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un retour des réfugiés possible, mais à quel prix ?

A peine s’est-il autoproclamé nouveau chef de l’Etat syrien que l’ancien jihadiste Abou Mohammed al-Joulani, qui promet désormais la mise en place d’un « État de droit »a appelé les exilés syriens à rentrer chez eux. En 2024, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés estime que 6,3 millions de Syriens ont cherché refuge à l’étranger, dont 19,8 % en Europe. “En , il y en a environ 80 000, si l’on inclut les regroupements familiaux et les mineurs”ajoute Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Et 700 dossiers de demandes d’asile sont toujours en cours.

Très vite, l’Allemagne et sept autres pays européens ont annoncé suspendre l’examen des demandes d’asile des Syriens, incapables de déterminer quels risques étaient réellement encourus dans le pays pendant cette période d’instabilité. Les réfugiés n’ont plus aucune raison de craindre le régime instauré par Bachar al-Assad, mais les profils et origines islamistes des nouveaux maîtres du pays génèrent également de la peur et les affrontements se poursuivent dans le nord du pays, notamment entre Kurdes. et des combattants pro-turcs. L’avenir est évidemment incertain.

Face à cette réalité, le ministère français de l’Intérieur a annoncé qu’il travaillait « sur la suspension des demandes d’asile en cours en provenance de Syrie ». Ce à quoi l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), chargé d’examiner ces demandes d’asile, a réagi en invoquant une « situation évolutive » qui pourrait en effet « conduire à suspendre temporairement la prise de décision ». En effet, la Convention de l’ONU de 1951 relative au statut des réfugiés précise que la cessation du statut de réfugié nécessite d’y voir plus clair et d’attendre des changements. « de longue durée et non temporaire par nature » dans le pays d’origine.

« Il est trop tôt pour dire s’ils retourneront en Syrie, où la situation politique est instable »

« Il est trop tôt pour dire s’ils retourneront en Syrie, où la situation politique est instable, où les écoles sont fermées, où plus d’un tiers des maisons sont détruites ! » confirme en effet Didier Leschi. Et si l’Ofpra refuse de prendre des « décisions hâtives » sur les demandes en cours, Didier Leschi précise qu’il n’y a pas de solution. « Il n’y aura pas d’expulsion des Syriens présents sur le sol français. On parle de suspendre l’examen des demandes, mais la simple demande confère déjà des droits à celui qui la présente.».

A l’inverse, l’Autriche a par exemple annoncé un projet d’expulsion des réfugiés accueillis ces dernières années parce qu’ils fuyaient le régime en place, et dont le statut pourrait donc être réexaminé. Et si la Commission européenne a précisé que ce retour devait être volontaire, cela n’a pas empêché plusieurs pays d’envisager ces départs, à commencer par la France. Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a en effet jugé qu’il y avait « un espoir que les réfugiés syriens au Moyen-Orient, et peut-être bientôt en Europe, puissent enfin rentrer dans leur pays ». Le sujet du retour des réfugiés syriens anime les débats dans tous les pays concernés depuis des années. Au Liban, petit pays qui en accueille à lui seul 12,4% ; en Turquie, qui en accueille près de 50 %, ou en Europe, continent encore marqué par la crise migratoire de 2015 et ses nombreuses conséquences politiques.

La suite après cette annonce

Ce retour faisait également partie des discussions lors du Conseil européen d’octobre, alors qu’une dizaine d’États membres réclamaient, depuis juillet dernier, une normalisation des relations avec le gouvernement syrien pour renvoyer ces réfugiés dans des zones sûres du pays. Car depuis 2015, les flux migratoires en provenance de Syrie n’ont jamais vraiment cessé. Selon les dernières données de la Police aux frontières (Paf), consultées par le JDD, les Syriens figurent dans le top 3 des nationalités parmi les migrants interceptés en Méditerranée centrale, qui cherchent à débarquer principalement en Grèce.

Sur les huit premiers mois de 2024, les Syriens représentaient 73 % des arrivées sur le sol hellénique. Depuis 2019, précise l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, 600 000 Syriens ont demandé l’asile en Europe. Un chiffre qui, bien qu’important, n’a cessé de diminuer depuis le plus fort de la crise migratoire en Europe, il y a neuf ans.

Appel aérien

Fabrice Leggeri, aujourd’hui député européen du Rassemblement national, était président de l’agence européenne Frontex au plus fort de la crise migratoire syrienne. Il se souvient : « J’ai pris mes fonctions quelques mois avant le début de la crise, en 2015. J’ai rapidement alerté les dirigeants européens sur l’ampleur que cela pouvait prendre, mais ils ne m’ont écouté qu’à moitié. » Ses agents, en effet, voyaient passer les flux incessants. « Ils ont traversé la Turquie, ont atteint la Grèce par bateau et ont marché jusqu’à la frontière allemande, souvent dans des conditions déplorables. »

Le droit d’asile a été utilisé à mauvais escient d’une manière massive et sans précédent dans l’histoire.

Mais si cette crise a particulièrement marqué les Européens, c’est parce que l’émergence de cette nouvelle route migratoire a fait l’effet d’un appel d’air pour les autres nationalités, Afghans et Maghrébins notamment. « Beaucoup y ont vu une opportunité d’entrer dans l’espace Schengen »explique encore Leggeri. Tout le monde a essayé de se fondre dans le flux, parfois en achetant directement de faux papiers aux réfugiés syriens. Pour l’ancien patron de Frontex, la crise migratoire de 2015 a vu un abus du droit d’asile d’une manière massive et sans précédent dans l’Histoire. « Je crois que les ONG d’extrême gauche ont joué un rôle majeur dans cette mauvaise orientation. Au nom du droit d’asile, nous avons fermé les yeux et laissé entrer un nombre incommensurable de personnes qui n’avaient pas légitimement droit au statut de réfugié… »

La nouvelle situation en Syrie pourrait-elle soulager les pays européens pressés de répondre aux inquiétudes populaires sur le sujet ? Didier Leschi rappelle que les ressortissants syriens en France constituent une « présence marginale »et c’est le plus « vivre en famille, avec femme et enfants ». Avant d’ajouter : « Contrairement aux réfugiés afghans par exemple, à 80 % seuls et de sexe masculin. » Mais là-bas, les talibans sont toujours au pouvoir.

 
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