Le cardinal Miguel Ángel Ayuso Guixot, préfet du dicastère pour le dialogue interreligieux depuis 2019, est décédé lundi 25 novembre. Cet ancien missionnaire en Egypte et au Soudan a été l’un des principaux artisans du dialogue interreligieux au Vatican, et notamment avec l’Islam. Ce dialogue est devenu l’une des priorités du Saint-Siège depuis l’élection du pape François en 2013, notamment dans les pays où les catholiques sont minoritaires.
Miguel Ayuso Guixot a pris la relève en tant que membre par intérim du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux l’année de son ordination épiscopale, en 2016, lorsque la santé de son prédécesseur le cardinal Jean-Louis Tauran commençait à se détériorer. Il a été nommé à la tête de cette institution après le décès du cardinal français en 2018. L’année suivante, le 4 février 2019, le pape François signait un document sur la fraternité humaine avec le grand imam d’Al-Azhar. à Abu Dhabi (Émirats Arabes Unis). Il s’agit du premier d’une série de gestes symboliques et diplomatiques similaires, dont le dernier exemple a été ratifié le 5 septembre à Jakarta, en Indonésie, entre le pape François et l’imam de la plus grande mosquée d’Asie.
« Le monde a besoin de fraternité ! Se rassembler pour marcher ensemble est un moyen de vaincre la violence », a déclaré le cardinal Miguel Ayuso Guixot dans une interview accordée à La Croix en février 2020.
Missionnaire en Afrique
Miguel Ayuso Guixot est né à Séville, dans le sud de l’Espagne, le 17 juin 1952. À l’âge de 21 ans, alors qu’il étudiait le droit, il fut intrigué par la lecture d’une revue des Missionnaires Comboniens. Leur spiritualité dédiée au Sacré-Cœur de Jésus – thème de la dernière encyclique du Pape François, Il nous aimait – leur sensibilité au dialogue interculturel et leur présence en Afrique de l’Est séduisent le jeune Sévillan, qui rejoint cette congrégation d’origine italienne en septembre 1973. Il y prononce ses vœux perpétuels et est ordonné prêtre sept ans plus tard, en 1980, avant de quitter l’Espagne pour études à l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie (PISAI).
Après avoir obtenu sa licence en 1982, il s’installe au Caire (Egypte), où il est pasteur de la communauté latine du Sacré-Cœur d’Abbasiyya. Là, à deux pas de la cathédrale copte orthodoxe et de l’université Al-Azhar – avec laquelle il dialoguera plus tard au nom du Saint-Siège – le jeune prêtre d’une trentaine d’années oriente son travail pastoral vers l’accueil des migrants et réfugiés politiques des pays voisins. Soudan, où il fut bientôt envoyé pour poursuivre sa mission.
La guerre civile vient d’éclater au Soudan, après que le gouvernement de Gaafar Mohammed Nimeiry a imposé la charia et divisé le sud du pays. Jusqu’en 2002, le jeune missionnaire dirigeait le centre catéchétique du diocèse d’El-Obeid – qui comprend notamment le Darfour. À partir de 1989, il enseigne l’islamologie à Khartoum, la capitale.
« Un monde meilleur »
En 2000, il obtient son doctorat en théologie dogmatique à l’Université de Grenade (Espagne) et poursuit son activité d’enseignant au Caire puis à Rome, au PISAI, dont il devient recteur en 2006. L’année suivante en 2007, il est nommé consultant au Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, dont le cardinal français Jean-Louis Tauran vient de devenir président.
En 2012, Benoît XVI le promeut secrétaire de ce même conseil. Les relations se sont alors considérablement détériorées entre le Saint-Siège et l’université Al-Azhar, après les attentats meurtriers visant les coptes en Égypte. Le prédécesseur de François comptait alors sur les relations interpersonnelles établies par l’ancien missionnaire pour renouer avec le Caire. Miguel Ayuso Guixot non seulement accomplit sa mission mais multiplie les rencontres à travers le monde avec des dirigeants musulmans mais aussi hindous, bouddhistes, sikhs, shintoïstes, confucianistes…
N’y a-t-il pas une forme de naïveté dans ce dialogue, et un risque pour le Vatican d’être instrumentalisé ? C’est l’une des questions auxquelles le cardinal Miguel Ayuso Guixot a répondu dans l’entretien accordé à La Croix en 2020 : « Je travaille avec beaucoup de gens et cela ne veut pas dire que je « fais le jeu de leurs mains », il a expliqué. L’important est l’envie de dialogue. Nous ne faisons pas d’ingéniosité : il s’agit d’introduire progressivement le dialogue dans les esprits pour établir des relations. » Ce promoteur du dialogue fraternel se défendait de tout relativisme, de vouloir « créer une religion universelle », mais assumait cette utopie : « Souvert à la réalité des autres, tout en étant ancré dans notre identité, pour œuvrer à un monde meilleur. »
Related News :