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“Oui, on peut parler d’automutilation”, explique un psychologue

Le match de Manchester City face à Feyenoord, mardi 26 novembre, a littéralement fait souffrir l’entraîneur catalan des Sky Blues qui s’est présenté avec d’importantes égratignures à la tête et au visage. Meriem Salmi, psychologue du sport, explique ce qui peut conduire à ces comportements.

“J’avais envie de me faire du mal”. C’est ainsi que Pep Guardiola s’est expliqué en conférence de presse, mardi 26 novembre, après le match de Manchester City face à Feyenoord qui a tourné au cauchemar pour les Citizens. L’entraîneur catalan est en effet apparu avec la tête couverte de marques rouges et le nez couvert de sang. “Je me suis fait ça avec mon doigt, avec mon ongle”se justifie-t-il, semblant relativiser quelque peu les faits.

Mercredi 27 novembre, Pep Guardiola s’est d’ailleurs senti obligé de clarifier ses propos en publiant un message d’excuses sur X. “Ma réponse ne visait en aucun cas à minimiser le très grave problème de l’automutilation”il écrit notamment.

Le cas Guardiola pose une nouvelle fois la question de la santé mentale chez les sportifs de haut niveau, sujet de prédilection de la psychologue Meriem Salmi, surnommée « la psychologue des champions » et qui compte notamment le judoka Teddy Riner parmi ses patients. Elle répond aux questions de franceinfo.

franceinfo : Peut-on parler d’automutilation dans le cas de Pep Guardiola ?

Nous mesurons la paille : Oui, nous pouvons parler d’automutilation. C’est quand même spectaculaire, ce qu’il a fait à son visage, jusqu’au sommet de sa tête ; C’est encore très endommagé, c’était encore loin. Les automutilations en psychologie sont le plus fréquemment observées chez les adolescents qui ne peuvent pas exprimer leurs émotions, qui ont du mal à les réguler, qui ne savent pas parler de leur souffrance et qui vont utiliser cet appel au corps pour parler, exprimer, marquer. sur le corps ce qu’ils disent. Ces adolescents qui s’automutilent ont tellement de mal dans la tête, tellement de douleur, que l’automutilation les oblige à se concentrer sur une douleur moins douloureuse que la douleur qu’ils ressentent dans leur tête. Évidemment, ce soulagement est très temporaire, il ne durera pas longtemps, mais pour le moment il leur permet d’échapper quelques instants à leur angoisse et à leur détresse mentale. Dans le cas de Pep Guardiola, je pense que c’est plutôt une punition, que c’est quelqu’un qui se sent très coupable de ne pas avoir réussi. D’un autre côté, il n’était pas nécessaire que cela se produise d’un seul coup. En tout cas, c’est une hypothèse.

L’automutilation est-elle courante chez les sportifs de haut niveau ?

Nous ne voyons pas cela systématiquement. Ils ont tous cette énorme exigence envers eux-mêmes, sinon ils ne pourraient pas être dans ces environnements élitistes, mais ils ne vont pas la traduire de la même manière. La violence physique exercée sur le corps a ses limites pour les sportifs. Si vous vous blessez, si vous vous blessez, vous ne pouvez plus faire votre travail car c’est votre outil de travail. Mais psychologiquement, s’il y avait des images, ce serait spectaculaire. Les gens vont générer des troubles psychopathologiques, des états dépressifs, ils vont s’attaquer psychologiquement en se trouvant sans valeur, en se trouvant sans valeur, et c’est justement le travail qu’il est très important de faire dans ce milieu : ce n’est pas parce que nous n’avons pas le résultats que nous ne valons rien. La valeur humaine et la valeur de performance fusionnent et cela crée des vulnérabilités très fortes.

Nous sommes dans un monde sportif très masculin où il y a encore du travail à faire. Les gens sont considérés comme des invincibles, des champions, des gens extrêmement forts.

« Montrer des signes d’échec reste encore péjoratif, c’est vécu comme une fragilité. »

Meriem Salmi, psychologue

sur franceinfo

La fragilité fait qu’on peut vous mettre sur la touche, qu’on peut considérer que vous n’êtes pas à la hauteur de l’équipe. Les peurs sont associées à cela. Il y a des sportifs qui se donnent des injures, j’ai rencontré cela plus fréquemment que la violence physique, la violence psychologique exercée contre eux-mêmes, c’est extrêmement destructeur. Parfois les mots sont plus destructeurs que les coups.

Cela signifie-t-il que les sportifs de haut niveau doivent faire face à une pression tout aussi extraordinaire ?

Oui, il faut toujours être très bon, surtout quand on est footballeur et qu’on est exposé à des millions de personnes sur la planète avec ce sport qui est le plus regardé au monde, oui c’est dur. Et puis quand tu gagnes beaucoup d’argent, tu n’as pas le droit de dire que tu vas mal parce que tu vas en prendre un coup. Il y a des footballeurs qui sont menacés de mort, ils mettent des gardes, de la sécurité, pour leur famille, leurs enfants. Évidemment, il vaut mieux avoir beaucoup d’argent et être mauvais que de n’avoir pas d’argent et être mauvais en plus, il ne faut pas tomber dans l’indécence, mais ils ont beaucoup de choses à gérer.

Ils ont cette notoriété, cette visibilité internationale, les médias, les réseaux sociaux, souvent ils sont en même temps hommes d’affaires, ils ont une famille, très souvent les footballeurs se marient jeunes, donc on leur demande d’avoir une maturité d’adultes « confirmés », sachant gérer tout à la fois, être parfait, être exemplaire, il y a une pression importante. Certaines personnes arrivent dans mon bureau déprimées mais elles ne le savent pas car ce sont des personnes qui ont des capacités extraordinaires et qui ont une énorme capacité à tolérer la souffrance physique et psychologique. Ce n’est pas qu’ils essaient de le cacher, souvent ils ne le voient pas.

 
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