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pourquoi Volodymyr Zelensky semble désormais ouvrir la voie à des négociations avec la Russie

Le dirigeant ukrainien n’exclut pas une perte temporaire du contrôle des territoires ukrainiens occupés par la Russie, contre les garanties de protection de l’OTAN. Mais il espère les « récupérer » par « la voie diplomatique ».

Une déclaration notable et inédite, près de trois ans après le début de l’invasion russe de l’Ukraine. Dans un entretien accordé à Sky News vendredi 29 novembre, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est dit ouvert à la possibilité d’un cessez-le-feu et d’une perte temporaire de contrôle sur les territoires occupés par la Russie, à plusieurs conditions. « Nous devons placer le territoire ukrainien que nous contrôlons sous l’égide de l’OTAN » Alors “pour récupérer” régions d’Ukraine occupées par Moscou “par la voie diplomatique”, a défendu le chef en guerre.

Comme le souligne Sky News, de tels commentaires sur les territoires occupés sont une première depuis le début du conflit. Dix jours plus tôt, Volodymyr Zelensky avouait sur Fox News : “Nous ne disposons pas encore de forces suffisantes pour repousser Poutine, les armes à la main, jusqu’aux frontières de 1991.” « La Crimée peut être reprise diplomatiquement »il a ajouté. Dans les discours du chef de l’Etat ukrainien, la perspective de négociations avec Moscou n’est pas nouvelle, “mais c’était encore plus clair [à ce sujet] ces dernières semaines », analyse Marie Dumoulin, directrice du programme Europe élargie au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR).

“Jusqu’à présent, le discours consistait à dire que l’objectif était de reprendre le contrôle des frontières de 1991, y compris la Crimée et le Donbass.”

Marie Dumoulin, du Conseil européen des relations internationales

sur franceinfo

Comment comprendre ces dernières déclarations ? Pour les chercheurs interrogés par franceinfo, le retour prochain au pouvoir de Donald Trump à Washington joue un grand rôle, tout comme les difficultés sur le front et un épuisement qui gagne du terrain au sein de la population. “Nous sommes sur un message de plus en plus explicite, sans doute pour préparer la société à l’inévitable compromis”, pointe l’analyste Ulrich Bounat, auteur de Guerre hybride en Ukraine : quelles perspectives ?

Le spécialiste en est convaincu : à partir de 2025, « L’administration Trump obligera les Ukrainiens à s’asseoir à la table des négociations avec la Russie. » Mi-novembre, dix jours après l’élection du candidat républicain et populiste, Volodymyr Zelensky affirmait être “certain que la guerre prendra fin[it] plus tôt” avec la nouvelle équipe de direction américaine. “C’est leur approche, leur promesse envers la société”a-t-il déclaré au média ukrainien Suspilne.

Fervent défenseur de « L’Amérique d’abord »Donald Trump a vivement critiqué l’ampleur de l’aide militaire américaine apportée à l’Ukraine. L’ancien président, qui sera investi le 20 janvier 2025, a promis de trouver une issue à la guerre “dans 24 heures” – sans toutefois préciser les contours de sa promesse. Ce qui est dans l’intérêt des États-Unis, c’est d’accepter que l’Ukraine doive céder certains territoires aux Russes.» soulignait par la même occasion son colistier, JD Vance, en décembre 2023, dans un entretien à Fox News.

Le général Keith Kellogg, un loyaliste nommé par Donald Trump comme envoyé pour la Russie et l’Ukraine, a présenté au printemps les pistes possibles en réponse au conflit. Dans un rapport pour le très conservateur think tank America First Policy Institute, il défend les recherches de« un cessez-le-feu et un règlement négocié en Ukraine ». « Les États-Unis continueraient à armer l’Ukraine et à renforcer sa défense, pour garantir que la Russie n’avancera plus ou n’attaquera plus après un cessez-le-feu ou un accord de paix. » il propose toutefois sous conditions.

“Pour toute future aide militaire américaine, l’Ukraine devra participer aux pourparlers de paix avec la Russie.”

Keith Kellogg, futur envoyé de Donald Trump pour l’Ukraine et la Russie

dans un rapport

Kiev s’inquiète donc de la perte de l’aide américaine cruciale et des inévitables concessions territoriales à Moscou. En attendant la prochaine administration républicaine, «Le discours de Volodymyr Zelensky cherche à fixer le cadre, à expliquer ce que les Ukrainiens pourraient accepter comme type d’accord», souligne Marie Dumoulin. Pour le président ukrainien, le “la seule vraie garantie de sécurité” est l’adhésion « complet et complet » à l’OTAN, comme il l’a encore dit mardi. Une tentative pour arriver le plus possible en position de force à la table des négociations, à l’heure où le soutien occidental est moins acquis qu’en 2022. « Ce que les hauts responsables américains et européens ne disent pas publiquement, c’est qu’il existe un consensus discret mais croissant selon lequel les négociations… sont le seul moyen de mettre fin à cette guerre. » observe la chercheuse Rym Montaz, du centre de recherche Carnegie Europe.

