Depuis cinq jours, ils descendent dans la rue pour défendre leur rêve européen. En Géorgie, ex-république soviétique du Caucase, au carrefour de l’Europe et de l’Asie, la colère grandit et la mobilisation citoyenne s’accélère depuis jeudi 28 novembre, date à laquelle le parti au pouvoir, Dream Georgian, a reporté négociations d’adhésion avec l’Union européenne jusqu’en 2028.
Cette décision pose question, dans un pays où plus de 80 % de la population se revendique pro-européenne et dont l’objectif d’adhésion à l’UE et à l’Otan est inscrit noir sur blanc dans la Constitution. Le gouvernement reste sourd à la colère populaire, refusant les négociations avec l’opposition et durcissant la répression – 224 arrestations depuis jeudi et 26 blessés (dont trois policiers) dans la seule soirée du lundi 2 décembre. Voici la situation résumée en trois questions.
1. Pourquoi le parti Rêve Géorgien est-il accusé d’avoir truqué les élections ?
“Il n’y aura pas de révolution en Géorgie”, Le Premier ministre géorgien Irakli Khobadidze a insisté plus tôt dans la journée. Ce dernier est engagé dans un bras de fer avec la présidente, Salomé Zourabichvili, qui l’accuse d’être influencé par le pouvoir russe et d’avoir truqué les élections législatives remportées le 26 octobre par Rêve géorgien avec 54 % des voix.
Ce soupçon s’appuie notamment sur les conclusions d’un groupe d’observateurs qui ont évoqué un système complexe de fraude à grande échelle. Plusieurs pays ont émis des réserves sur ces résultats. L’Union européenne a demandé une enquête sur ce qu’elle appelle « tombes » irrégularités et a déclaré qu’elle enverrait une mission à Tbilissi dans les semaines à venir. Quelque 160 diplomates géorgiens ont critiqué cette décision : la jugeant contraire à la Constitution, ils craignent qu’elle conduise « dans l’isolement international » du pays. De nombreux ambassadeurs géorgiens ont également démissionné en signe de protestation. Les dirigeants de Georgian Dream ne cachent pas leur hostilité envers l’Occident, à l’image du chef du parti, le puissant et extrêmement riche oligarque Bidzina Ivanishvili, proche de Moscou.
2. Pourquoi l’influence de la Russie cristallise-t-elle la mobilisation ?
Depuis près de dix ans, Moscou s’immisce dans la politique intérieure de nombreux pays d’Europe de l’Est de l’ex-URSS. En exacerbant le sentiment nationaliste et en s’appuyant sur la crise migratoire, l’inflation et la méfiance des élites, Vladimir Poutine ramène de nombreux pays sous son influence. A commencer par la Hongrie de Viktor Orban, la Slovaquie de Peter Pellegrini ou plus récemment la Roumanie où le candidat pro-russe s’est hissé contre toute attente au second tour de l’élection présidentielle, après une campagne massive sur le réseau social chinois TikTok.
D’autres pays comme la Serbie et le Monténégro voient également l’influence pro-russe augmenter dans l’opinion publique. En Géorgie, la décision de reporter les négociations d’adhésion à l’UE a déclenché un incendie. Journalistes, influenceurs, sportifs… La société civile a fait le point sur les événements et vit cette période comme un tournant existentiel.
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3. La Géorgie suit-elle les traces de l’Ukraine ?
La Géorgie reste traumatisée par l’invasion de la Russie en 2008 qui, après une brève guerre, a reconnu l’indépendance de deux régions géorgiennes séparatistes limitrophes de son territoire. Il est difficile de ne pas faire un parallèle avec l’Ukraine, même si l’histoire et la géographie des deux pays ne sont pas différentes.
En 2013, le président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovitch a trahi les aspirations européennes de la population en refusant de signer un accord d’association avec l’UE. Cette volte-face a déclenché la révolution Maïdan. En réponse, la Russie a annexé la Crimée un an plus tard, renforçant le sentiment anti-russe parmi les Ukrainiens et rapprochant le pays de l’OTAN. Avec la conséquence de la guerre que nous connaissons aujourd’hui.
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