Un Québécois est bloqué en Espagne depuis quatre mois après avoir été impliqué dans un accident mortel le premier jour de ses dix jours de vacances prévus. En attendant son procès, il est plongé dans un véritable cauchemar.
« Au début, on m’avait dit que cela pouvait prendre une semaine ou un mois. Je ne comprends pas pourquoi ils me gardent ici. Je ne suis pas un criminel, j’ai eu un accident de voiture», souffle Mathieu Béland, rejoint par La Revueavec des connaissances qui l’hébergent, dans la banlieue de Barcelone.
Le résident de L’Ancienne-Lorette doit rester en Espagne, mais il se bat pour obtenir l’autorisation d’un juge espagnol pour revenir au Canada en attendant des procédures judiciaires.
Sa vie a basculé le 14 juillet. Lui et sa sœur Audrey devaient entreprendre leur premier voyage en Europe sans leurs parents. Ils s’étaient donné rendez-vous dans le sud de l’Espagne, sur la Costal del Sol.
Arrivé quelques heures avant sa sœur cadette, le camionneur de 27 ans a décidé d’utiliser sa voiture de location dûment assurée pour repérer les plages qu’il visiterait le lendemain. Une heure après avoir posé le pied en Andalousie, il a provoqué un accident de la route qui a coûté la vie à un motocycliste de 58 ans, à Torremolinos, à quelques kilomètres au sud de Malaga.
« Je n’ai jamais vu ce genre de route en Amérique du Nord. J’ai suivi mon GPS qui me disait de tourner à gauche et j’ai été excessivement prudent, mais ce n’était pas suffisant », déplore celui qui affirme revivre régulièrement la scène depuis.
Même si sa voiture était quasiment à l’arrêt, le choc a été fatal pour le motocycliste. Mathieu Béland, qui n’était ni sous l’influence de drogues ni d’alcool, a été arrêté par les policiers puis conduit au commissariat.
Accusé d’homicide
« Quand j’ai atterri en Espagne, j’ai reçu un message de Mathieu me disant d’aller le retrouver au commissariat car il a eu un accident. J’ai essayé d’expliquer ce qui s’est passé, car Mathieu ne parle pas espagnol. Ils l’ont gardé en cellule pour la nuit et m’ont dit qu’il se présenterait au palais de justice le lendemain », explique Audrey Béland, qui est restée avec son frère pendant 10 jours.
Mathieu Béland et sa sœur Audrey devaient voyager 10 jours en Espagne et en Italie en juillet dernier. Sur cette photo, ils sont à la plage quelques jours après la sortie de prison de Mathieu, près de Malaga, en Andalousie.
Photo fournie par Audrey Béland
Lors de l’audience, son frère a été formellement accusé d’homicide par imprudence grave, un crime généralement réservé aux personnes coupables d’excès de vitesse ayant causé la mort ou à ceux qui ôtent la vie à quelqu’un avec les facultés affaiblies. vol, passible d’un à quatre ans d’emprisonnement.
« Nous étions abasourdis », se souvient la jeune femme. L’avocat qui l’a défendu n’en revenait pas non plus. Oui, il a fait un geste illégal, mais il ne pouvait pas le savoir.
Caution à 75 000 $
Bien qu’il n’ait pas de casier judiciaire ni même commis d’infraction au code de la route, Mathieu Béland s’est retrouvé en prison, à des milliers de kilomètres de chez lui.
Après une « nuit en enfer », les parents du jeune homme ont décidé de contracter un emprunt bancaire pour payer sa caution de 75 000 $ afin qu’il puisse sortir de sa cellule. Non sans difficulté, ils trouvèrent une connaissance d’une connaissance en Espagne pour aller payer la dette.
La mère de Mathieu Béland est en arrêt de travail depuis que le malheur a durement frappé son fils. Elle a pris de nombreuses mesures pour aider sa progéniture, au détriment de sa propre santé.
«J’ai besoin de médicaments pour dormir et contre l’anxiété. […] J’aimerais tellement pouvoir le tenir dans mes bras quand il est à terre, mais je dois le consoler avec Messager. C’est terrible. Je ne souhaiterais ça à personne… », confie Estelle Simard.
Depuis sa sortie de prison, Mathieu Béland s’est vu confisquer son passeport et son permis de conduire. Il doit se présenter au tribunal chaque semaine en attendant son procès pour l’empêcher de quitter le pays.
