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Le colonel Fabien, celui qui a lancé la résistance armée, est décédé

« Le - était gris, pluvieux, on sentait l’arrivée de l’hiver. Nous avons remonté l’avenue Secrétan en mangeant des marrons et en regardant les vitrines (je venais de sortir de la clinique, j’étais au chômage et je n’avais pas les moyens d’aller au cinéma). Profitant d’un bref répit, nous avons couru vers les Buttes-Chaumont : sous la pluie fine qui avait recommencé à tomber, nous avons fini par nous asseoir, sur des chaises mouillées ! Et nous sommes restés là un long moment, l’un dans l’autre, mouillés mais heureux. Vers sept heures nous sommes partis : nos pieds sont tombés dans nos chaussures trempées ! »

Le 28 janvier 1940, détenu à la Sanità pour militantisme communiste, Pierre Georges écrit ces lignes à son « petite femme bien-aimée »Andrée, enceinte et incarcérée à la prison de Petite Roquette. Quelques jours plus tôt, en pleine drôle de guerre, il lui avait dit qu’il était vraiment agacé par un « une dent de sagesse qui ne peut pas sortir ». C’est un petit garçon, un gosse, ce Parisien amoureux qui vient de fêter ses 21 ans entre les murs de la centrale – et on a du mal à croire que des dizaines de milliers de personnes vont enterrer cet enfant, cinq ans plus tard, dans la capitale, rendre un dernier respect à celui dont ils ont gardé, et à nous qui les suivons, un seul des nombreux pseudonymes de la résistance : le colonel Fabien.

« Même si je suis très jeune, j’ai déjà vécu beaucoup de choses »

Si l’on n’a pu résister ni au plaisir ni à l’émotion de citer ses lettres intimes, ce n’est pas dû à une envie imbécile, et aujourd’hui largement partagée, de la raconter à travers la petite histoire de sa petite vie privée. C’est seulement parce que le flic-flac des chaussures blessées de Fabien, dont Andrée – à la suite de Rimbaud dans “Ma bohème” – devait tirer les élastiques, le pied près du cœur, éclaire l’épitaphe que Jean Paulhan dédia à ses compagnes le Les nazis sont tombés en résistance : « Je sais que certains disent : ‘Ils sont morts pour rien.’ Une simple information (pas toujours très précise), ni un tract, ni même un journal clandestin (parfois assez mal rédigé) ne valaient pas cela.» A ceux-là il faut répondre : « C’est parce qu’ils étaient du côté de la vie. C’est parce qu’ils aimaient les petites choses comme une chanson, un claquement de doigts, un sourire. » Fabien aimait aussi les marrons grillés et le cinéma. Sous l’occupation, cela coûte des vies humaines.

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