Plus personne n’ignore la loi du marché : si la demande est supérieure à l’offre, les prix augmentent. A l’inverse, si l’offre dépasse la demande, les prix baissent. Beaucoup ignorent cependant que cette même règle intrinsèque au Monde capitaliste pourrait sérieusement nuire aux finances de la Russie.
Royaume des hydrocarbures, la Russie dépend largement du pétrole et du gaz pour soutenir son économie et sa coûteuse guerre en Ukraine. Selon les estimations rapportées par Le Monde, les revenus des hydrocarbures couvrent entre 30 et 50 % du budget de Moscou. Une aubaine existentielle pour le pays, qui cherche à contourner les sanctions sur l’or noir déployées par l’Occident depuis décembre 2022. Et pour cause : depuis le 5 novembre Bloomberg, en octobre 2024, les revenus pétroliers de la Russie ont diminué de 29 % par rapport à l’année précédente. , atteignant péniblement 1 050 milliards de roubles (10,7 milliards de dollars).
Alors pour Moscou, tous les moyens sont bons : une flotte noire de pétroliers illégaux, une opération de séduction sur les marchés asiatiques… Résultat : les roubles pétroliers continuent d’affluer vers la Russie, malgré l’embargo occidental. Par conséquent, seule l’Arabie saoudite pourrait être en mesure de grignoter les revenus pétroliers russes, et cela ne se fera pas sans nuire à l’OPEP+.
Les menaces voilées de l’Arabie Saoudite
L’Arabie saoudite travaille dur pour maintenir le prix du pétrole au-dessus de 100 dollars le baril, poussant les États membres de l’OPEP+ à réduire leur production. Mais le brut international continue d’osciller en dessous de 80 dollars. Une situation qui met le royaume en danger. Selon le FMI, l’Arabie saoudite a besoin d’un prix moyen du baril de pétrole de 96 dollars pour équilibrer son budget, contre 85 dollars pour la Russie.
En octobre, le Wall Street Journal a rapporté qu’un ministre saoudien avait menacé de baisser volontairement le prix du baril à 50 dollars si “les tricheurs” de l’OPEP+ n’a pas respecté les limites de production fixées, provoquant une onde de choc. Comment ? En augmentant simplement la production et en inondant le marché.
Ces déclarations ont été unanimement considérées par le cartel comme une menace réelle de la part du royaume pétrolier, qui pourrait lancer une guerre des prix pour maintenir sa part du marché mondial. Mohammed ben Salmane en a les moyens : l’Arabie saoudite peut rapidement augmenter sa production de plus de 3 millions de barils par jour, avait rappelé le royaume en février.
La Russie, mal équipée pour une guerre pétrolière
L’un des pays qui souffrirait le plus, et le plus rapidement, d’une guerre des prix entraînant une baisse de la valeur du pétrole est la Russie. Le pays, considéré par S&P Global Ratings comme « surproducteur » (produisant au-dessus de son quota), ne peut désormais monter que jusqu’à 500 à 700 barils supplémentaires quotidiennement, rappelle The Insider. « Alors que la Russie vend déjà son pétrole à des tarifs réduits et avec des coûts de production plus élevés, un environnement de prix bas sur les marchés pétroliers pourrait affecter sa capacité à financer son agression en Ukraine »écrit Luke Cooper, chercheur à la London School of Economics, pour la revue IPS, relayée par Business Insider.
La Russie serait également limitée dans sa guerre des prix contre l’Arabie Saoudite. Contrairement à celui du royaume, « son pétrole n’est pas bon marché à extraire, ce qui le rend mal équipé pour faire face à des prix bas »explique Luke Cooper. « Cela pousse la Russie à adopter une logique d’escalade à court terme dans la guerre en Ukraine, exigeant des succès rapides sur le champ de bataille avant que des conditions de marché pétrolier à bas prix n’apparaissent. »
La Russie cherchera certainement un compromis avec l’Arabie saoudite et le reste de l’OPEP+. Moscou n’a pas oublié les discordes de 2020 : irrité par la surproduction russe, le royaume saoudien avait baissé ses prix officiels pour ses acheteurs d’Europe et d’Asie, monopolisant le marché. Résultat : début avril, le brut russe en provenance de l’Oural s’échangeait autour de 10 dollars le baril, obligeant Moscou à des compromis. La Russie se trouve donc confrontée à un choix : restreindre sa production et augmenter ses prix, ou risquer la colère de Riyad et la chute des revenus pétroliers, pendant que la guerre en Ukraine vide ses caisses.
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