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Comment la Révolution orange, « une insulte personnelle » pour Poutine, a porté les germes de la guerre en Ukraine il y a 20 ans

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Par Serhiy — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=779303 Il y a vingt ans, un demi-million de personnes se sont rassemblées sur la place de l’Indépendance à Kiev, la capitale ukrainienne, pour protester contre le résultat de l’élection présidentielle.

Par Serhiy — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=779303

Il y a vingt ans, un demi-million de personnes se sont rassemblées sur la place de l’Indépendance à Kiev, la capitale ukrainienne, pour protester contre le résultat de l’élection présidentielle.

UKRAINE – Il y a exactement 20 ans, le 22 novembre 2004, un demi-million de personnes se rassemblaient sur la Place de l’Indépendance à Kiev, la capitale ukrainienne. La foule proteste alors contre l’élection qu’elle considère comme truquée de Viktor Ianoukovitch, l’homme soutenu par Vladimir Poutine. C’est le début de la « Révolution orange » qui portera Viktor Iouchtchenko au pouvoir et qui marquera le début du rapprochement entre l’Ukraine et l’Occident.

La Révolution orange a reçu le soutien de nombreux gouvernements européens et des États-Unis, certaines ONG occidentales finançant l’organisation d’opposition. Cet événement reflète ainsi la lutte d’influence entre l’Occident et Moscou dans le pays et pose les bases de la guerre en Ukraine. Interrogé par HuffPostFrançoise Thom, historienne spécialiste de la Russie postcommuniste, nous explique comment le conflit russo-ukrainien trouve ses racines dans la Révolution orange.

HuffPost. Il y a 20 ans, la révolution orange avait lieu en Ukraine. Pouvez-vous nous expliquer cet événement politique en quelques phrases ?

Pour situer le contexte, Poutine a été réélu triomphalement en mars 2004. Il pensait pouvoir appliquer les mêmes technologies électorales qui avaient été efficaces en Russie pour l’élection présidentielle ukrainienne. Son objectif était de faire élire Viktor Ianoukovitch et le Kremlin lui a apporté un soutien logistique et médiatique. Le candidat face à Ianoukovitch était Viktor Iouchtchenko, un pro-occidental. Le jour du second tour des élections, le 21 novembre 2004, Poutine a félicité Ianoukovitch avant même l’annonce des résultats. Le vote [qui donne Ianoukovitch vainqueur] est contestée par l’opposition qui dénonce des fraudes. Les Ukrainiens sont alors descendus massivement dans la rue, c’est ce qu’on a appelé la Révolution Orange. Le parlement ukrainien a alors demandé l’annulation des élections et un nouveau vote a eu lieu le 26 décembre. Cette fois, Iouchtchenko l’a emporté avec 52 % des voix.

A-t-elle tenu ses promesses ?

En partie. D’un point de vue culturel, l’Ukraine s’est occidentalisée. Elle s’est rapprochée de l’Union européenne et de l’OTAN. Mais les aspirations anti-corruption de la population ne se sont pas concrétisées. Les Ukrainiens ont été déçus par le gouvernement de Iouchtchenko, trop faible pour lutter contre l’influence des oligarques, souvent manipulés depuis Moscou.

Dans quelle mesure l’invasion de l’Ukraine en 2022 s’ancre-t-elle dans cette révolution ?

Pour Poutine, la Révolution orange est un camouflet. Il n’a pas digéré cet échec, qu’il considère comme une insulte personnelle de la part de l’Occident, et a décidé de se venger de l’Ukraine. Il y a alors un tournant dans la politique étrangère russe qui devient beaucoup plus anti-occidentale. C’est aussi à ce moment-là que les Russes jouent la carte du séparatisme en Ukraine. En 2014, la Crimée est annexée, marquant le début du démantèlement de l’État ukrainien, puis la République de Lougansk se déclare indépendante et appelle la Russie à l’aide, et enfin la guerre éclate.

Comment l’influence de l’UE et des États-Unis dans la révolution orange pourrait-elle fournir des arguments à Poutine dans sa rhétorique guerrière ?

Les Européens ont été fortement impliqués dans la révolution orange. Les ONG occidentales ont été actives. Tout cela a en fait servi d’argument à Poutine. Mais les Russes se concentrent sur cette vision complotiste et ne comprennent pas qu’il y ait des mouvements spontanés dans les foules. Pour Vladimir Poutine, les Ukrainiens sont des Russes et la nation ukrainienne est une invention des Occidentaux.

Mais la lutte entre la Russie et l’Occident en Ukraine n’a pas attendu 2004 ?

Les aspirations occidentales des Ukrainiens étaient évidemment bien plus anciennes. Ils dataient même de l’URSS, déjà de l’époque de Gorbatchev. Il y a alors un rejet des excès du régime post-soviétique.

Finalement, la Révolution Orange est-elle encore inachevée ?

Oui, on peut dire que les objectifs de la révolution orange ne sont toujours pas atteints. Mais la guerre a mis un terme aux développements ukrainiens et ces objectifs sont passés au second plan. Aujourd’hui, l’objectif principal est de survivre en tant que nation. Une fois que l’Ukraine connaîtra la paix, qui ne sera pas engloutie par la Russie, elle pourra reprendre le chemin de l’État de droit, de l’éradication des oligarques et de la création de tribunaux indépendants.

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