Vingt-trois grammes d’or, soit presque le poids d’un pneu. C’est le poids du métal précieux qu’un Brésilien d’une vingtaine d’années tenait à la main lorsqu’il a tiré sur Franck Robin. “Il tirait pour tuer. Il voulait avoir un quad. J’ai réagi. Je suis en fauteuil roulant et il est mort« .
En état de légitime défense, le gendarme a bénéficié du non-lieu. “Même si, pour mémoire, j’ai été convoqué pour un meurtre commis sur la victime deux ans plus tard en métropole. J’ai également reçu des excuses du magistrat“, dés.
Il y a quinze fois plus de meurtres et trente fois plus de vols à main armée
Lorsqu’il entend parler de la mexicanisation liée au trafic de drogue en France, l’ancien gendarme du GIGN fait un parallèle avec cette partie de la France d’outre-mer, en Amérique du Sud.
“La Guyane compte quinze fois plus de meurtres (pour ceux recensés) et trente fois plus de vols à main armée. La violence y est quotidienne. Ils n’ont pas les mêmes conceptions du droit, de leur rapport à la mort, et il faut travailler dans ce climat-là.»
Il insiste sur la nécessité de faire respecter les lois françaises sur un territoire sud-américain.
“Nos missions contre l’orpaillage illégal et la recherche des Garempeiros se déroulent dans la jungle, dans des lieux hostiles, où le moindre bruit d’hélicoptère alerte. Nous devons voyager en canoë ou marcher pendant des heures pour atteindre nos objectifs. Et non, ce n’est pas une épée dans l’eau« .
“Je ne regarde jamais en arrière, j’avance”
Dans son travail”Pour vingt-trois grammes d’or» (Edizioni Mareuil), avec une préface du général Denis Favier, Franck Robin retrace sa dernière mission comme chef de groupe de l’antenne du GIGN en Guyane (ex GI2G), mais aussi sa carrière de jeune gendarme limitée par le manque d’action, son son intégration au GIGN, ses missions en Guyane, sa reconstruction et les médailles d’or remportées aux Invictus Games.
“Je ne regarde jamais dans le rétroviseur. Ce qui est fait est fait. Un héros ? Je viens de partir en mission, ma colonne vertébrale a été touchée, je me suis retrouvé sur une chaise et il faut passer à autre chose. Nous n’avons pas le choix !« .
Ce père de trois garçons, dont un est né en Guyane après son déploiement au GIGN en 2008, raconte sa dernière mission.
“Je me souviens du moindre détail», écrit-il.
La mission finale : 2 septembre 2011
Le 2 septembre 2011, une opération se préparait près de Maripasoula, dans la 9e caserne de Rima. Les pilotes de l’armée de l’air et les chefs de section des troupes terrestres sont réunis.
Franck « le GIGN » est attentif mais sceptique. “Comme toujours, j’ai eu le sentiment que les infiltrations orchestrées par l’armée s’avéraient moins efficaces que celles menées par le seul GI2G.« .
C’est dit. Il ne pourra pas s’exprimer. Il est désigné responsable opérationnel de la partie gendarmerie.
L’opération, baptisée ARA, devait durer sept jours. “Tu ne peux pas obtenir un remplaçant ?», demande sa femme, dont le plus jeune enfant vient d’être admis à l’hôpital.
Négatif, répond-il. Le camp et sa « dream team » d’une cinquantaine d’hommes comptent sur lui.
D’en haut, à bord d’un hélicoptère, Franck Robin aperçoit un camp et des garimpeiros courir dans tous les sens. L’évasion s’organise sur le terrain.
“C’est moins discret que d’arriver en canoë, de nuit, comme on sait le faire.« Une fois sur place, il est temps de démanteler les abris de fortune et d’arrêter les gens. Immigrés illégaux, mineurs d’or illégaux.
Laisser partir un otage
Il voit un jeune Brésilien d’une vingtaine d’années attacher un générateur à l’avant d’un quad. “Un quad, un moteur pour canoë, de l’essence : ce sont les plus grandes richesses“, commente-t-il.”Son regard vitreux suggère qu’il s’est drogué.Le gendarme fouille ses poches et trouve une bouteille avec quelques grammes d’or et un téléphone qu’il confisque. Elle lui dit de partir en lui montrant la forêt.
Quelque temps après, deux détonations furent entendues. Le Brésilien aux yeux vitreux est armé au milieu de la place. Il pointe l’arme sur un de ses compatriotes pour l’utiliser comme bouclier humain. “Je pointe l’arme dans sa direction et lui fais signe de la jeter.« .
Il lâche son otage, un homme effrayé. Franck monte en quad avec une crevaison et 23 000 km au compteur, devant un colonel.ce qui semble très inconfortable“par terre.
“Je m’aperçois que votre arme a encore des balles dans le canon”
Un peu (très) fougueux face à des trafiquants sans scrupules, le gendarme quitte le camp, mais le meurtrier apparaît sur son passage.
“Je me concentre sur le canon de son revolver. Est-ce qu’il lui reste encore des cartouches ?« . L’homme avance. Les secondes durent éternellement.
L’homme est à trois mètres de lui. «Maintenant, je comprends que son arme a encore des balles dans le canon. Il veut récupérer son quad», écrit-il.
