En France, cinq millions de personnes, dont la moitié ont moins de 30 ans, vivent avec moins de 1 000 euros par mois, soit 8,1 % de la population. Quelles réalités couvrent ces chiffres, en termes de privations quotidiennes, de logement, d’accès à la santé, à la culture, aux loisirs ? C’est ce que détaille le rapport de l’Observatoire des inégalités publié le 3 décembre.
Concrètement, près des deux tiers des 20 % les plus modestes déclarent ne pas avoir les moyens financiers de faire face à une dépense imprévue de 1 000 euros. 56 % n’ont pas les moyens de remplacer leurs meubles usés et 53 % ne peuvent pas se permettre une semaine de vacances loin de chez eux. Un tiers ne peut, faute d’argent, avoir une activité de loisir régulière et 12% n’ont pas les moyens de chauffer correctement leur logement.
À l’échelle mondiale, « la pauvreté n’explose pas, elle gagne du terrain », indiquent les chercheurs de l’Observatoire des inégalités : en 20 ans, le taux de pauvreté a augmenté de 1,5 point, le nombre de pauvres passant de quatre à cinq millions. Et le niveau de vie des plus pauvres, inflation déduction faite, s’est dégradé. En 2002, 50 % des pauvres gagnaient moins de 772 euros par mois après prestations sociales. En 2022, ce niveau de vie médian est de 832 euros, soit seulement 60 euros supplémentaires.
Les jeunes, les mères célibataires et les personnes handicapées en première ligne
Les plus exposés à la pauvreté sont les jeunes, les familles monoparentales (presque toutes dirigées par des femmes), les personnes privées d’emploi, les personnes issues de l’immigration et celles qui ne possèdent pas de diplôme (81% des pauvres n’ont pas dépassé le baccalauréat). ). Les célibataires sont deux fois plus touchés que les couples. Enfin, une personne handicapée sur cinq est pauvre, contre 13 % des personnes valides.
D’un point de vue géographique, les pauvres sont concentrés dans les zones urbaines et périurbaines et les départements d’outre-mer sont particulièrement touchés par la pauvreté qui touche 36,1% des Réunionnais, soit une proportion trois fois plus élevée qu’en France métropolitaine. Mayotte (77 %) et la Guyane (53 %) sont dans des situations encore plus dramatiques (données 2017).
Parmi les principales causes de l’augmentation tendancielle de la pauvreté figure l’augmentation de la part des dépenses forcées des ménages (frais de logement, assurances et services financiers, dépenses de télécommunications et de télévision, frais de cantine scolaire, etc.).
Celui-ci est passé de 13 % au début des années 1960 à 28 % en 2022, selon l’Insee. Ces dépenses n’ont quasiment jamais cessé d’augmenter en raison de la hausse des loyers, mais aussi de la hausse des prix de l’électricité, du gaz et de toutes les autres charges liées au logement. “Cette progression correspond en partie à une amélioration du logement, mais aussi à un enrichissement des propriétaires”souligne le rapport.
Une politique migratoire créatrice d’exclusion
Du côté des « revenus », l’une des principales causes de l’augmentation de la pauvreté est la dégradation de l’emploi : « nous avons réduit le chômage grâce à la flexibilité, à la précarité et aux emplois sous-payés », dénoncent les auteurs du rapport. Par ailleurs, le durcissement des politiques migratoires empêche les étrangers installés en France depuis des années de travailler.
« La République française engorge ainsi les centres d’hébergement et laisse à la rue des milliers de personnes, dont de nombreux enfants. La dissonance est immense entre les valeurs des droits de l’homme et ce qui se joue chaque soir pour tous ceux qui, après avoir composé le 115, se retrouvent confrontés au rejet (quand ils ont une réponse) et doivent passer par la procédure. la nuit dehors », tacle l’Observatoire des inégalités.
En effet, l’extrême pauvreté persiste en France avec 330 000 sans-abri, qui vivent dans la rue, dans des hôtels sociaux ou dans des centres d’hébergement. Face à cette situation, les associations d’aide au logement, de distribution de nourriture et de vêtements atteignent aujourd’hui leurs limites. “ Cette sous-traitance de l’action sociale se justifie dans certains cas, lorsqu’elle permet de répondre à des besoins locaux d’urgence grâce à une connaissance plus fine du terrain. Il n’en est plus ainsi lorsque l’État abandonne ce qu’il devrait faire et lorsqu’il faut agir partout à grande échelle. », soutiennent les auteurs du rapport, qui préconisent des mesures durables de la part des pouvoirs publics.
Un enjeu de cohésion sociale
L’Observatoire des inégalités propose donc d’assurer au moins un revenu équivalent au seuil de pauvreté, soit 1 000 euros mensuels pour une personne seule. “ Cela reviendrait à dépenser environ 10 milliards d’euros, soit la moitié du manque à gagner pour les finances publiques dû à la suppression de la taxe d’habitation. », argumentent les chercheurs.
Autre option : re-réglementer le marché du travail et pénaliser les entreprises, comme les services publics, qui abusent de l’insécurité de masse. Et bien sûr, il semble essentiel de « relancer une politique du logement social digne de ce nom » alors que notre pays compte encore quatre millions de personnes mal logées, selon la Fondation Abbé Pierre.
Des mesures urgentes à l’heure où deux décennies de pauvreté croissante et de stagnation des faibles revenus pèsent lourdement sur les perspectives et le sentiment d’abandon des catégories populaires par les dirigeants politiques.
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