(Nairobi) Quelques centaines de personnes se sont rassemblées dans la capitale kenyane pour une nouvelle manifestation éparse, au lendemain du retrait du projet de budget qui a fait descendre les jeunes dans la rue et tourné au bain de sang mardi, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Publié à 7h16
Mis à jour à 10h02
Simon VALMARY
Agence France-Presse
Mercredi, le président William Ruto a cédé aux revendications des jeunes manifestants et a retiré le projet de budget impopulaire qui prévoyait de nombreuses taxes.
La police, déployée en grand nombre dans le centre-ville de Nairobi, épicentre des violences de mardi, a tiré des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes sur de petits groupes de manifestants qui jetaient des pierres. Au moins sept personnes ont été arrêtées, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Des policiers en tenue anti-émeute ont également bloqué jeudi l’accès aux routes menant au palais présidentiel et au Parlement.
Des manifestations ont également eu lieu dans les fiefs de l’opposition de Mombasa (est) et Kisumu (ouest), rassemblant plusieurs centaines de personnes.
Mardi, après deux premiers jours de mobilisation sans heurts majeurs pour protester contre les nouvelles taxes prévues par M. Ruto dans son budget 2024-25, d’abord sur le pain puis sur le carburant, la manifestation à Nairobi a dégénéré autour du Parlement. Certains bâtiments ont été incendiés et saccagés et la foule durement réprimée.
La police, selon plusieurs ONG, a tiré à balles réelles pour contenir les manifestants qui ont forcé les barrières de sécurité pour pénétrer dans le complexe de l’Assemblée nationale et du Sénat, une attaque sans précédent dans l’histoire du Kenya indépendant depuis 1963.
Le bilan de la journée s’élève à 22 morts, dont 19 à Nairobi, et à plus de 300 blessés, a indiqué l’organisme kenyan des droits de l’homme (KNHRC).
” Effrayant ”
Ces scènes de violence meurtrière ont dissuadé certains de descendre à nouveau dans la rue.
“Dehors, ça a l’air effrayant”, a déclaré Margaret, 26 ans, qui a préféré cacher son nom de famille, ajoutant qu’elle ne quitterait pas sa maison bien qu’elle ait participé aux trois jours d’action précédents. « Les soldats sont sortis en grand nombre », a-t-elle déclaré.
La mobilisation « est moindre que celle de mardi car les gens craignent pour leur vie. Ruto ne se soucie pas de la vie des gens », a déclaré Cephas, 24 ans, étudiant en journalisme, qui n’a pas non plus donné son nom de famille et a participé à des rassemblements précédents.
Selon des journalistes de l’AFP, la plupart des manifestants présents jeudi étaient des hommes.
Au-delà du projet de budget, le mouvement de contestation s’est transformé en une dénonciation plus large de la politique de William Ruto, élu en 2022 avec la promesse de favoriser la redistribution vers les classes populaires.
Mercredi, une figure du mouvement de contestation, la journaliste et militante Hanifa Adan, a appelé à manifester à nouveau jeudi lors d’une marche blanche “pacifique” à la mémoire des victimes.
Quelques heures plus tard, William Ruto, qui la veille avait affirmé vouloir réprimer fermement « la violence et l’anarchie », annonçait finalement le retrait du projet de budget, et disait vouloir une consultation nationale de la jeunesse.
Une annonce immédiatement qualifiée d’« opération de communication » par Hanifa Adan, et accueillie avec méfiance par un certain nombre de manifestants, comme Lucky, 27 ans, présent au centre-ville de Nairobi depuis 9 heures et qui assure ne pas « faire confiance à Ruto », convaincu que “cette loi passera d’une manière ou d’une autre”.
Dette
Le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé mercredi à ce que les responsabilités soient “clairement” établies après la mort des manifestants.
Le gouvernement justifie les nouvelles taxes par le poids de la dette : « Comment pouvons-nous gérer ensemble notre situation d’endettement ? » a demandé William Ruto après avoir capitulé sur le projet de budget. Selon lui, il y a un manque d’argent notamment pour financer des programmes destinés aux agriculteurs et aux enseignants.
La dette publique du Kenya s’élève à environ 10 000 milliards de shillings (104 milliards CAN), soit environ 70 % du PIB. Le budget 2024-25 prévoit des dépenses de 4 000 milliards de shillings (43 milliards CAN), un record.
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