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Le Goncourt des lycéens, une récompense sans précédent

“CCe prix a changé ma vie. » Quand on parle avec Sorj Chalandon du prix Goncourt des lycéens, qu’il a remporté en 2013 pour Le quatrième muril ne cache ni son émotion ni sa gratitude. Lorsqu’il apprend que son roman a été choisi par les lycéens qui composaient le jury, il était assis sur un banc d’une place. Il souligne qu’il pleuvait, ce qui couvrait les larmes qui coulaient sur son visage. « Je les ai appelés et leur ai dit ce que je dis toujours : ce prix est du cristal pur, sans la moindre aspérité. »

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Le mot « pur » sort aussi de la bouche d’Estelle Flavet, directrice de l’action culturelle à la Fnac, qui organise le prix, offrant les livres à tous les lycéens et organisant la visite des auteurs, le ministère de l’Éducation nationale. et en accord avec l’Académie Goncourt. « Le prix est pur, spontané, surprenant. Il se passe quelque chose de fort autour de lui, cela suscite des émotions fortes”, raconte celle qui dirige depuis une douzaine d’années l’organisation du prix Goncourt pour les lycéens.

Lancé en 1988 par un professeur de lettres et un libraire de la Fnac de Rennes, il fonctionne sur un principe simple : 2 000 lycéens de toute la sont invités à lire la sélection et à choisir leur préféré. Décerné, l’année de son lancement, à Erik Orsenna pour L’exposition coloniale (Seuil), a récompensé depuis une multitude de grands noms de la littérature française, comme Laurent Gaudé, Philippe Claudel, Catherine Cusset, Delphine de Vigan…

L’explosion de Gaël Faye

« Le prix Goncourt réservé aux lycéens a vite séduit et pris de l’ampleur, mais c’est en 2016, lorsque les jeunes récompensent Gaël Faye, qu’il a pris toute son ampleur », explique Estelle Flavet. Les ventes de Gaël Faye, qui a publié son premier roman, Petit payssur le génocide rwandais, étaient stratosphériques après son sacre, l’enthousiasme des jeunes confinant à l’activisme : « Petit pays on l’appréciait pour sa qualité littéraire, bien sûr, mais aussi pour son aspect social, poursuit Estelle Flavet. Depuis, ce type de sujet est de plus en plus présent dans le désir des jeunes, qui souhaitent vivre ce prix comme un engagement. »

Sorj Chalandon ricorda: “ Le quatrième mur c’est un livre très dur, consacré au massacre de Sabra et Chatila. Lors d’une rencontre avec les jeunes, je leur ai expliqué que j’avais été un des premiers à entrer dans les camps, où les massacres n’étaient même pas encore terminés. Je leur ai dit que tout était mort : hommes, femmes, enfants, bébés, chiens et chats. Je leur ai dit que je ne m’étais jamais senti aussi seul de ma vie. Pendant les questions, un jeune homme se lève et me dit cette phrase qui me reste tout le temps : “Tu n’étais pas seul, nous étions avec toi dans les champs.” »

Opération séduction

Dites aux romanciers que vous devez respecter toutes les dates. Les jeunes détestent quand on ne voyage pas.Sorj Chalandon

Le prix Goncourt réservé aux lycéens est décerné chaque année fin novembre, à l’issue d’un marathon mené par les auteurs dans dix villes de France, parmi les classes de lycéens sélectionnés pour voter (le prix invite les lycées généraux , professionnels et BTS). “Si vous donnez des conseils aux romanciers dans votre article, dites-leur que vous devez respecter toutes les dates”, prévient Sorj Chalandon. Les jeunes détestent qu’on ne voyage pas : sinon, ils ne liront pas. Mais il faut surtout y aller pour écouter leurs questions, différentes de toutes les autres. Ils sont réels, curieux, honnêtes. Ils posent des questions que nous emportons avec nous lorsque nous écrivons de futurs romans. »

« Depuis plusieurs années, avec la hausse des prix, tous les auteurs ont déménagé », poursuit Estelle Flavet. Ce sont des moments très forts, les auteurs nouent des amitiés qu’ils n’auraient pas lors d’autres événements, lors de fêtes de rentrée. Quant aux jeunes, ils sont exigeants, fougueux. C’est une école d’écrivains qui s’y attaquent. »

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Conscients des problèmes, désireux de séduire ce public jeune et intraitable, les candidats au prix Goncourt des lycéens savent qu’ils ont la chance d’obtenir un prix différent des autres, qui ne s’intéresse ni aux tendances, ni aux influences, ni aux maisons d’édition, mais simplement à l’effet produit par la lecture et le charisme de l’écrivain.

Avec pour conséquence l’opportunité de changer à jamais son destin d’écrivain : « L’effet Goncourt des lycéens est un rajeunissement du public lecteur, qui perd d’un coup tous ses cheveux gris. Quelques jeunes qui ont voté Le quatrième murou celui qui l’a lu après le prix m’a suivi fidèlement pendant plus de dix ans. L’enjeu est de taille », conclut Sorj Chalandon. Alors, qui parmi les cinq finalistes – Olivier Norek, Sandrine Collette, Abdellah Taïa… – (sur 14 auteurs en compétition cette année) remportera cette année ? Réponse jeudi midi, à l’issue de la délibération finale des lycéens, qui aura lieu à Rennes, là où tout a commencé…

 
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