À la cour d’assises de l’Isère
Dans la famille Bertin, on évite soigneusement le sujet. Ne posez jamais de questions, même lorsque vous vous rendez au parloir pour voir Ludovic, actuellement jugé pour le meurtre de Victorine Dartois et le viol d’une autre jeune femme. Nous préférons utiliser les termes « absurdité » ou « ça » pour décrire les actes criminels de son frère. Comme si nous devions enfouir la poussière sous le tapis ou refuser d’admettre ce qui s’est passé. De plus, les « questions profondes » n’ont pas leur place dans les discussions, elles ne sont discutées qu’en « surface » ou jamais du tout.
Appelés à témoigner mardi devant la cour d’assises de l’Isère, les frères de l’accusé ont eu toutes les difficultés du monde à parler de lui. Sa consommation quotidienne de cocaïne ? «Je ne savais pas», répond le major. Ses infidélités ? “Je le savais. Il ne voulait pas me confier. » Les sept coups de couteau que lui a infligés son ex-beau-frère lors d’une dispute ? « On n’en a pas beaucoup parlé », balbutie le témoin quelque peu déconcerté devant le président de la cour d’assises. «C’est toujours ton frère. Vous pensez le connaître?», demande Valérie Blain. Réponse du répondant : « Oui, mais ce n’est pas la personne avec qui j’ai passé le plus de temps. » « Et concernant les faits, vous n’avez pas de questions à lui poser ? » Non, rien de plus. »
“Je voulais qu’il meure mais Dieu merci, j’ai appris à l’aimer”
Son jeune frère n’est certainement pas plus bavard. Le procès « ne l’intéresse pas », dit-il en tournant le dos à la mère de Victorine qui secoue la tête pour retenir ses larmes de colère. «Je ne lui ai jamais demandé pourquoi il avait fait ça. Il a ruiné des vies, c’est triste», dit-il sans la moindre émotion dans la voix. Seul le fragile Samuel s’ouvre davantage, laissant exploser sa tristesse. Tête rasée d’un côté, dreadlocks courtes sur la tête, le quadragénaire à la silhouette d’adolescent avoue qu’il « déteste » son frère. Ludovic, « le préféré de tous », qui « se sentait comme le maître de la maison », lui a donné du fil à retordre dès son enfance. « Nous nous disputions souvent. C’était ennuyeux. Au fil des années, il a vu sa propre « mauvaise compagnie ». « Je n’ai rien pu faire, j’ai essayé de le remettre sur le bon chemin mais il ne m’a pas écouté. C’était trop tard», dit-il.
La jalousie s’est mise en travers de son chemin : « Aux fêtes, il n’y en avait que pour lui. Il s’est marié, il a réussi… Il a sauvé l’honneur des Bertin. Il a eu une belle vie, contrairement à la mienne. » « Il détestait » ce petit frère. “Je voulais qu’il meure mais grâce à Dieu j’ai appris à l’aimer et à lui pardonner” car “il avait changé et mûri ces dernières années”.
Pour percer le mystère de Ludovic Bertin, il ne faudra même pas compter sur la demi-sœur et la mère de l’accusé. Tous deux se sont déclarés malades en présentant un certificat médical justifiant leur absence. «Pourquoi ta mère ne veut-elle pas venir témoigner?», demande Valérie Blain. ” Je ne sais pas. Je ne l’ai pas vue depuis un moment. C’est probablement difficile pour elle. Et puis il a un certain âge”, tente de justifier la femme plus âgée. Exactement 63 ans et non 90 ans, corrige le président.
“Je n’ai jamais aimé ça, je le déteste encore aujourd’hui”
Elle était également largement absente des débats, prétextant une lune de miel à Dubaï. Mais Dounia a finalement comparu devant la cour d’assises, en s’excusant par avance. «C’est compliqué pour moi de me tenir devant vous», confie l’ex-belle-sœur du prévenu. Il a ajouté : « Comme il était marié à ma sœur, je suis placé dans le box familial du coupable. Mais nous avons honte d’être assimilés à Ludovic. » A la barre des témoins, la trentenaire a exprimé sa colère : « Je ne l’ai jamais aimé. Si nous ne l’avons pas accepté, ce n’est pas à cause de la religion, comme il le dit, mais parce que nous avons compris très tôt sa personnalité et son influence sur ma sœur. Il est manipulateur, violent. Je déteste toujours ça à ce jour. » D’un ton ferme, l’intéressé réitère le concept : « Pour moi, il est fou. À l’âge de 25 ans, il ôta la vie à une jeune fille. J’ai l’impression que je dois m’excuser auprès de la famille. J’habite à 300 mètres d’eux. Je ne veux pas qu’on me mette l’étiquette Ludovic sur le front. »
Dans un dernier plan, le témoin demande, cette fois, de s’adresser directement aux jurés : “Assurez-vous qu’il ne puisse plus jamais faire de mal à aucune femme.” » Ludovic Bertin risque la prison à vie. La sentence devrait être prononcée vers le 6 décembre.
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