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Démystifier l’économie | Pourquoi le dollar canadien « ne vaut-il pas grand-chose » ?

Chaque samedi, un de nos journalistes répond, accompagné d’experts, à une de vos questions sur l’économie, les finances, les marchés, etc.

Quiconque voyage un peu à l’extérieur sait à quel point notre monnaie est bon marché lorsqu’il s’agit d’acheter des euros ou des dollars américains. Nous nous sentons vraiment pauvres lorsque nous voyageons. Et pourtant ! Le Canada est extrêmement riche en matières premières. Et nous exportons volontiers cette richesse. Alors, comment expliquer cette devise « pauvre » ? On entend souvent dire que le niveau de productivité des entreprises et des travailleurs canadiens est faible. Mais est-ce si anémique ?

Bernard Martel

La réponse courte, qui n’explique pas tout, est que le prix du dollar canadien reflète l’offre et la demande. En termes plus précis, on peut lire sur le site de la Banque du Canada : « la valeur de notre monnaie augmente et diminue en fonction de la quantité de dollars canadiens que les participants au marché des changes cherchent à acheter et à vendre ». C’est pourquoi on parle de « monnaie flottante ».

Or, pourquoi le dollar canadien est-il moins recherché que l’euro ou le dollar américain ? Alain Paquet, professeur au département d’économie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), apporte d’emblée une première nuance : « Il faut être prudent car il y a un risque de confusion : c’est tout. C’est tout à fait normal que ce ne soit pas le cas. “un pour un”. La valeur d’une monnaie par rapport à une autre est une valeur relative. Une pomme n’est pas égale à un ananas. »

Les économistes sont unanimes sur le fait que les taux d’intérêt sont l’un des facteurs importants qui déterminent la demande d’une monnaie. En théorie, un pays proposant des taux d’intérêt plus élevés verra sa monnaie s’apprécier.

«Depuis l’année dernière, nous assistons à une baisse importante du dollar canadien et cela est dû avant tout à la politique monétaire», estime Mario Seccareccia, professeur d’économie à l’Université d’Ottawa. Le taux directeur de la Banque du Canada est fixé depuis octobre à 3,75 %, contre une fourchette comprise entre 4,50 et 4,75 % pour la Fed américaine. «L’économie canadienne ne se porte pas aussi bien que celle des États-Unis, notamment en ce qui concerne le taux de chômage», précise M. Seccareccia.

Pétrodollar et incertitude

Ce lien entre taux d’intérêt et valeur monétaire n’est cependant pas automatique. “C’est une des réponses, ce n’est pas la seule”, ajoute l’économiste. La Banque du Canada résume assez bien la situation : « La demande pour le dollar canadien dépend avant tout de la demande pour nos biens et services : plus les gens veulent acheter ce que nous vendons, plus notre dollar prend de la valeur. »

Important producteur et exportateur de pétrole, de minéraux et de bois, le Canada voit son dollar évoluer avec le prix des matières premières. Dans le cas du pétrole, les turbulences sont d’autant plus grandes que notre principal client, les États-Unis, est désormais autosuffisant dans ce domaine.

L’autre élément qui profite généralement aux États-Unis est l’incertitude, le dollar américain constituant une valeur refuge. « Là, clairement, avec ce qui s’est passé début novembre dernier, l’incertitude vient de croître », souligne Alain Paquet.

Le professeur Mario Seccareccia ajoute un effet pervers de l’imposition de droits de douane de 25 % sur tous les produits canadiens et mexicains entrant aux États-Unis, menace de Donald Trump : « Il y aura plus d’inflation aux États-Unis en raison de ces droits de douane, donc le La Fed baissera peut-être moins ses taux d’intérêt. »

Taux révélateur

Pour revenir à la question de M. Martel, dans quelle mesure la faiblesse du dollar canadien reflète-t-elle la faiblesse de l’économie ou le niveau de productivité des entreprises et des travailleurs ? La réponse est loin d’être simple. Alain Paquet a récemment calculé la productivité horaire au Canada et dans la zone euro. Elles s’établissent à 75,4 % et 80,8 % de la productivité horaire aux États-Unis. La différence entre le Canada et l’Europe est minime et ne semble pas justifier le fait que l’euro vaut 1,48 fois le dollar canadien.

L’écart entre le Canada et les États-Unis est cependant constant et devrait amener les décideurs à investir davantage dans l’innovation pour améliorer la productivité, estime-t-il. « Trop souvent, les entreprises et les gouvernements ont été amenés à accorder trop d’attention à la valeur du taux de change lui-même, plutôt qu’aux fondamentaux qui donnent naissance à ce taux de change. […] Si nous travaillons sur les fondamentaux, la monnaie finira par prendre la valeur qui reflète la nature des conditions économiques. »

 
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