Les Vingt-Sept sont également divisés sur la poursuite de leur soutien. « Un sentiment d’urgence prévaut » en Pologne, dans les pays nordiques ou baltes face à la menace russe, «ils sont donc très réticents à envisager des négociations sans la position forte de l’Ukraine», analyse Marie Dumoulin. En Allemagne, le chancelier social-démocrate Olaf Scholz est plutôt “entre deux chaises” à l’approche des élections législatives. «Il a tendance à faire écho à un discours sur la nécessité de négociations à un moment donné, sans pour autant être sur le point de tout céder à la Russie.» Mi-novembre, le dirigeant allemand s’est entretenu au téléphone avec Vladimir Poutine, une première depuis deux ans. “La Russie ne peut pas dicter la paix à l’Ukraine”, cependant, a-t-il assuré à Volodymyr Zelensky lundi, en visite à Kyiv.

Les récents commentaires de Volodymyr Zelensky sont également une réponse à « la réalité du terrain », particulièrement dans “manque d’hommes” en première ligne, constate Ulrich Bounat. Les autorités ukrainiennes affirment avoir besoin d’au moins 160 000 soldats supplémentaires, mais l’administration Biden juge ce chiffre trop bas, rapporte Associated Press. Selon les informations de l’agence, Washington ambitionnerait même de voir Kiev abaisser l’âge de mobilisation, de 25 à 18 ans seulement. Une demande au moment où Kiev et Moscou s’enfoncent dans la guerre. “une guerre d’usure”avec les forces russes “à l’offensive” et marquage « une progression lente et laborieuse » au prix de lourdes pertes, constate Ulrich Bounat.

“En termes de kilomètres carrés, les avancées russes de ces derniers mois ont été les plus rapides depuis 2022. Mais elles ne sont pas fulgurantes, elles ne bouleversent pas l’équilibre des forces.”

Ulrich Bounat, spécialiste de la guerre en Ukraine

sur franceinfo

Jusqu’en novembre, le New York Times a noté que les forces russes avaient capturé au moins dix villages en une dizaine de jours et qu’elles se rapprochaient de deux villes stratégiques de la région de Donetsk, Kurakhove et Velyka Novosilka. Ce dernier, précise le quotidien américain, est un point logistique important pour l’armée ukrainienne. Dans le même -, Kiev craint la préparation d’une nouvelle offensive russe dans la région de Zaporizhia, vers le sud de l’Ukraine. Malgré les percées ukrainiennes dans la région russe de Koursk, “la situation [actuelle] est la plus difficile que nous ayons connue en près de trois ans de guerre », d’accord avec le journal Pravda ukrainienne le commandant Andrei Biletskyi.

A cela s’ajoute «une grande fatigue de la société ukrainienne», traumatisés et fragilisés par le conflit, poursuit Carole Grimaud, professeur de géopolitique de la Russie à l’Université Paul-Valéry de Montpellier. Encore plus à l’approche d’un nouvel hiver « avec encore moins de capacité énergétique » et qui s’annonce comme la plus difficile depuis le début de la guerre. Cette année, près de la moitié des Ukrainiens ont eu des difficultés à trouver de la nourriture ou un logement, selon un sondage d’opinion réalisé par Gallup. Sans surprise, ils sont aujourd’hui plus nombreux à se dire favorables à une paix négociée. Pour la première fois depuis près de trois ans, une faible majorité d’Ukrainiens – 52 % – défend ce résultat plutôt que la poursuite des combats, toujours selon Gallup.

Parmi cette faible majorité favorable aux négociations, un peu plus de la moitié estime que Kiev devrait être disposée à céder certains de ses territoires en échange de la paix. Une minorité donc par rapport à l’ensemble des personnes interrogées. Quant à l’adhésion à l’OTAN, 84 % des Ukrainiens y sont toujours favorables, note Euronews. « Du côté de la société russe, eux aussi sont favorables aux négociations. Cette guerre fait désormais partie de leur vie quotidienne. ajoute Carole Grimaud. Une enquête récente menée par Russian Field montre que 53 % des Russes interrogés sont favorables à « une transition vers des pourparlers de paix ». « Malheureusement, je ne ressens pas cela [le pouvoir à] Moscou veut négocier», conclut le spécialiste de la Russie.

 
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