Pour la première fois, le proviseur du lycée Maurice-Ravel à Paris, victime de menaces de mort suite à une altercation avec une élève voilée, revient sur cet incident et ses conséquences dans « Complément d’enquête ». Extrait de « La guerre de l’information sur les bancs des écoles », à voir le 21 novembre 2024.
“Il faut brûler vif ce chien”, “Il faut embrasser sa mère”, “Il faut lui en donner deux, ce fils de lâche”, “Pas de pitié, rassemblez-vous et formez des équipes”. Ces messages haineux postés sur les réseaux sociaux l’ont d’abord quitté “étourdi” et incrédule. Comment « imaginer qu’un incident dans la cour déclencherait ce torrent de violence », même des menaces de mort ? C’est ce qui est arrivé à la proviseure du lycée Maurice-Ravel, à Paris, en février 2024, après avoir demandé à une élève de retirer son voile.
Désormais en retraite anticipée, Philippe Le Guillou a exceptionnellement accepté de témoigner devant une caméra. Le visage caché, car il a peur pour sa vie. Cette affaire qui a fait la une des médias a “traumatisé”, il explique. Impossible de ne pas penser à Samuel Paty, ce professeur d’histoire-géographie assassiné en octobre 2020 après avoir donné un cours sur la laïcité, et à Dominique Bernard, professeur de lettres poignardée en 2023 par un ancien élève radicalisé…
En février 2024, Philippe Le Guillou porte plainte pour harcèlement. Un « complément d’enquête » l’a rencontré pour la première fois devant le tribunal en octobre. Au cœur du procès, une rumeur qui accuse à tort le proviseur d’avoir giflé l’étudiante voilée, et le tweet menaçant d’un homme de 27 ans qui n’a même pas été témoin de la scène. Il a été condamné à une amende de 600 euros et devra suivre un cours de citoyenneté de cinq jours. Le parquet de Paris a fait appel de cette décision.
Que s’est-il réellement passé ce jour-là, dans la cour du lycée Maurice-Ravel ? Philippe Le Guillou, qui livre pour la première fois sa version des faits, réfute tout dérapage. « Je vois deux étudiants de BTS sortir, voilés, du bâtiment au fond de la cour. Alors je suis allé vers eux. La première a enlevé son voile sans problème, et la seconde, non. Elle ne voulait pas. Je lui ai dit que j’avais dit ‘Enlève ton voile’ une fois, je lui ai tapoté l’épaule, ‘Ho ho, je suis là, je te parle…’ Et puis une, deux, trois fois même, je ne le fais pas. Je ne sais même pas combien de fois d’ailleurs, mais elle m’a complètement ignoré.
“Tout de suite, il continue, Je me suis dit : ‘Ça va être horrible.’ Parce que tout de suite, certains étudiants ont dit : « Ah, il l’a frappée, il l’a frappée ». Parce que je l’avais frappée à l’épaule. Un geste qu’il juge normal… Interrogé sur ce point, le ministère de l’Éducation nationale a répondu que « le« Le simple fait de taper sur l’épaule d’un élève pour attirer son attention ne peut être considéré comme un geste inapproprié, et encore moins comme un acte violent. »
Le directeur estime avoir rempli son rôle en ayant » fait respecter la laïcité dans la cour de récréation. Il est courant de dire à un élève voilé dans la cour d’un établissement scolaire public : ‘Enlève ton voile’.» Il a décidé d’attaquer l’étudiant pour dénonciation calomnieuse. De son côté, elle a porté plainte pour violences qui a été classée sans suite, le parquet de Paris estimant le délit insuffisamment qualifié. Suite à cette affaire, le proviseur a décidé de mettre un terme à sa carrière à l’âge de 63 ans.
Extrait de « La guerre de l’information sur les bancs des écoles », réalisé en partenariat avec la rédaction de l’AFP Facteur, à voir dans « Complément d’enquête » sur 21 Novembre 2024.
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