En attendant, il ne peut pas travailler, car il n’a ni papiers d’identité ni casier judiciaire. Même si son employeur au Québec est « très compréhensif » et tient son logement au chaud, le jeune de vingt ans doit vivre de ses économies.
Le carrefour en question
Le type d’intersection où Mathieu Béland a causé un accident mortel n’existe pas au Québec. Par exemple, pour tourner à gauche, vous devez emprunter la voie complètement à droite.
Capture d’écran de Google Maps
- Aucune signalisation et aucun marquage au sol pour expliquer la marche à suivre ;
- Pour tourner à gauche, vous devez emprunter la voie la plus à droite ;
- Le feu de circulation est rond alors qu’au Québec, il aurait préféré y avoir une flèche verte vers l’avant pour indiquer qu’on ne peut qu’aller tout droit ;
- Un terre-plein végétalisé agit comme un mur de verdure et réduit considérablement la visibilité ;
- La moto circulait en sens inverse alors que la voiture de Mathieu Béland était arrêtée au milieu de la route;
- Après l’accident, un panneau interdisant de tourner à gauche a été ajouté ;
- Plusieurs accidents à cet endroit au cours des 10 dernières années, selon une revue de presse de différents médias locaux ;
- À son retour sur les lieux, Mathieu Béland a constaté que les autorités avaient fait couper quelques arbustes.
Source : Google Street View
Une attente interminable pour lui et ses proches
La justice espagnole est bien différente de celle du Québec et plus le temps passe, plus la famille et les proches de Mathieu Béland désespèrent de l’attente interminable de savoir s’il pourra retourner au pays.
Deux semaines après l’accident qui a bouleversé la vie de l’homme de 27 ans, son avocat a adressé au juge une demande de révision des conditions imposées par le tribunal, afin que Mathieu Béland récupère son passeport et son permis de conduire pour revenir à Le Canada attend son procès.
« Chaque semaine, on se dit que c’est la bonne, puis on est déçu », déplore Estelle Simard, la maman de la jeune fille de vingt ans. Au début, nous étions tellement occupés avec notre avocat, avec l’ambassade du Canada et avec nos besoins fondamentaux que nous ne voyions pas le temps passer. Depuis septembre, c’est un cauchemar sans fin.
Les mains liées
M.moi Simard a demandé au député de Montmagny-L’Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup, Bernard Généreux, d’aider sa famille et de faire avancer les choses. Malgré toutes ses « bonnes intentions », l’élu conservateur maintient que son pouvoir et celui du Canada sont limités.
« J’en ai discuté avec Mélanie Joly [la ministre des Affaires étrangères du Canada]mais nous avons les mains liées, car il fait face à des accusations criminelles. L’Espagne étant un État démocratique, il y a une distance à maintenir entre la politique et la justice », affirme-t-il, ajoutant qu’il entretient des contacts réguliers avec les accusés.
Procédures exceptionnelles
La Revue a consulté des avocats spécialisés en droit pénal espagnol pour savoir s’il était réaliste pour la famille de Mathieu Béland d’espérer son retour rapide au pays en attendant son procès. Selon les experts, plusieurs facteurs peuvent peser dans la balance.
“C’est possible, mais c’est plus compliqué pour quelqu’un qui n’est pas issu de la communauté européenne, car il y a un risque qu’il échappe à la justice”, prévient M.e Vicente Seglar, avocat de la région de Valence. S’agissant d’un touriste, son avocat peut cependant expliquer au juge que cela lui cause un préjudice très important.
Basé à Madrid, Me Alexis Duc Dodon souligne qu’il existe des précédents en la matière dans la péninsule ibérique.
« Cela reste exceptionnel, notamment dans les cas graves comme les homicides inconsidérés. Ces décisions sont prises au cas par cas en fonction des garanties apportées par l’accusé”, précise-t-il.
Lorsqu’on lui a demandé combien de temps Mathieu Béland devrait passer en Espagne si la demande était refusée, M.e Seglar affirme qu’un jugement est généralement rendu dans l’année suivant la commission d’un crime de cette nature. Il ne dit pas non plus que l’accusé purgera une peine de prison s’il est reconnu coupable.
« Il est toujours possible que le juge décide de réduire les charges en cours d’audience », poursuit l’avocat. J’ai déjà défendu des clients qui faisaient face aux mêmes accusations et qui avaient été condamnés à une peine avec sursis suite à un accord avec le procureur de la République ou sur décision du juge.
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