Qui est Boualem Sansal ?
Boualem Sansal est l’une des grandes voix de la littérature francophone contemporaine, auteur d’un ouvrage engagé contre l’obscurantisme et pour la démocratie.
Né en 1949 à Theniet El Had, en Algérie, d’un père d’origine marocaine et d’une mère ayant reçu une éducation française, il commence à écrire à l’âge de 48 ans et publie son premier roman, « Le Serment des Barbares », deux ans plus tard. Il raconte la montée en puissance des fondamentalistes qui ont contribué à plonger l’Algérie dans une décennie de guerre civile qui a fait 200 000 morts.
Après une carrière d’enseignant, de chef d’entreprise et de haut fonctionnaire, il est démis du ministère algérien de l’Industrie en 2003 pour ses positions critiques à l’égard du gouvernement, notamment sur l’arabisation de l’éducation. En 2019, il participe à des manifestations à Alger contre le pouvoir algérien qui conduisent à la démission du président Abdelaziz Bouteflika.
Que lui est-il arrivé ?
Selon plusieurs médias, dont l’hebdomadaire français Marianne, l’écrivain a été interpellé samedi à l’aéroport d’Alger, en provenance de France. Toutefois, aucune information officielle, ni même sous couvert d’anonymat, n’a filtré sur son sort des deux côtés de la Méditerranée, dans un contexte de relations tendues entre les deux pays.
Selon Le Monde, les autorités algériennes auraient pu très mal prendre les déclarations de Sansal au média Frontières, réputé d’extrême droite, qui reprend la position marocaine selon laquelle le territoire marocain a été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie. .
Selon le quotidien, il s’agirait d’une « ligne rouge » pour Alger, qui pourrait conduire à accuser l’écrivain d’atteinte à l’intégrité nationale. Jeudi soir, l’entourage du président Emmanuel Macron a annoncé que ce dernier était “très préoccupé par la disparition” de Boualem Sansal et a précisé que “les services de l’Etat sont mobilisés pour clarifier sa situation”, sans donner plus de précisions. sur ce dossier.
De quoi parle le travail de Boualem Sansal ?
L’œuvre de Boualem Sansal évoque sans tabou, et dans un style parfois caustique, l’histoire de l’Algérie, la mémoire, les relations avec la France, et dénonce inlassablement l’islamisme.
Parmi ses titres célèbres, « Le Village allemand » (2008), censuré en Algérie, évoque à la fois la Shoah, la guerre civile en Algérie et la vie des Algériens des banlieues françaises. Dans « 2084, la fin du monde » (2015), il prend des accents orwelliens pour dénoncer la menace que le radicalisme religieux fait peser sur les démocraties, en imaginant l’islamisme au pouvoir.
Publié dans la prestigieuse collection Blanche de Gallimard, Boualem Sansal n’est pas étranger aux prix littéraires en France : l’Académie française lui a décerné son Grand Prix de la Francophonie, puis son Grand Prix du roman pour « 2084, la fin du monde ».
Quelles étaient ses positions ?
Son engagement et ses mises en garde à l’égard de l’Europe, et de la France en particulier, contre les dangers de l’islamisme ont valu à cet athée revendiqué de fortes inimitiés. Et le fort soutien des intellectuels et des médias de droite et d’extrême droite, applaudissant ses déclarations chocs sur un « ordre islamique » qui tenterait « de s’implanter en France ».
En Algérie, les menaces se multiplient depuis qu’il s’est rendu en Israël en 2014 pour recevoir un prix littéraire.
Ses positions suscitent parfois des accusations d’islamophobie, qu’il défend inlassablement. « Je n’ai jamais rien dit contre l’islam qui puisse justifier cette accusation » mais, « ce que je n’ai cessé de dénoncer, c’est l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques et sociales », expliquait-il en 2017.
Quelles ont été les réactions ?
Plusieurs responsables politiques français ont exprimé leur inquiétude depuis jeudi, notamment l’ancien Premier ministre Édouard Philippe qui a estimé que l’écrivain « incarne tout ce que nous chérissons : l’appel à la raison, la liberté et l’humanisme contre la censure, la corruption et l’islamisme.
Du côté des écrivains, le franco-marocain Tahar Ben Jelloun a appelé dans l’hebdomadaire français Le Point à « libérer » Boualem Sansal, tandis que Kamel Daoud a dénoncé dans le même magazine le fait que son « frère » Boualem Sansal est « derrière les barreaux, comme toute l’Algérie. »
L’auteur franco-algérien Kamel Daoud, lauréat cette année du Goncourt (le plus prestigieux prix littéraire français), a publié à la rentrée « Houris », un roman noir se déroulant en partie à Oran sur le destin de l’Aube, un jeune femme muette. depuis qu’un islamiste lui a tranché la gorge le 31 décembre 1999, et qui l’a mis au cœur d’une polémique.
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