la cathédrale.
« On pourrait penser qu’il y aurait des documents, des plans, des coupes, etc., mais il n’y avait aucun document 2D. Ainsi, une des premières missions, notamment de l’Art Graphique et du Patrimoine, a été de recréer un certain nombre de documents 2D à partir des nuages de points créés. Il y a donc des plans, coupes, élévations de toutes les faces de Notre-Dame créés avec AutoCAD » explique Emmanuel di Giacomo.
Crédits : Organisme public chargé de la conservation et de la restauration de la Cathédrale Notre-Dame de Paris / Art Graphique & Patrimoine / Autodesk
Une aide précieuse pour la logistique
Une fois créé, le modèle BIM a été utilisé spécifiquement pour positionner les grues, retirer les anciens échafaudages et installer les nouveaux, mais aussi anticiper le déchargement des matériaux.
« Ce modèle BIM nous a permis de réfléchir, toujours par rapport à la logistique sur site, où emplacement des prises d’eau, évacuations d’eau du chantier » dit Emanuele di Giacomo.
Autodesk a également fait don de logiciels et mis à disposition ses équipes d’experts pour aider les équipes de l’organisme public chargé de la reconstruction de Notre-Dame à se familiariser avec le BIM.
Cette maquette numérique a ensuite été confié au Centre Scientifique et Technique de la Construction (CSTB), afin qu’il teste la résistance au vent de la nouvelle flèche.
Les abords de Notre-Dame de Paris ont également été touchés
Parallèlement à la reconstruction de la cathédrale, Autodesk s’est associé à la ville de Paris en 2021 pour « réinventer les abords de Notre-Dame ». Quatre équipes composées d’urbanistes, d’architectes et de paysagistes étaient en compétition pour sélectionner leur projet de réaménagement.
L’entreprise spécialisée dans le BIM a alors mis à disposition une maquette 3D de la cathédrale et de ses abords.pour que les équipes en compétition puissent travailler sur les mêmes bases : le paysagiste belge Bas Smets a remporté ce concours international.
Mais qu’en est-il de l’apport de ces nouvelles technologies à l’entretien et à la maintenance futurs de la cathédrale ?
Emmanuel di Giacomo nous en parle la possibilité de créer un jumeau numérique de Notre-Dame pour gérer le cycle de vie de la cathédralemais ils entretiennent également les systèmes de chauffage, de ventilation, de climatisation (CVC), de plomberie et de sécurité incendie.
Le BIM est largement adopté pour la rénovation des actifs
Avant Notre-Dame de Paris, ce n’était pas la première fois qu’Autodesk participait à la restauration d’un monument historique. Son logiciel y a grandement contribué la rénovation du Grand Palais, de la Cité des sciences et de l’industrie, de la Bourse du Commerce, du Centre Pompidou, des toits du Louvre ou encore des abords de la Tour Eiffel.
Concernant les édifices religieux, il a également collaboré avec Art Graphique et Patrimoinela reconstruction de la flèche de la basilique Saint-Denis.
« L’intégralité de la flèche en pierre a été reconstruite avec notre solution Autodesk Inventor, qui est une solution mécanique. Il existe plus de 20 000 pierres et chaque pierre est numérotée. Les machines CNC tailleront chacune des pierres, ce sont donc des coupes extrêmement complexes », explique le spécialiste du BIM.
Transition numérique : le retard de la France
Interrogé plus généralement sur l’adoption des nouvelles technologies par les entreprises françaises du BTP, Emmanuel di Giacomo souligne que la plupart des majors, comme Vinci, Bouygues ou Eiffage, les ont adoptées.
« Toutes les grandes entreprises sont standardisées en BIM et continuent de faire d’énormes progrès. Ils investissent de plus en plus dans ce secteur. Ils ne démarrent plus un projet d’une certaine manière “classique”c’est à dire en 2D. Et ils le font même si cela n’est pas demandé par le porteur du projet » note le spécialiste.
D’autre part, la transition numérique a du mal à se généraliser de plus en plus auprès des petites entreprises du BTPselon l’expert, principalement en raison d’obstacles psychologiques et financiers.
« Il y a en effet un frein psychologique qui est évident. Les gens n’aiment pas le changement, et surtout en France on est très réfractaire au changement en général», observe Emmanuel di Giacomo.
« Le coût peut être une raison, mais ce n’est pas nécessairement une raison justifiée, car, par exemple, chez nous il y a des outils BIM à partir de 50 euros par mois», souligne-t-il tout en le reconnaissant les petites entreprises ne privilégient pas forcément ce type d’investissement dans un contexte de crise économique.
Selon lui, ce retard de la France pourrait s’expliquer notamment par l’absence d’obligation réglementaire d’utiliser le BIM pour les marchés publics, contrairement à d’autres pays européens.
« Je pense que c’est aussi lié au fait que la France est le seul pays où il n’y a pas d’obligation BIM pour les marchés publics. Par conséquent, cela n’a pas nécessairement encouragé les micro-entreprises et les PME, contrairement aux grandes entreprises qui, se trouvant dans un contexte concurrentiel international, ont été contraintes, également pour survivre, à revoir leur façon de travailler. “, estime-t-il.
Et d’ajouter : « Il faut savoir que désormais presque tous les pays européens, comme l’Allemagne, l’Angleterre, l’Espagne, l’Italie, la Suisse ou les pays scandinaves, ont des obligations liées au BIM. ».
Promouvoir les activités à forte valeur ajoutée et l’exploitation des données
Pour l’expert, l’adoption du BIM et de l’intelligence artificielle est urgente, notamment pour éviter les activités à faible valeur ajoutée, stocker et utiliser les données efficacement et augmenter la productivité :« Nous nous sommes rendu compte que les professionnels perdaient l’équivalent de 14 heures par semaine et par personne. Ainsi, environ un tiers du - est perdu sur des activités à faible valeur ajoutée, ce qui est énorme. Erreurs liées à la non-utilisation du BIM ou à la non-utilisation de technologies avancées telles que l’IA, cela génère plus de 280 milliards de dollars de pertes au niveau des chantiers de construction », souligne-t-il.
« Finalement, ce qui est choquant, c’est que sans ces technologies, 96% des données générées lors des phases de conception et de construction sont perduesalors que typiquement l’intelligence artificielle se nourrit de ces données », conclut.
Commentaires recueillis par Claire Lemonnier
Photo de l’un d’entre eux : Adobe Stock
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