l’essentiel
Kiev a accusé Moscou d’avoir tiré un missile intercontinental (ICBM) lors d’une attaque sur la ville de Dnipro, jeudi 21 novembre. Pour Guillaume Ancel, ancien officier et auteur de Saint-Cyr, at the Grande Muette schoolil pourrait s’agir d’un nouveau coup d’État de la part des Russes, qui intervient dans un contexte d’accélération du conflit alors que des négociations de paix se profilent à l’horizon.
Ce lancement de missile intercontinental depuis Moscou est une première. Pourquoi intervient-il maintenant après trois ans de conflit ? Est-ce significatif ?
C’est un peu une tempête dans une tasse de thé. La Russie utilise depuis longtemps des armes dites « doubles », capables de transporter des ogives nucléaires. Le fait qu’il s’agisse d’un missile intercontinental, donc avec une plus grande portée, ne présente pas d’intérêt particulier. Cela ne change pas l’effet du missile, donc ce n’est pas plus inquiétant que lorsque les Russes utilisent des missiles plus petits. Cela signifie simplement qu’ils sont prêts à utiliser des munitions d’une valeur de plusieurs dizaines de millions d’euros pour frapper l’Ukraine.
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Normalement, un missile intercontinental est utilisé pour frapper à longue portée. Mais en termes d’effet, cela équivaut à peu près au tir de six missiles de croisière. En revanche, les ICBM sont plus difficiles à intercepter. Seuls les systèmes de défense Patriot pourraient en être capables et même dans ce cas…
Comment interpréter cette action russe ? Est-ce une nouvelle escalade ?
Je ne pense pas que cela marque un tournant dans cette guerre. D’un autre côté, il est assez insensé de la part des Russes d’utiliser des missiles aussi sophistiqués et complexes, normalement conçus pour des frappes nucléaires, pour atteindre des cibles logistiques. Je pense qu’il y a une volonté de rendre la scène de guerre un peu hystérique. On a cette accélération du conflit en amont des négociations qui devraient débuter le 20 janvier avec l’arrivée de Donald Trump, qui a affiché sa volonté d’arrêter les combats. Les deux cobelligérants accélèrent donc la guerre pour démontrer une position de force avant ces négociations. L’autorisation de Joe Biden de frapper le sol russe avec des missiles à longue portée poursuit le même objectif.
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Les Ukrainiens tentent de rendre la situation plus dramatique que jamais afin d’aboutir à des négociations qui leur soient moins défavorables. D’un autre côté, moscou espère dissuader Kiev de tirer des missiles à longue portée, ATACMS et Storm Shadow, car cela leur nuit. Même si elles ne changeront pas le cours de la guerre, ces munitions permettent à l’armée ukrainienne de cibler des zones logistiques et des centres de commandement importants de l’armée russe qui, jusqu’à présent, étaient considérés comme hors de portée. Cela ralentira une armée russe qui n’est déjà pas en bon état, même si les forces de Kiev ne sont pas en bon état non plus.
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Est-ce une menace sérieuse de la part de Moscou ? À qui ? Faut-il craindre un franchissement de la ligne rouge avec une menace nucléaire ?
Une fois de plus, les Russes tentent d’hystériser le débat et continuent donc d’évoquer la menace nucléaire. Poutine nous a habitués à jouer sur nos peurs. Depuis le début de la guerre, il a évoqué la menace nucléaire environ 110 fois. En réalité, on ne fait pas la guerre avec ces armes qui signifient plutôt la fin. Ce sont des armes de destruction massive et non d’affrontement. Ils n’ont été utilisés qu’une seule fois par les Américains pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les Russes tiennent ce langage pour nous. Même l’utilisation de missiles ATACMS pour cibler le territoire russe ne pourrait justifier une telle réponse. La plus petite ogive nucléaire équivaut à 20 000 fois la puissance d’un missile ATACMS.
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Et si cela se concrétisait, ce qui, je ne pense pas, nous aurions une alerte des États-Unis, qui suivent tout cela de très près. La Chine a en outre averti la Russie que cela serait inacceptable. Et nous aurions inévitablement une réponse de l’Otan, avec des armes conventionnelles certes, mais qui signerait l’arrêt de mort de l’armée russe en Ukraine.
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