Dans la nuit du mardi 26 au mercredi 27 novembre, tout Beyrouth est resté éveillé alors que les derniers raids israéliens terrorisaient encore la population, avant que le cessez-le-feu n’entre en vigueur vers 4 heures du matin. «Je ne me suis endormi qu’à 15 heures. Avant, c’était impossible, les bombardements étaient trop rapprochés.» témoin Louloua d’Ain El-Mreisseh.
Dans la soirée, des scènes de panique et d’énormes embouteillages se sont répétés dans la ville. Jusqu’alors épargnés, les habitants des quartiers comme Hamra et Ras Beyrouth, où s’était réfugiée une partie de la banlieue sud, fuyaient les frappes annoncées. “Je ne suis pas parti : nous risquions de mourir dans la voiture” justifie cet enseignant de l’Université américaine de Beyrouth.
Direction le sud
Mais au petit matin, lorsque le dernier drone israélien s’est retiré, dans les quartiers chiites, la population a commencé à célébrer la fin des bombardements. Les drapeaux du Hezbollah et de son allié chiite Amal ont été brandis aux carrefours stratégiques de la ville, comme pour mieux assurer le monde de la permanence de la « résistance ».
A Cola, à l’entrée de la grande gare routière, la foule a pris d’assaut les fourgons en partance vers le Sud. Et ce, même si l’autoroute était bloquée par le flux de voitures, valises et matelas derrière, revenant vers Nabatiyeh et Tyr, villes martyres. “Je me fiche de l’autorisation de l’armée (elle a demandé aux Libanais de ne pas encore entrer dans la zone frontalière, NDLR)Je rentre à la maison”, confirme un homme d’Aïta El-Chaab, un village situé à la frontière et entièrement détruit. « Même si cela signifie dormir dans une tente à côté des ruines de ma maison. Je reconstruirai petit à petit », ajoute-t-il.
Mais d’autres n’ont plus cette énergie, comme Hassan qui avoue « se sentir écrasé »montrant des vidéos de Khiam, son village, où, il y a quelques heures encore, combattaient combattants du Hezbollah et soldats de l’armée israélienne. “Reconstruire? Comme si c’était notre destin… Notre punition de toujours recommencer. »
En un an, 3 823 décès
En un peu plus d’un an de guerre, quelque 860 000 personnes ont été déplacées au Liban, selon la Banque mondiale. Au total, 3 823 personnes sont mortes, dont plus de 200 enfants, et près de 16 000 ont été blessées. La Banque mondiale estime en outre les pertes économiques à près d’un tiers du PIB du pays.
Le texte de cessez-le-feu, soutenu par les États-Unis, vise à permettre la mise en œuvre réelle de la résolution 1701 de l’ONU, adoptée au lendemain de la guerre de 2006. Ses conditions n’ont cependant jamais été respectées : malgré la présence de la force intérimaire des Nations Unies (FINUL), le Hezbollah est rapidement réintervenu au sud du fleuve Litani, dont il était censé se tenir à l’écart.
Au-delà de son mécanisme technique, tout le monde au Liban est conscient de la fragilité du processus. Benyamin Netanyahu a également assuré qu’Israël se réservait le droit d’attaquer le Liban, “si le Hezbollah rompt l’accord”.
Influencez-vous Hezbollah
Pour le Liban, ce cessez-le-feu ouvre une période de défis majeurs. Et comme toujours, cela s’accompagne de tensions potentielles. S’il ne fait guère de doute que le Hezbollah est sorti affaibli de son conflit avec Israël, la question de son influence sur le jeu communautaire reste en suspens. Hassan Fadlallah, député du Hezbollah, a déclaré à l’agence Reuters que son mouvement se tiendrait aux côtés des déplacés, pour reconstruire les régions dévastées. «Dès maintenant, nous confirmons que la résistance (et le Hezbollah) restera, continuera, poursuivra ses activités », dit-il. Une manière de rappeler que le Hezbollah conserve son contrôle sur la communauté chiite et participera aux décisions qui pourraient être prises au nom de l’État.
De ce point de vue, le premier test sera l’élection d’un Président de la République, poste vacant depuis le départ de Michel Aoun, en 2022. Cette élection devrait permettre de jauger le rapport de force entre le camp du 14 Mars , pro-occidentale, et celle du 8 mars, favorable à l’Iran et à « l’axe de la résistance » dont la stratégie de front commun s’est avérée, ici, un échec cuisant.
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