Mais où auraient pu aller les auditeurs de la radio cet automne ? Selon les derniers chiffres de Numeris, la plupart des émissions ont subi une baisse sensible de leur audience. La faute, bien sûr, ce sont les services d’écoute en ligne. Mais avant de proclamer la mort de la radio : prudence. Le rattrapage n’est pas comptabilisé dans les audiences.
Lorsque les données de la firme Numeris ont été rendues publiques la semaine dernière, toutes les stations se vantaient soit d’être numéro un, soit d’avoir connu une augmentation de part de marché. Cependant, ce que révèlent également les chiffres, c’est que ledit marché devient de plus en plus petit.
En fait, presque toutes les émissions montréalaises, même celles qui ont gagné des parts de marché, ont perdu des auditeurs au cours de la dernière année. Paul Arcand, par exemple, a atteint une moyenne de 90 000 auditeurs par minute l’an dernier à la même date au 98,5 FM, comparativement à 66 000 pour Patrick Lagacé cet automne. Sur ICI Première, Pénélope McQuade a perdu un tiers de son audience.
«La radio suit la courbe inverse des services d’écoute en ligne», constate André St-Amand, qui agit comme consultant dans l’industrie. « On parle beaucoup de Spotify et d’Apple Music qui ont fait du mal aux radios musicales, mais les podcasts concurrencent aussi les radios parlées. Il y a plus d’offres audio et les gens ne disposent que de 24 heures par jour, donc, inévitablement, l’écoute de la radio traditionnelle est en déclin. »
André St-Amand est actuellement consultant chez Bell Média, mais il a longtemps été patron chez Cogeco. Ce radioman estime que l’avènement du télétravail contribue aussi à la baisse du nombre d’auditeurs.
« Il y a moins de monde dans leur voiture, qui reste le lieu privilégié pour écouter la radio. Il y a aussi moins de monde dans les bureaux, où les gens étaient souvent exposés malgré eux à la radio qui passait en fond sonore», affirme André St-Amand, très préoccupé par cette tendance que l’on observe partout au pays. , continue.
De nouvelles habitudes
À l’automne 2023, les Canadiens passaient en moyenne 11 heures à écouter la radio traditionnelle chaque semaine, selon Numeris. C’est six de moins que dix ans plus tôt.
Concrètement, cette érosion de l’audience se traduit par l’exode de certains annonceurs. Un défi de taille, quand on sait que la publicité est le gagne-pain de toutes les stations, à l’exception de -. Entre 2019 et 2023, le CRTC estime que le marché de la radio commerciale francophone à Montréal a perdu 24 % de ses revenus.
Les grands diffuseurs reconnaissent que la radio traditionnelle a connu des - meilleurs. Mais ils affirment que le tableau d’ensemble n’est pas aussi sombre qu’il y paraît.
Sur leurs applications respectives, les radios disent avoir constaté une forte augmentation du rattrapage, qui n’est pas comptabilisée par Numeris.
« Le Numéris est une photo partielle. Les habitudes audio changent. De plus en plus de gens écouteront les segments de nos émissions qui les intéressent après la diffusion. Numeris ne mesure pas cela actuellement. Ce serait dommage de tirer des conclusions uniquement avec ces chiffres», insiste Caroline Jamet, directrice générale de la radio et de l’audio à -.
Même son de cloche du côté de Cogeco, propriétaire du 98,5 FM ainsi que des stations musicales Rythme et CKOI. « L’échantillon utilisé par Numeris est très représentatif. Il est très fiable lorsqu’il s’agit d’écoute en direct. Maintenant, notre souhait est que Numeris adapte sa mesure pour pouvoir également capter les nouvelles habitudes d’écoute», déclare Jean-Sébastien Lemire, vice-président stratégie numérique chez Cogeco Média.
Vers une nouvelle méthodologie ?
En TV, les données confirmées de Numeris prennent en compte les téléspectateurs qui rejouent un programme diffusé dans la semaine à l’aide de leur magnétophone. A la radio, ce n’est que l’écoute en direct qui se reflète dans les chiffres de Numeris, comme ceux qui ont été dévoilés la semaine dernière.
Numeris reconnaît être actuellement en discussion avec différents acteurs de l’industrie pour peaufiner sa méthodologie afin de mieux prendre en compte les nouvelles habitudes d’écoute. Cependant, tous les acteurs n’y voient pas pour l’instant un intérêt. Certains misent depuis longtemps sur un rattrapage pour toucher de nouveaux publics ; d’autres commencent tout juste à prendre ce virage.
« S’il y a un consensus pour que nous modifiions notre méthode de calcul de l’écoute, nous le ferons. Mais il faut vraiment un large consensus, car cela coûte très cher de changer nos façons de faire», affirme Catherine Malo, vice-présidente principale du développement des affaires et du marketing chez Numeris.
Comment fonctionne Numeris à la radio ?
Sur le marché radiophonique francophone de Montréal, les chiffres d’écoute sont obtenus à partir d’un échantillon représentatif d’un peu moins de 1 000 personnes. Ils portent en permanence sur eux un appareil PPM, un objet ressemblant à un téléavertisseur, qui leur permet d’identifier toutes les fois où ils sont exposés à la radio. Pour être compté comme auditeur, il suffit d’être dans un endroit où la radio passe sans que vous l’ayez décidé, comme une salle d’attente ou un bus. Sont comptabilisées les personnes qui écoutent la radio sur l’application de la station plutôt que sur la bande FM. S’ils portent des écouteurs filaires, ils le sont aussi. Mais pas s’ils portent des écouteurs Bluetooth. Un problème que Numeris s’efforce actuellement de corriger.
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