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Les banlieues prennent de la hauteur

Alors qu’il fait quelques pas prudents sur un balcon de l’avant-dernier étage d’une tour de condos à Lévis, le promoteur immobilier Gilles Pelletier demande d’une voix tendue : « Avez-vous le vertige ? Moi, oui. »

Le président de Pellimo ne serait peut-être pas acheteur d’un de ses luxueux appartements du 24e étage, mais il n’est pas moins fier du Fitz, un complexe de condos locatifs qui comptera trois tours (25, 21 et 19 étages), route du Président-Kennedy, au centre-ville de Lévis. Fin 2026, une fois la phase 3 achevée, 600 personnes vivront dans ce petit village moderne, avec commerces et parkings à côté.

S’étendant sur 65 étages (répartis en trois tours), le Fitz proposera 482 condos locatifs sur un terrain de 9 300 m2 (100 000 pi2), ancienne adresse d’une station-service et d’une entreprise de location d’outils. « Pour construire autant de maisons, il faudrait cinq millions de pieds carrés, soit cinq terrains de golf », explique Gilles Pelletier.

Lévis n’est pas la seule ville moyenne et suburbaine à voir s’élever des tours. À Terrebonne, le Symbio, avec ses 29 étages et 219 condos locatifs, a commencé à accueillir des résidents en juin 2024, à la jonction des autoroutes 640 et 40. Avant lui, le Sélection Retraite Repentigny, un complexe de 30 étages pour retraités, s’était développé sur les rives du fleuve Saint-Laurent.

Pendant des décennies, les immeubles de grande hauteur n’étaient plus le mode de construction dominant au Québec. Le contexte socio-économique et le retour des savoir-faire ont remis la tour sur le devant de la scène. Dans les villes en pleine croissance, la rareté des terrains justifie amplement le regain de popularité de ces immeubles de grande hauteur. Avec plus d’appartements sur un même terrain, le chantier devient plus rentable, explique Érick Rivard, architecte et urbaniste, un métier à la croisée de l’urbanisme, de l’architecture et de l’architecture paysagère. « On dit souvent que le promoteur réalise ses bénéfices dans les étages supérieurs. »

Érick Rivard s’attend donc à voir de plus en plus de tours résidentielles sortir de terre. Ce qui n’est pas une mauvaise chose s’ils sont construits aux bons endroits, estime-t-il. C’est-à-dire à la place de parkings ou de bâtiments désaffectés, avec une gradation de hauteurs (pas de tour à côté des bungalows). « Si on densifie un terrain, les gens ne pourront pas faire leurs courses autrement qu’en voiture », explique l’architecte. C’est alors un étalement urbain vertical. »

Les « mers d’asphalte » (les stationnements des centres commerciaux, par exemple), déjà intégrées aux réseaux de transport en commun et autres services municipaux, sont des emplacements idéaux pour les tours, estime Érick Rivard.

À Lévis, Serge Bonin, chef de l’opposition à l’Hôtel de ville, n’a pas d’opposition directe à Fitz, qui ne jouxte pas un quartier existant. En revanche, il s’inquiète des tours qui commencent à se rapprocher beaucoup plus des maisons.

« Une tour de 20 étages coincée dans un quartier résidentiel, à la soirée Repensons Lévis, on a un gros problème avec ça. » Serge Bonin craint l’ombre et le vent créés par les immeubles de grande hauteur ainsi que la perte de qualité de vie et d’intimité pour les voisins. « Il faut respecter la tranquillité des citoyens, même s’ils se trouvent de part et d’autre d’un grand boulevard à forte densité. »

 
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