Cartes Pokémon, baskets, accessoires de luxe, bidons de lessive… Tout s’achète et se vend sur Whatnot, cette application de live shopping twistée par TikTok.
Ambiance d’une salle des ventes sur la kétamine ! « C’est dimanche soir, 22h30. Le plus aléatoire possible. Pourtant, les objets d’occasion coûtent 140 euros», raconte Mehdi, 37 ans, le nez tourné vers Whatnot. Le concept de cette application hybride ? Combinant le marché traditionnel, les enchères en ligne et la plateforme d’achat en direct où les vendeurs « performent » sous le feedback direct de leurs acheteurs. Mais ce qui rend vraiment l’application populaire, c’est son « ventes », des enchères qui durent rarement plus de 50 secondes, où les produits s’arrachent à partir de 1 euro – PDD 1€ dans le jargon.
Les petites ventes génèrent de gros profits
Aux Etats-Unis, Whatnot annonce avoir dépassé les 2 milliards de dollars de chiffre d’affaires à travers la diffusion en direct. En France, pays du live shopping, les Français commencent à imposer leur style. « Depuis l’été 2024, j’ai vu des Français, des Allemands, des Anglais, alors qu’avant je ne les avais jamais vus », observe Mehdi. Pierre Tettart, directeur général de Whatnot en France, annonce pour 2024 “un chiffre d’affaires multiplié par 10 par rapport à janvier” et “plusieurs dizaines de milliers d’utilisateurs par jour, notamment des millennials”. « Nous sommes arrivés au bon moment : la pandémie a accéléré le live shopping et nous avons réuni toutes les fonctionnalités qui ont permis à Whatnot de fidéliser les utilisateurs. »
Jusqu’à 12 heures de dédouanement sans escale
Les utilisateurs viennent en grande partie du monde de la collection (30% des ventes), le véritable ADN de l’appli, ce sont les cartes Pokémon, la place de marché interactive élargit son terrain de jeu. Deux catégories s’imposent désormais sur l’appli : « luxe » et « anti-inflation ». ” vies. A la tête du compte « Shop ton stock », Brice s’est positionné sur cette dernière niche. Venant du « géant amazonien »cet e-entrepreneur en série vend des stocks à la Prévert (du linge aux jouets pour enfants) en PDD pour 1 €. La raison du succès de son « élimination en direct » qui dure jusqu’à 12 heures ? Des prix bas ? Pas seulement ça. « Les gens veulent trouver une connexion humaine. Une véritable communauté commerciale où vendeurs et acheteurs se connaissent », explique-t-il.
Divertissement commercial et thérapie en direct
On touche ici une autre spécificité de Whatnot et des applications concurrentes comme Voggt : plus que des ventes, ces marketplaces prétendent être divertissement commercial, concept qui allie shopping et divertissement. « Je reçois des commentaires du genre : merci pour cette soirée, encore plus incroyable que si on avait bingé sur Netflix ! » rigole Brice. Une transformation des clients en audiences qui permet un « hacking » des usages plutôt savoureux. Darren, alias Thriftworx, un Écossais vendant des antiquités françaises, déguisé en astronaute depuis son grenier de Limoges, témoigne : « J’ai dû annuler un spectacle live. A la dernière minute, j’ai décidé de passer en direct, sans les produits. Il y avait des clients connectés, ils voulaient discuter. Nous avons parlé de nos problèmes. Au final, cela m’a fait du bien et m’a permis de conserver une grande visibilité. »
Le capitalisme auto-récit
Cependant, au-delà des critiques que l’on pourrait être tenté d’adresser à Whatnot et autres plateformes de ce type – consommation excessive irresponsable, empreinte carbone, etc. – ces derniers nous renseignent sur ce phénomène identifié dans le business de l’influence déjà vieillissant : l’omniprésence des marque personnelle comme moteur du commerce. Un « capitalisme auto-narratif » mis en avant par Nathan Ferret, professeur à l’ENS de Lyon dans une thèse sur les pratiques des joueurs vidéo sur Twitch, et défini comme « un ensemble de relations sociales qui font de la construction médiatique de soi une Source d’amélioration ». . » En résumé : dans nos sociétés ultra-technologiques, la valeur économique ne repose plus uniquement sur le travail concret, mais sur l’histoire de soi. «Whatnot est un cas exemplaire», conclut le sociologue.
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