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Un mois après les inondations en Espagne, la difficile équation de la reconstruction

“Construire autrement” : un mois après les inondations qui ont dévasté le sud-est de l’Espagne, la priorité des autorités est de reconstruire au plus vite, mais les spécialistes invitent à repenser les aménagements, en intégrant davantage de nature et en déplaçant les quartiers à risque.

“Le degré de destruction et de ruine était historique” dans la région de Valence, où près de 80 villages ont été dévastés par les pluies torrentielles du 29 octobre, souligne le Conseil supérieur de l’Ordre des architectes (CSCAE) d’Espagne.

L’épisode météorologique a laissé derrière lui des villes défigurées, des infrastructures brisées et a coûté la vie à au moins 230 personnes, principalement dans la région de Valence (222 morts), ce qui en fait la pire catastrophe naturelle du pays. depuis les inondations qui ont fait 300 morts en Andalousie en 1973.

>> Écoutez le sujet de La Matinale sur la commune d’Alfafar :

Reportage d’Alfafar, dans la région de Valence, un mois après les inondations meurtrières / La Matinale / 1 min. / aujourd’hui à 06:27

« Construire autrement »

Pour la présidente de l’Ordre des architectes Marta Vall-Llossera, la reconstruction doit « être réalisée avec empathie, rigueur technique et beaucoup de responsabilité ».

“Avec le changement climatique rendant les phénomènes météorologiques de plus en plus intenses et plus fréquents, l’architecture aura un rôle important”, poursuit-elle. « Il va donc falloir construire autrement », insiste l’architecte, prônant un retour à « la ville méditerranéenne traditionnelle et compacte ».

>> Ecoutez l’épisode du Point J « Pourquoi y a-t-il tant d’inondations ? :

Pourquoi y a-t-il tant d’inondations ? / Le Point J / 13 min. / 11 novembre 2024

Sols en béton

Dans la zone métropolitaine de Valence, l’expansion urbaine des années 1960 a accru l’artificialisation des sols, augmentant ainsi sa vulnérabilité aux inondations, car la bétonisation empêche l’absorption de l’eau.

A Paiporta, considéré comme l’épicentre du désastre, les routes principales se sont par exemple transformées le 29 octobre en torrents de boue, emportant tout sur leur passage.

“Nous devons essayer de renaturaliser les villes, réduire l’usage de la voiture, rendre les pavés moins durs, plus perméables, plus performants face à la chaleur intense et aux pluies torrentielles”, estime Marta Vall-Llossera.

Déjà un plan de prévention

Dans le cas de la Communauté autonome de Valence, il existe déjà un plan d’action territorial pour la prévention des risques d’inondation : approuvé en 2003, il n’a cependant « aucun effet rétroactif » et n’est pas contraignant, explique María Jesús Romero Aloy, experte en droit de l’urbanisme et professeur à l’Université Polytechnique de Valence.

Selon les données de ce plan, la région de Valence représente 5 % du territoire national exposé au risque d’inondation, mais a supporté 20 % des épisodes de fortes pluies au cours des dix dernières années. Le risque d’inondation le plus élevé se concentre sur 12% du territoire régional, soit 270 000 hectares, et concerne 600 000 habitants.

Dans cette zone, l’autorité régionale recommande aux propriétaires de disposer « d’un escalier intérieur avec accès au toit et de portes et fenêtres étanches de 1,30 mètre ».

Un mois après les inondations tragiques du 29 octobre, les décideurs prennent conscience

Federico Jesús Bonet Zapater, conseiller territorial à Valence en génie civil, canaux et ports

Mais pour María Jesús Romero Aloy, il faut faire plus, « repenser le modèle territorial et envisager de supprimer les bâtiments ou les installations qui présentent un risque élevé ».

Aujourd’hui, un propriétaire a le droit de reconstruire sur son terrain inondé, même si celui-ci est situé dans une zone à risque. Le seul recours pour l’empêcher est « l’expropriation forcée », comme ce fut le cas en 2019 à Onteniente, une commune située à environ 85 km au sud de Valence, dont « un quartier a été éliminé » et transformé en parc inondable, rappelle le avocat.

Mais les maires sont « réticents à exproprier », car c’est « une décision politique compliquée » à laquelle s’ajoute « la pénurie de logements », souligne-t-elle.

Pourtant, un mois après les tragiques inondations du 29 octobre, « il y a une prise de conscience parmi les décideurs », analyse Federico Jesús Bonet Zapater, conseiller territorial à Valence en génie civil, canaux et ports.

“Les projets de construction de barrages ou de détournement de canaux qui étaient sur la table depuis quelques temps vont enfin être étudiés”, se réjouit l’ingénieur, qui milite pour “une meilleure coordination des régulations entre pouvoir central et régional”.

>> Relisez : Le président de la région de Valence reconnaît des « erreurs » suite aux inondations meurtrières

Créer des « barrières naturelles »

L’abandon, envisagé par les élus locaux, de « l’expansion industrielle et de la croissance urbaine effrénée est une fable », prédit cependant Rafael Delgado Artes, spécialiste de l’aménagement du territoire et de la prévention des risques.

A défaut, ce professeur forestier plaide pour des « barrières naturelles » pour minimiser les dégâts, comme des reboisements pour « amortir le débit », des espaces de débordement intermédiaires pour les rivières ou encore des « lits artificiels pour détourner les rivières des centres-villes ».

Dans la ville de Valence, épargnée par les dernières inondations, la rivière qui traverse la ville avait été détournée après des intempéries destructrices en 1957. Et à la place du Turia, asséché dans le centre-ville, se trouve aujourd’hui un parc urbain de 110 hectares.

exercise avec afp

 
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