Franck lève le bras gauche, fait signe de se calmer, saisit son arme et la pointe en direction de son agresseur. Ils appuient tous les deux sur la gâchette. Le flic d’élite s’effondre. Restez immobile dans le sol boueux.
“J’avais l’impression que mon corps avait été coupé en deux. Je saignais et j’avais des secondes, des minutes à vivre« . La balle est logée dans son omoplate.
La balle a pénétré sous son aisselle et a traversé son corps. Franck s’effondre. Il a l’instinct de tirer à nouveau. “Je lui ai mis une balle dans le cœur, au-dessus de sa trachée« .
Le Brésilien est mort à deux mètres du gendarme qui baignait dans son sang. “Je ne sais pas, mais ma moelle épinière est sectionnée. L’homme qui m’a tiré dessus s’appelait Jorge Andre Leite Do Carmo. Il était brésilien et originaire de l’un des États les plus pauvres du pays.« .
Avec humanité, il évoque la dépouille de ce jeune garçon, enterré dans une fosse commune en Guyane. “Sa seule richesse était son quad et vingt-trois grammes d’or. Il était prêt à tout pour les garder« .
Évacué sur civière sur un vol Air France
En tant que gendarme, il attend deux jours pour être transféré au Val-de-Grâce à Paris. “J’ai dû être évacué sur une civière à l’arrière d’un avion d’Air France. Si j’avais été militaire, un avion sanitaire aurait été immédiatement affrété depuis Paris« . Depuis “écurie“, son état vital s’élève cependant à”engagé« .
S’il ne revient pas dans le passé, au cours de 256 pages d’immersion totale, digne d’un film d’action américain, Franck Robin plonge le lecteur au cœur de nombreuses missions dans la jungle guyanaise, au milieu des nuits d’assaut. dans l’enfer vert, les légionnaires.
Cela remonte à ces hommes qui sont partis combattre sur les sites d’exploitation aurifère et qui ont perdu la vie. Comme ce tragique 27 juin 2012 où deux commandos de la 9e Rima ont été tués et deux gendarmes grièvement blessés par balle, lors d’une opération embuscade Dorlinune zone d’orpaillage clandestine.
Sa reconstruction : ne vous laissez pas briser
D’hôpital en hôpital, ce survivant, ce passionné de sport, réapprendra à conduire et recommencera à pratiquer des activités adaptées comme le vélo à main. A 33 ans, paraplégique, il s’entraîne comme un champion de haut niveau jusqu’à participer au Jeux Invictus pour le personnel militaire blessé et créé par le prince Harry. C’est de l’or. Ce métal précieux qui ne quitte jamais son destin.
Décoré de la Légion d’honneur en 2016, remise par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve sur la place des Invalides. “Tout un symbole des Invalides» commente-t-il. Franck Robin quitte les rangs la même année. Il a suivi une formation d’orateur et dévore la vie. “C’est toujours beau au dessus des nuages», poursuit Franck.
Pour ses enfants, pour sa compagne, pour ses proches, l’ancien GIGN de Guyane souhaite attendre que la mort vienne pour lui lorsqu’il sera vieux.
“J’ai encore beaucoup à accomplir. La vie est différente mais elle n’en est pas moins belle« .
Antenne du GIGN en Guyane : « Nous pouvons réaliser des infiltrations sur plusieurs jours »
Chef d’équipe de l’antenne du GIGN en Guyane (anciennement GI2G), le Major Franck Robin dévoile le détail de ses missions.
“Nous pouvons procéder à des infiltrations pendant plusieurs jours pour éviter d’être détecté. Ce sont des pratiques spécifiques de notre unité composée d’une cinquantaine d’hommes. On pourrait intervenir la nuit en canoë alors que les militaires doivent utiliser des canoës pilotés par des civils, et non la nuit. On arrive par surprise pour arrêter les trafiquants et ça met vraiment un terme à tout.« .
Près de 10 000 clandestins en Guyane
Ce sont les populations du Suriname et du Brésil qui arrivent illégalement en Guyane.
“Les notions de valeurs sud-américaines ne sont pas les mêmes que celles que nous Français avons sur ce territoire. Nous cherchons à préserver la souveraineté nationale sur notre territoire. Les frontières sont essentiellement des rivières. Il est quasiment impossible de voir et d’arrêter ceux qui viennent en Guyane. Il y en a environ 10 000. Le prix de l’or ne cesse de grimper et suscite le désir… »
« Quand on réalise de grandes opérations avec des militaires, des légionnaires, on arrive par hélicoptère. Le bruit fait peur aux criminels, aux chefs de réseaux, aux trafiquants de drogue, aux exploiteurs. Sur place, nous détruisons le matériel, sachant qu’il y en a cinq fois plus cachés et introuvables nous rencontrerons les garipeiros, des gens extrêmement pauvres qui viennent chercher fortune.
Actuellement, la justice guyanaise est en difficulté. Pendant des mois, le procureur de la République et le président du tribunal judiciaire n’ont pas été remplacés et il n’y a pas de directeur de l’état civil parmi le personnel de cette juridiction qui est inondée de dossiers reportant France-Guyane.
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