La première fois qu’elle s’est rendue dans ses quartiers, en 2022, Charlotte a cru avoir trouvé la perle rare. Un petit appartement de plain-pied, facilement accessible pour cette Quincée qui a du mal à marcher. Le tout situé à mi-chemin entre le centre ville et une zone commerciale. Sans oublier l’attractivité du loyer : « 550 € charges comprises », rappelle la QuImperoise. Cela m’a semblé être une aubaine. D’autant que lorsque je l’ai visité, ça sentait la peinture : je me suis dit qu’elle avait été refaite récemment. »
Un an et demi après avoir emménagé dans l’appartement, Charlotte a remarqué des taches d’humidité et de moisissure. « Malgré le chauffage, j’avais toujours froid. Et puis il y avait une odeur… On sentait l’humidité de l’air. » Soucieuse de sa santé, la Quimperoise, qui souffre de problèmes respiratoires, a lancé un appel à l’antenne locale de l’association des consommateurs et usagers (CLCV). A la demande de l’association, un membre du service d’hygiène de la ville de Quimper est venu visiter le logement et l’a trouvé indigne. « Ensuite, le propriétaire a refusé de faire les travaux », se plaint Charlotte. A part la VMC, rien n’a changé. C’était tellement insupportable que je suis allée dormir plusieurs fois chez ma fille. »
Recommandé par la CLCV, le locataire dépose une demande de logement. Ce qu’il n’obtiendra que deux ans plus tard. « Moralement, les choses vont bien mieux. Je me sens bien dans ma nouvelle maison. Malgré tout, je ne peux m’empêcher de penser aux locataires qui prendront ma place. Car finalement, il ne lui a pas été interdit de relouer l’appartement. »
“Les gens acceptent des logements qu’ils n’auraient pas pris auparavant”
Les cas comme celui de Charlotte et de la CLCV de Quimper sont de plus en plus nombreux. En l’espace de dix ans, ses membres ont vu exploser le nombre de personnes vivant dans des logements précaires dans la région. La crise du logement et l’inflation, qui ont plongé de nombreuses personnes dans l’insécurité, en sont la cause. « Aujourd’hui, les gens acceptent des accommodements qu’ils n’auraient pas pris auparavant », observe Chrystelle Anvroin, avocate de la CLCV. Dans la mesure où il y a une pénurie de logements, les propriétaires sont plus susceptibles de manquer à leurs obligations parce qu’ils savent que leurs locataires n’ont de toute façon pas d’autre solution. »
Pour Michelle Fappani, présidente de l’association, le problème du logement insalubre en Cornouaille provient principalement d’un manque d’anticipation : « L’agglomération a longtemps été dépourvue d’ambition. Il faut construire des logements, et les construire massivement. En attendant, ce que nous faisons n’est qu’un pis-aller. C’est comme vider la mer avec une cuillère à café. »
Aucune structure pour accompagner les locataires devant les tribunaux
En Cornouailles, la CLCV n’est pas la seule à lutter contre le logement insalubre. L’Agence Départementale d’Information sur le Logement (Adil) gère également de nombreux dossiers. Mais dans les deux cas, les établissements n’ont pas les moyens d’accompagner adéquatement les locataires.
« Même si nous nous sommes renforcés en interne sur ce dossier à la demande du département, nous atteignons les limites de nos capacités », confirme Jean-Baptiste Tréguer, responsable de la cité HLM d’Adil. Ce dernier regrette surtout qu’aucune association finistérienne ne puisse aider les locataires à porter leur cas en justice dans les cas qui le nécessitent : « C’est une vraie lacune car on sait qu’entamer ce type de démarche demande beaucoup d’énergie et de nombreux locataires je ne le ferai pas seul. Adil, quant à elle, n’est pas autorisée par ses statuts à accompagner les utilisateurs en cas de litige. »
Et la CLCV ? «Nous avons les compétences, l’expérience, la légitimité, mais il nous manque l’argent», explique Chrystelle Anvroin. En attendant, nous n’avons pas les moyens de lutter, du moins pas aussi efficacement que nous le souhaiterions. »
Les propriétaires sont plus susceptibles de manquer à leurs obligations parce qu’ils savent que leurs locataires n’ont de toute façon pas d’autre choix.
Vers un permis de location ?
A ce propos, Didier Guillon, élu responsable du logement au Département, explique travailler à une solution. Mais il avoue que ses finances sont aussi bloquées : « Le Département doit économiser. Il n’est donc pas facile d’allouer une partie du budget à ce problème. Cela dit, nous savons qu’il s’agit d’un enjeu important et nous souhaitons créer un partenariat avec la Fondation Abbé Pierre et les intercommunales pour financer un poste chargé de porter les dossiers en contentieux. » En attendant, la CLCV de Quimper souhaite que l’agglomération réfléchisse à la mise en place d’un permis d’affermage : « Certaines villes l’ont déjà mis en place. Il s’agit d’une visite préalable effectuée par les agents pour vérifier que le logement est convenable et peut être loué, explique Chrystelle Anvroin. Nous savons que cela nécessiterait de recruter davantage d’inspecteurs. Mais vu la situation qui ne cesse de se dégrader et la loi qui n’est pas suffisamment coercitive envers les propriétaires peu scrupuleux, cela nous paraît nécessaire. »
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