En seulement un an, le nombre d’enfants dormant dans les rues de Strasbourg a doublé. Selon diverses associations, 200 personnes passeraient la nuit dehors. BFM Alsace vous propose un reportage immergé dans cette dure réalité parfois invisible.
Selon plusieurs associations locales, 200 enfants dorment dans des tentes ou des voitures à Strasbourg, soit le double d’il y a à peine un an. Ils se concentrent sur deux camps principaux ; le premier, le camp de Krimmeri, au sud de Strasbourg, a été évacué pour la troisième fois, le 19 novembre.
Ce jour-là, à 5h30, Ahmid préparait soigneusement ses affaires. Cet Afghan vit en France depuis plus de deux ans avec ses deux filles.
Une heure plus tard, la police est arrivée pour évacuer le camp où la famille était installée depuis deux mois. Voilà la troisième fois que la scène se répète. Contrairement à d’autres, Ahmid décide de garder sa tente. Il est difficile de continuer à croire aux promesses de réaffectation.
« J’ai demandé un logement, j’attends toujours », explique Ahmid, arrivé « le 21 septembre à Strasbourg ».
« La vie est dure ici »
De petites ombres apparaissent un peu partout dans les couloirs. Ici, les enfants jouent et vivent, comme ce petit garçon d’à peine un an et demi. « La vie est dure. Vous voyez tout le monde allumer du feu pour se réchauffer, pour cuisiner. C’est dur parce qu’en ce moment il fait froid et parfois il pleut », confie le frère aîné du garçon, Murtaza, citoyen afghan de 17 ans.
« C’est encore plus dur pour les enfants, ils sont gelés. On ne peut pas les réchauffer, ils sont tellement insouciants », raconte l’adolescente.
Les mineurs représentent un tiers de ce camp de 300 personnes. Pendant trois mois, ils ont vécu sans toilettes, avec seulement un feu de bois pour se chauffer. « Il y a beaucoup d’enfants et certaines nuits le vent souffle très fort. Il fait très froid. Les toilettes sont dans un état déplorable », assure Fatma, une citoyenne afghane de 14 ans.
Les mineurs jonglent entre l’école, les tentes et la rue. « Mes professeurs connaissent ma situation, ils sont compréhensifs. Je fais de mon mieux, j’allume la lumière puis je m’assois là et je fais mes devoirs », raconte la jeune femme. « Nous espérons qu’ils nous donneront un logement pour tout le monde. Nous espérons qu’aujourd’hui sera une journée mémorable”, confie Fatma.
A 6h20, la police nationale était sur place. Nos journalistes sont priés de quitter le camp. A quelques mètres de là, Sabine Carriou, psychologue, vient en aide aux familles dans la rue. Il est l’un des premiers à tirer la sonnette d’alarme, depuis novembre 2023. « Les camps se succèdent et continuent et il n’y a toujours pas d’aide apportée au cas par cas. Il s’agit de ce type de démantèlement où les gens sont soignés. à grande échelle », observe Sabine Carriou.
“Nous avons vraiment peur qu’ils passent l’hiver dans la rue, comme cela s’est produit l’année dernière”, admet-il.
Les pouvoirs publics se renvoient la balle
Les associations ne savent plus comment se faire entendre et les pouvoirs publics se renvoient la balle. Parmi les institutions régulièrement signalées : la Communauté européenne d’Alsace.
Ce jour-là, une centaine de personnes se sont rassemblées devant son quartier général. Principalement les enseignants. Ils ne supportent pas de savoir que leurs étudiants dorment dans la rue alors que l’hiver arrive. Ils proposent “l’idée que, quand on a des étudiants dont les familles n’ont pas de solution de logement et dorment donc dans la rue, on puisse ouvrir temporairement des logements pour le personnel, parfois vacants, dans ces collèges”, explique Céline Balasse, enseignante à Lezay – Collège Marnésia de Strasbourg.
Pierrick Meunier, enseignant du même institut, rapporte que depuis plusieurs semaines “ils ont lancé un mouvement d’occupation du collège”, après avoir alerté “longtemps” les pouvoirs publics et le CEA.
« Notre principale demande était d’ouvrir ces locaux du personnel qui sont vides et nous n’avons toujours pas de réponse », assure l’enseignant.
« La situation dure depuis longtemps. Depuis des années, les équipes éducatives et les parents se mobilisent pour tenter de trouver des aménagements et des solutions pour les enfants », poursuit Emmanuelle Artiguebeille, coprésidente de l’APEPA (Association des Parents du Public). étudiants en éducation en Alsace).
Les personnels du Collège Lezay Marnésia pensent avoir trouvé la solution. Si leur appel à l’aide reste sans réponse, ils ouvriront eux-mêmes les portes du collège.
« C’est quand même assez compliqué de dire qu’on leur enseigne les valeurs de la République, le principe de solidarité. On leur explique que la France est une république sociale… Dès l’instant où on leur dit, dans notre force intérieure on se dit ‘ce que je dis est faux parce que ces gens sont à la rue et ils ne devraient pas être à la rue, parce que le logement est un droit inconditionnel’», estime Céline Balasse.
Chaque soir, si besoin est, les cinq familles de la rue qui fréquentent les lieux trouvent refuge dans la bibliothèque. « On essaie de leur trouver des solutions et ça n’aboutit à rien », déplore Aurore Jouan, professeure SEGPA au collège. Les portes des logements du personnel restent bien fermées.
L’alcool est souvent présent dans les champs
Meriss, 15 ans, n’a pas eu l’occasion de fréquenter le collège Lezay-Marnésia. Il habite depuis près d’un an dans un parc du quartier Montagne Verte, avec ses parents et ses deux frères de moins de 10 ans.
Au retour de son stage de design, il retrouve sa tente à l’ouest de Strasbourg. « La plupart du temps, il fait très froid, mais Dieu merci, nous avons allumé un feu », explique le citoyen arménien.
Dans ce parc, environ 40 familles. Pas de douche et, pour les toilettes uniquement, trois cabines de chantier insalubres. « Nous n’utilisons jamais ces toilettes, elles sont horribles », exprime l’adolescente.
Une situation rendue insupportable pour son père. « C’est très, très dur. Il y a un homme qui va se battre là-bas, j’ai peur pour mes enfants”, confie Samir. L’alcool, très présent, favorise régulièrement les heurts entre différents hommes.
À seulement 15 ans, Meriss vit au quotidien avec des excès d’alcool et de violence. Lui qui a fui les persécutions dans son pays n’espère désormais qu’une seule chose : trouver un foyer.
Léo Fleurence, Célia Debes, Matthieu Chanvillard avec Alicia Foricher
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