Au soir de sa nomination à Matignon, François Bayrou a déclaré que « pas plus que [lui] Je n’ai pas compris la gravité de la situation « . Qu’est-ce qui lui a permis de prononcer cette phrase avec pudeur ? Son complexe de supériorité ? Sa longue expérience politique ? Peut-être, mais aussi le dernier poste qu’il occupait jusqu’à la veille de sa nomination. De 2020 à 2024 en effet – un véritable bail – il a été Haut-Commissaire au Plan. Et donc accusé, selon la mission officielle, « orienter et coordonner les travaux de planification et de prospective menés pour le compte de l’État et éclairer les choix des pouvoirs publics en matière démographique, économique, sociale, environnementale, sanitaire, technologique et culturelle « . Un observatoire privilégié donc pour le nouveau premier ministre. Quel bilan tirer de ce mandat de quatre ans ? Bayrou, Haut-Commissaire au Plan, suggère un Bayrou chef de gouvernement de haut niveau ?
Un rapport sénatorial accablant
Un rapport sénatorial rédigé par le sénateur (RN) du Pas-de-Calais, Christopher Szczurek, présenté en septembre dernier et dont les conclusions ont été adoptées et publiées par la commission des Finances de la Chambre haute, fait l’éloge du haut-commissaire François Bayrou. Selon lui, « à ce jour, la contribution du Haut-Commissariat au Plan (HCP) à la définition des politiques publiques n’a pas pleinement répondu aux attentes importantes qui étaient placées dans cet organisme au moment de sa création ».
Le rapport du Sénat dénonce un « concours » avec tous les organismes déjà existants (France Stratégie, notamment), qui produit un « fragmentation des compétences et des ressources « . La recommandation sénatoriale visant à rapprocher ces deux organisations avait également été adoptée en octobre et François Bayrou venait d’être promu à la tête d’une « super » haute commission du plan. Et sa petite équipe d’une dizaine de salariés s’est agrandie pour compter une centaine de personnes travaillant pour France Stratégie, lorsque le budget est passé de 1,9 million d’euros par an à environ 23 millions d’euros… François Bayrou dit avoir été félicité : « Cette institution originale pourra enfin jouer pleinement son rôle. » Et il a même parlé de « économiser les ressources pour une meilleure efficacité »…
Un terrible bilan
Les résultats concrets du HCP sont modestes. Pour rester modéré… depuis 2020, le HCP a publié moins d’une vingtaine de « documents stratégiques ». Sur divers sujets tels que « Et si le Covid durait ? », « Électricité : le devoir de lucidité » ou encore « Agriculture : le défi de la reconquête « . Le rapport sénatorial constate que ces notes sont insuffisamment fournies. Certains font moins de vingt pages. Le point n’a pas hésité à commenter : « On est très loin des documents ultra détaillés et truffés de chiffres de la Cour des comptes ou de l’Inspection générale des finances. Certains, pour parler franchement, ressemblent à des copies des diplômes de master des étudiants de Sciences Po. Et force est de constater qu’ils ne sont pas d’une grande utilité, compte tenu du manque de répétitivité des lignes d’action qu’ils proposent. » Vous trouverez ici des extraits des réactions des sénateurs et les réponses parfois embarrassées de la porte-parole du gouvernement de l’époque, Prisca Thévenot.
Une structure créée spécifiquement pour Bayrou
Cette organisation, que certains qualifient de « Comité Théodule « Ô » coquille vide », a été spécialement recréé par Emmanuel Macron pour Bayrou, France Stratégie, qui avait absorbé l’ancienne Commission du Plan. Un processus qui en dit déjà long sur le mal administratif français… Si le rapport du Sénat constate que, d’un point de vue budgétaire, la gestion financière du HCP” ne présente pas de difficultés particulières », son budget annuel tourne toujours autour de 1,9 million d’euros pour garantir les dépenses de fonctionnement et surtout 14 équivalents - plein. Une dépense supplémentaire qui s’est donc ajoutée au coût des autres structures. Certes François Bayrou avait choisi d’exercer ses fonctions de Haut-Commissaire à titre bénévole. Mais tout cela dit que cet agent de santé était un hochet destiné à récompenser un loyaliste de la Macronie.
Le rapport a également souligné le « forte personnalisation » du bureau du Haut-Commissaire, « peu compatible avec ses missions de prévision et de planification “, ajoutant que ” Les responsabilités politiques importantes que le Haut-Commissaire continue d’assumer, parallèlement à son mandat, sont très discutables. ».
Le passage de Bayrou à ce poste n’est ni glorieux ni convaincant. Encore une fois, s’il voulait être à la hauteur de l’Himalaya dont il parle, il devrait arrêter… de faire du Bayrou.
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