A New York, une annonce de recherche en remplace une autre. Après que la police ait lancé un appel à témoins pour retrouver l’assassin de Brian Thompson, le PDG du géant de l’assurance maladie UnitedHealthcare, assassiné à Manhattan le 4 décembre, un autre type d’affiche est apparu dans les rues.
On voit les visages de plusieurs dirigeants de grandes compagnies d’assurance avec le mot “Recherché”comme s’ils étaient des bandits en liberté. Leur crime : « Ayant bloqué l’accès aux soins pour augmenter leurs profits », lit-on dans le document. Un discours qui semble avoir une résonance positive auprès d’un grand nombre d’Américains.
Les réseaux sociaux ont été inondés de messages de soutien
Après le drame, les réseaux sociaux ont été inondés de messages d’humour noir et de sympathie pour l’assassin Luigi Mangione, transformé en une sorte de Robin des Bois moderne. Le hashtag #FreeLuigiMangione se répand comme une traînée de poudre sur Internet.
Ingénieur diplômé d’une grande université et fils de bonne famille, ce jeune italo-américain de 26 ans a été arrêté cinq jours après le meurtre. Selon les derniers éléments de l’enquête, il serait à l’origine d’un manifeste contre le système de santé américain, “le plus cher du monde, même si l’espérance de vie d’un Américain est la 42ème au monde.”
« Pleuraient-ils la perte des personnes qu’ils avaient laissées mourir ? »
Des critiques qui s’ajoutent aux nombreuses attaques lancées contre la société UnitedHealthcare à partir du 4 décembre. Sur la page Facebook de l’entreprise, des dizaines de milliers de “J’aime” ont été publiés suite à l’annonce du décès de Brian Thompson. Au point que les commentaires ont dû être bloqués.
« Pleuraient-ils la perte des personnes qu’ils avaient laissées mourir ? », a répondu un internaute. D’autres internautes en ont profité pour partager leurs expériences. Comme cette mère de Pennsylvanie, dont l’entreprise aurait refusé de prendre en charge le coût d’une sonde nécessaire pour nourrir sa fille de 9 ans pendant la chimiothérapie.
Un employé de UnitedHealthcare a également déclaré à NBC que nombre de ses collègues avaient été victimes de menaces téléphoniques et de harcèlement. « Ce type de commentaires reflète une frustration collective à l’égard des assureurs maladie », résume Elisabeth Rosenthal, directrice de KFF Health News, un site d’information lié à une fondation spécialisée dans l’étude du système de santé américain.
Le refus des plaintes en ligne de mire
Contrairement à la France, cette dernière se caractérise par la fragmentation et la décentralisation. Elle est dominée par les grands assureurs privés, qui couvrent la majorité de la population outre-Atlantique (65 % en 2023). Chacun fixe ses propres règles de remboursement et dispose de son propre réseau de prestataires de soins. En l’absence de réglementation nationale, le coût du traitement est très élevé. Une simple consultation avec votre médecin peut coûter plusieurs centaines de dollars.
Une pratique appelée « rejet de la demande » (« rejet de la question ») concentre la critique. Il s’agit de la décision d’un assureur de ne pas rembourser un service qu’un médecin souhaiterait offrir. Ce système d’autorisation préalable vise notamment à éviter de devoir entreprendre des interventions jugées inutiles, dangereuses ou trop coûteuses.
Alors que les compagnies d’assurance y voient un moyen de contrôler leurs dépenses et de protéger leurs clients, les groupes de défense des patients accusent les géants du secteur d’abuser de ce gaspillage pour augmenter leurs profits. Cette situation, combinée à des procédures de recours longues et opaques, peut entraîner une suspension du traitement ou des difficultés financières pour les patients concernés.
L’une des entreprises les plus rentables du pays
« Un tiers des Américains ont des dettes médicales et environ 15 % pensent qu’ils ne seront pas en mesure de les rembourser de leur vivant.Ricorda Elisabeth Rosenthal. Il y a des gens qui deviennent insolvables, dont les maisons sont confisquées… »
UnitedHealthcare, qui compte parmi les entreprises les plus rentables du pays (plus de 20 milliards d’euros de bénéfices en 2023), est tristement célèbre dans ce secteur. Selon le site d’études de consommation ValuePenguin, l’entreprise s’est opposée à 32 % des demandes reçues l’an dernier, ce qui en fait un leader dans ce secteur. Il est également visé par une réclamation collective pour avoir rejeté les demandes de personnes âgées très fragiles sur la base des calculs d’un mystérieux algorithme utilisé par une filiale.
De là à justifier un meurtre ? “Nous ne tuons pas les gens de sang-froid pour des raisons politiques ou pour exprimer un point de vue”a condamné le gouverneur démocrate de Pennsylvanie, Josh Shapiro. « Le recours à la violence pour lutter contre la cupidité des entreprises est inacceptable. » a réagi Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison Blanche.
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