Les sifflets mortels sont d’anciens artefacts aztèques qui produisent des sons effrayants rappelant les cris perçants de 1 000 morts. Ces objets en forme de crâne fascinent depuis longtemps les archéologues et les historiens, et une étude révolutionnaire menée par des scientifiques de l’Université de Zurich révèle pour la première fois le rôle psychoacoustique complexe du sifflet mortel. Ces recherches approfondies montrent que ces étranges dispositifs peuvent déclencher des effets profondément perturbants sur le cerveau humain.
Le sifflet mortel : un objet effrayant d’une importance historique indéniable
Découvert au XIXe siècle, le sifflet mortel proviendrait de la période mésoaméricaine postclassique qui couvre les années 1250 à 1521. Ces petits instruments en argile en forme de crâne et mesurant trois à cinq centimètres possèdent une structure interne remarquablement complexe qui permet de canaliser ingénieusement le flux d’air émis par la bouche vers produire un son aigu et effrayant qui n’est pas sans rappeler un cri humain.
« Les sifflets ont une construction tout à fait unique et nous ne connaissons aucun instrument de musique comparable provenant d’autres cultures précolombiennes ou d’autres contextes historiques et contemporains. », déclare le Dr Sascha Frühholz, auteur principal de l’étude et professeur de neurosciences cognitives et affectives à l’Université de Zurich.
Sa forme particulière a amené les chercheurs à l’associer à Mictlantecuhtli, le seigneur aztèque des enfers. D’autres, cependant, suggèrent que ses tonalités hurlantes, semblables à celles du vent, pourraient symboliser Ehecatl, le dieu aztèque du vent qui s’est aventuré dans le monde souterrain pour récupérer les ossements d’une époque antérieure et créer l’humanité selon la mythologie mésoaméricaine.
Les effets psychoaffectifs intenses du coup de sifflet mortel
Même si cet instrument a captivé l’imaginaire populaire, notamment avec une apparition remarquée dans le filmSOS Fantômes : L’Héritageen 2021, peu de scientifiques s’y intéressent sa fonction exacte et son importance dans la société aztèque. Pour mieux comprendre les mécanismes physiques liés à ce mystérieux outil sonore et son impact sur les auditeurs, des chercheurs de l’Université de Zurich, dirigés par le Dr Frühholz, ont mené l’une des études les plus approfondies à ce jour sur cet objet.
Pour ce faire, l’équipe a utilisé des tomodensitomètres (CT) et une modélisation 3D pour reconstruire les sifflets funéraires aztèques originaux conservés au Musée ethnologique de Berlin. En jouant ces reconstructions sous différentes pressions atmosphériques, les chercheurs généré plus de 270 enregistrements audio révéler les principales caractéristiques acoustiques de l’instrument avec son son qualifié de perçant, et donc très efficace pour capter l’attention tout en suscitant la peur. L’analyse spectrale a révélé des sons durs et turbulents rappelant des appels de détresse biologique, des éléments aigus qui imitent la qualité stridente d’un cri et des éclats sonores soudains et irréguliers qui renforcent leur effet surprenant.
Un test sur des auditeurs humains
Après avoir décortiqué les propriétés acoustiques du sifflet mortel, les chercheurs ont étudié ses effets psychologiques sur les auditeurs en recrutant 70 volontaires européens. exposé à une sélection aléatoire de sons notamment les tonalités produites par ces sifflets, mais aussi les bruits humains et animaux, les sons de la nature (pluie, vent, etc.), les sons musicaux et les bruits d’outils. Les volontaires n’étaient pas informés au préalable que les sons de sifflet en forme de crâne seraient inclus.
Les participants ont alors systématiquement décrit les sons des sifflets mortels comme «dégoûtant», «effrayant» et «non naturel” avec “cri» comme étiquette la plus fréquemment attribuée. Les sons évoqués émotions intensément négativesy compris la peur et l’inconfort, et les auditeurs ont ressenti un fort sentiment d’urgence, semblable à la réponse déclenchée par une alarme. L’étude a en outre souligné que les réponses neuronales étaient similaires à celles provoquées par des stimuli aversifs, tels que les cris humains, mettant en évidence le capacité du sifflet à susciter la peur et l’urgence.
Trente-deux des participants ont également subi des examens cérébraux IRMf (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) pendant qu’ils écoutaient ce mixage sonore. Ceci a permis d’observer que le sifflet activait plus particulièrement le cortex frontal inférieur et le cortex frontal médial, régions cérébrales associées au traitement auditifmais aussi à l’interprétation du sens émotionnel et symbolique.
Une remise en question du rôle de ces instruments
Cette étude n’avait pas pour objectif de déterminer le rôle exact du son aversif des sifflets mortels dans la culture mésoaméricaine. Une théorie populaire suggère cependant que ces curiosités archéologiques servaient deoutils de guerre psychologique créant une cacophonie assourdissante au combat pour semer la peur et la confusion parmi les forces ennemies et fournir un avantage tactique aux Aztèques.
Cependant, les chercheurs pensent que la forte association entre les sons de sifflet et le traitement cognitif de haut niveau suggère que l’utilisation pendant la guerre est «plutôt improbable». Au lieu de cela, les preuves de l’étude indiquent un rôle cérémonial renforcé par le fait que les sifflets étaient principalement découvert dans les lieux de sépulture rituels associé aux sacrifices humains, notamment dans des temples comme celui d’Ehecatl-Quetzalcoatl au Mexique.
L’effet universel du coup de sifflet mortel
«Les sifflets en forme de crâne ont peut-être été utilisés pour effrayer la victime du sacrifice humain ou le public de la cérémoniemais des recherches supplémentaires sont nécessaires sur ce point», estiment les chercheurs. Et bien qu’il soit évidemment impossible de mener des expériences psychologiques ou neurologiques sur des individus de l’époque aztèque, ce type d’études modernes montre que les réponses affectives de base aux sons terrifiants sont universelles chez l’homme et que les réactions de l’époque auraient été similaires à celles que nous connaissons aujourd’hui.
Ces recherches interdisciplinaires qui établissent un lien fascinant entre archéologie, neurosciences et acoustique offrent en tout cas de précieux éclairages sur la manière dont le son influence la cognition et les émotions humaineset pourrait inspirer de nouvelles études sur la manière dont les cultures anciennes exploitaient les expériences sensorielles.
Dans la vidéo ci-dessous, vous pouvez entendre un exemple de sifflet mortel aztèque reconstitué. Nous vous recommandons de baisser le volume si vous portez des écouteurs pour profiter confortablement de ces extraits sonores.
Publiée le 11 novembre 2024 dans Communications Psychology, l’étude est à retrouver ici.
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