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Israël cherche à créer un « no man’s land » au Liban, selon des experts

Avec la destruction systématique de villages au sud du Liban, Israël tente, selon les experts, de créer un « no man’s land » dans le but d’empêcher le retour du Hezbollah dans les zones frontalières une fois les combats arrêtés. Les images satellite montrent des destructions massives dans une douzaine de villes frontalières.

DOSSIER – Des personnes vérifient un bâtiment endommagé sur le site d’une frappe aérienne israélienne à Choueifat, au sud-est de Beyrouth, le 28 septembre 2024. (AP Photo/Hussein Malla, dossier)

CLÉ EN PIERRE

Selon des responsables libanais, près d’une vingtaine de villages proches de la frontière libano-israélienne ont été détruits à 70 % depuis le début, le 23 septembre, d’une intense campagne de bombardements lancée par Israël au Liban contre le mouvement armé pro-iranien.

Une offensive terrestre de l’armée israélienne a suivi le 30 septembre, faisant exploser de nombreux bâtiments. “Il semble qu’Israël soit en train de créer un “no man’s land” inhabitable tout le long de la frontière”, a déclaré à l’AFP Peter Harling, fondateur du Synaps, un centre de recherche basé à Beyrouth.

Des analystes israéliens interrogés par le bureau de l’AFP à Jérusalem estiment qu’Israël n’a pas pour objectif de conquérir le sud du Liban, mais de repousser la menace du Hezbollah sur le nord du pays.

“Habitable”

«Il s’agit simplement d’avoir la garantie que le Hezbollah n’est plus proche de la frontière et ne peut plus lancer d’attaques contre le nord d’Israël. C’est l’objectif principal […] Nous ne voulons pas du Hezbollah là-bas», a déclaré à l’AFP Orna Mizrahi, experte et ancienne soldate de l’armée israélienne, de l’Institut d’études sur la sécurité nationale (INSS).

L’offensive terrestre israélienne a été lancée après environ un an d’échanges de tirs quasi quotidiens à la frontière avec le Hezbollah, qui affirme agir en solidarité avec le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza.

Hachem Haïdar, président du Conseil du Sud, l’institution libanaise chargée d’évaluer les dégâts, a indiqué à l’AFP que 18 villages proches de la frontière entre les deux pays, longs d’environ 120 kilomètres, ont été “détruits à 70%”.

L’objectif d’Israël est de “créer une zone tampon inhabitable”, dit-il, estimant que “45 000 bâtiments résidentiels ont été détruits”. C’est particulièrement vrai à Maïss al-Jabal, où plus d’un millier de bâtiments ont été visés.

« Destruction israélienne […] L’objectif est de transformer la région frontalière en terre brûlée”, a déclaré à l’AFP Abdel Monhem Choucair, maire de cette ville qui comptait avant la guerre près de 30 000 habitants. “Ils ont détruit des écoles, des mosquées et des infrastructures, même les cimetières n’ont pas été épargnés”, ajoute-t-il.

Zones forestières brûlées

Dans le petit village voisin de Mheibib, plus de 84 pour cent des bâtiments avaient été rasés au 7 novembre. Plus au sud, à Yaroun, sur les quelque 500 bâtiments que comptait le centre du village, 380 ont disparu. A Aïta Al-Chaab, autre village rasé à plus de 60 %, certains quartiers entiers sont également en ruines.

L’expert militaire Hassan Jouni explique qu’en détruisant ces villages et en brûlant les zones forestières qui les entourent, Israël veut libérer ses points d’observation. Les autorités libanaises ont accusé Israël d’avoir incendié des zones forestières et des terres agricoles dans le sud du pays en les bombardant au phosphore blanc.

« Cette zone tampon sera exposée au contrôle et à la surveillance israéliens », a déclaré Jouni, ancien commandant de l’école de guerre de l’armée libanaise.

Cela rendra impossible « de répéter l’expérience du 7 octobre à Gaza, à la frontière avec le Liban », ajoute-t-il, faisant référence à l’attaque du Hamas en Israël qui a déclenché la guerre dans la bande de Gaza le 7 octobre 2023.

Israël a accusé l’unité d’élite du Hezbollah, al-Radwan, décapitée lors d’attaques ciblées, de vouloir attaquer le territoire israélien.

« Réseau de tunnels »

Israël s’est retiré du sud du Liban en 2000 après de nombreuses attaques du Hezbollah, après 22 ans d’occupation. En 2006, une guerre l’avait déjà opposé au groupe pro-iranien, qui n’avait jamais respecté une résolution de l’ONU exigeant son retrait de la région.

Aujourd’hui, les négociations aux États-Unis pour parvenir à un cessez-le-feu se concentrent sur la pleine mise en œuvre de cette résolution, selon laquelle seules l’armée libanaise et les casques bleus de l’ONU doivent être déployés dans cette partie du sud.

Calev Ben-Dor, ancien analyste du ministère israélien des Affaires étrangères, a déclaré au bureau de l’AFP à Jérusalem que les “roquettes à longue portée” constituent l’une des “principales menaces”. « Une zone de sécurité ne ferait pas grand-chose contre les roquettes », a-t-il déclaré, mais « elle empêcherait le Hezbollah de retourner vers le sud et d’y établir des positions ».

Hassan Jouni, général à la retraite, estime cependant que la tactique israélienne est vouée à l’échec, “car les gens reviendront et reconstruiront leurs maisons s’il y a un accord politique”.

ATS

 
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