Lorsqu’une digue a cédé à Sainte-Marthe-sur-le-Lac il y a cinq ans, l’écoulement des eaux a forcé plus de 6 000 personnes à quitter leur domicile. Les résidents ont depuis travaillé pour reconstruire leur vie dans la municipalité située juste à l’ouest de Montréal, mais le maire François Robillard affirme que les nouvelles cartes des zones inondables causent encore plus de frustration.
“Les citoyens sont vraiment choqués en ce moment (…) car cela va avoir un impact sur leur vie quotidienne”, a-t-il déclaré dans un entretien.
Les cartes actuelles des zones inondables du Québec désignent deux zones à risque pour les zones fluviales et côtières – les inondations sont attendues soit d’ici 20 ans, soit entre 20 et 100 ans. Dans le cadre du nouveau système qui devrait être mis en œuvre en 2025, il y aura quatre catégories de risque : faible, modéré, élevé et très élevé. Chaque catégorie a ses propres règles de construction et de rénovation.
Par exemple, le propriétaire d’une résidence située dans une zone à très haut risque ne serait pas autorisé à construire une nouvelle maison sur sa propriété ou à reconstruire une maison détruite par une inondation.
Selon M. Robillard, les cartes préliminaires qu’il a consultées situent 2 000 maisons de sa municipalité en zone inondable, comparativement à seulement deux actuellement. Ce changement radical amène les habitants de sa ville d’environ 20 000 habitants à se demander quel impact les désignations auront sur leurs propriétés.
« En 2019, la digue s’est rompue et il y a eu une inondation. À partir de ce moment, le gouvernement a autorisé tous les résidents de Sainte-Marthe-sur-le-Lac touchés à reconstruire sans les restrictions d’une zone inondable», a-t-il expliqué. Avec une nouvelle digue en place, les résidents se croyaient en sécurité.
“S’ils avaient su quatre ans et demi plus tard qu’on allait déclarer zone inondable (…) les gens n’auraient pas forcément investi ici”, a souligné le maire. “Ils auraient pu prendre l’argent du gouvernement et le réinvestir ailleurs”, a-t-il déclaré, qualifiant le changement d’orientation du gouvernement d'”absurdité”.
Le ministère de l’Environnement du Québec n’a pas répondu à une demande de commentaires.
En juin, le ministère estimait qu’avec les nouvelles cartes, plus de trois fois plus de Québécois se retrouveraient en zone à risque, passant de 22 000 à 77 000 foyers. Le mois dernier, le ministère avait indiqué que ce chiffre serait probablement révisé à la baisse.
Juste à l’ouest de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, sur le lac des Deux Montagnes, Pointe-Calumet est également protégée par une digue. Elle n’a pas été inondée depuis les années 1970 et la maire Sonia Fontaine soutient qu’elle n’a jamais été considérée comme une zone inondable. Toutefois, les cartes mises à jour placeraient plus de 97 % du territoire en zone inondable, a-t-elle mentionné.
Fontaine accusait la province de laisser les gens dans le flou et de leur faire craindre une baisse de la valeur de leurs propriétés.
“Depuis juin, les gens ne savent plus quoi faire de leur maison ici”, explique-t-elle, ajoutant que l’impact se fait sentir avant même l’entrée en vigueur des nouvelles cartes. “Je rencontre des gens chaque semaine, des gens qui pleurent, des gens qui ne peuvent pas vendre leur maison aujourd’hui.”
Mme Fontaine et M. Robillard souhaitent que Québec supprime les désignations de zones inondables proposées pour leurs municipalités et crée une catégorie distincte pour les municipalités protégées par des digues.
Un tollé au Québec
La frustration suscitée par les cartes des zones inondables a pris une tournure plus sombre dans la région des Basses-Laurentides. Sylvie D’Amours, députée de Mirabel de la Coalition Avenir Québec, a annoncé en octobre qu’elle fermait son bureau de circonscription pour des raisons de sécurité. Quelqu’un a tiré avec ce que la police a décrit comme un pistolet à plomb et a brisé une fenêtre du bureau. Mme D’Amours a suggéré que la colère suscitée par le projet de son gouvernement de mettre à jour les cartes des zones inondables pourrait être une raison possible.
Beauceville, au sud de Québec, a également connu son lot d’inondations. En 2019, un embâcle sur la rivière Chaudière s’est détaché, projetant de l’eau et des morceaux de glace au cœur de son centre-ville historique. Une centaine de bâtiments ont été démolis.
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Serge Vallée, directeur général de la municipalité, a indiqué que 59 immeubles de Beauceville sont actuellement situés en zone inondable.
“Ce que nous craignons, c’est que cela augmente avec les nouvelles cartes”, a-t-il souligné, ajoutant que même une désignation à faible risque pourrait avoir un effet négatif sur leurs hypothèques et leurs assurances.
Joanna Eyquem, spécialiste des infrastructures résilientes aux changements climatiques au Centre Intact d’adaptation au climat de l’Université de Waterloo, estime que la mauvaise communication et le manque d’informations facilement accessibles ont contribué au tollé au Québec.
Les Québécois devraient obtenir cette information non seulement auprès des gouvernements provincial et municipal, mais également auprès des compagnies d’assurance et des prêteurs hypothécaires, qui possèdent leurs propres cartes des zones inondables, a-t-elle soutenu.
Mme Eyquem a toutefois souligné que les digues peuvent être brisées et qu’il ne faut pas ignorer le risque pour des municipalités comme Sainte-Marthe-sur-le-Lac et Pointe-Calumet.
Même si le nouveau système de cartographie constitue une avancée positive, le Canada est loin derrière des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni en matière de cartographie nationale, a-t-elle déclaré, précisant que les nouvelles cartes du Québec ne tiennent même pas compte des fortes précipitations. qui constituera une Source croissante d’inondations en raison du changement climatique.
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