- Auteur, Armand Mouko Boudombo
- Rôle, Journaliste – BBC Afrique
- Gazouillement, @AmoukoB
- Rapport de Dakar
- 20 novembre 2024
Mis à jour il y a 35 minutes
La junte au pouvoir au Mali a nommé jeudi soir le général Abdoulaye Maiga en remplacement de Choguel Kokalla Maiga, premier ministre civil, limogé la veille à la suite d’une crise avec les autorités militaires.
Il y a tout juste un mois, Abdoulaye Maiga occupait le grade de général, à l’issue d’un conseil des ministres qui a approuvé le passage du grade de colonel à général de cinq hauts responsables du pays, dont le président de la transition Assimi Goita.
Connu pour être proche du président de la transition, Abdoulaye Maiga est un visage devenu familier aux Maliens. Il est connu pour ses discours virulents contre les Occidentaux, notamment la France.
Le général de 43 ans est au gouvernement depuis 2021, où il a exercé les fonctions de ministre de l’Administration territoriale, avant d’accumuler la fonction de porte-parole du gouvernement, donc l’une des principales figures de la communication de la junte.
Le site Internet du gouvernement le présente comme un expert en matière de sécurité et de défense internationales, de gestion des conflits et de bonne gouvernance, de droits de l’homme et de droit humanitaire.
Policier de formation et titulaire de deux doctorats, l’un en droit et l’autre en gestion, il est également présenté comme ayant une grande capacité dans la négociation de haut niveau et l’organisation de conférences impliquant des représentants d’États ou d’organisations gouvernementales et non gouvernementales.
M. Maiga a servi à l’Union africaine et à la CEDEAO, le groupe sous-régional, en tant qu’expert en alerte et prévention du terrorisme, et a contribué à la réforme de la police congolaise dans le cadre de la mission des Nations Unies. Unis en RDC.
Il rejoint un premier ministre qu’il connaît déjà, puisqu’il y a exercé comme intérimaire en 2022, lorsqu’il a remplacé provisoirement Choguel Maiga, alors hospitalisé.
Il devient le premier militaire nommé à ce poste de façon permanente depuis le double coup d’État de 2020-2021 dans le pays.
Pourquoi Abdoulaye Maiga remplace Choguel Maiga ?
Depuis le week-end dernier, une crise éclate entre le désormais ancien Premier ministre malien (Choguel Maiga) et les autorités militaires au pouvoir. Ce qui a entraîné son limogeage ainsi que l’ensemble de son gouvernement.
C’était au terme d’un décret du président de la transition, Assimi Goita, lu dans la soirée à la télévision publique. Abdoulaye Maiga, le nouveau Premier ministre n’a pas encore annoncé la nomination de son équipe gouvernementale.
Ce dernier devrait remplacer celui de Choguel Maiga, emporté par une crise créée par l’ancien Premier ministre lui-même.
A l’occasion du premier anniversaire de la reprise de la ville de Kidal par l’armée malienne aux rebelles, Choguel Kokalla Maiga a fustigé sa mise à l’écart par les autorités de la transition.
Devant ses militants du Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), M. Maiga, en tenue militaire, a abordé le sujet délicat de la fin de la transition.
« La transition devait se terminer le 26 mars 2024, mais elle a été reportée sine die, unilatéralement, sans débat au sein du gouvernement », a-t-il déclaré.
Pour lui, « le Premier ministre d’un pays ne peut pas apprendre par les médias que les élections ont été reportées. C’est à la télévision que les ministres ont appris que les élections étaient reportées.»
Applaudi par le public, le Premier ministre de 66 ans tente de rassurer ses partisans. « Nous avons une patience stratégique… Certains ont compris cette patience comme une faiblesse, mais nous sommes habitués à nous battre politiquement depuis 50 ans », a-t-il déclaré à l’auditoire.
Attention, « l’objectif de la conférence d’aujourd’hui est de faire comprendre à tous que, là où il y a des erreurs, nous devons nous ressaisir. Les Maliens n’accepteront jamais de laisser revenir ce qu’ils ont combattu. »
Crise inévitable entre Choguel Maiga et Assimi Goita ?
Les experts maliens sont tous unanimes : cette sortie du Premier ministre malien finirait par avoir lieu.
« Choguel Maiga était devenu un Premier ministre de facto », explique le journaliste politique Mohamed Attaher Halidou, car, selon lui, ces derniers mois, l’homme politique n’avait cessé de réclamer une clarification des termes de la transition.
Pour Brahima Mamadou Koné, analyste politique malien, M. Maiga n’a pas improvisé ce discours, mais il a su l’utiliser pour exprimer un désaccord devenu flagrant.
« C’est quelqu’un qui ne partage plus la vision actuelle de la conduite de l’action gouvernementale, depuis la nomination du ministre de l’Administration territoriale, le général-major Abdoulaye Maiga. Il s’est dit : si je démissionne personnellement, je me suiciderais politiquement, et a dit qu’il fallait faire cette sortie pour que le chef de l’Etat le limoge”, explique l’analyste politique.
Une période d’incertitude commence donc désormais, même si, pour Mohamed Attaher Halidou, le Premier ministre a prononcé un « discours de divorce », et désormais, M. Maiga est « un animal politique blessé ».
Pour Brahima, Mamadou Koné est allé plus loin, confiant à la BBC que la cohabitation était désormais impossible entre les deux camps menant la transition. Selon lui, on risque d’assister à une « action gouvernementale bloquée », précise-t-il.
Un divorce risqué ?
C’est désormais la grande question. Choguel Kokalla Maiga accompagne les autorités de transition au Mali depuis plus de trois ans.
Connu comme l’un des dirigeants du Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), le groupe à l’origine des manifestations qui ont conduit au coup d’État contre le président Ibrahim Boubakar Keita, M. Maiga se positionne, selon les experts, comme le principale figure civile de la transition.
Un divorce entre lui et les militaires ne peut donc se faire sans conséquences, estiment nos experts. Il est, selon ce dernier, une pierre qui pourrait mettre dans la peau des autorités militaires en place au Mali.
D’autant que Choguel Maiga détient une arme redoutable, une aile du mouvement M5-RFP, dont il est le leader. « Cette branche pourrait devenir une force de contestation contre les autorités de la Transition », estime Brahima Mamadou Koné.
Par ailleurs, après avoir été chef du gouvernement pendant plus de trois ans, M. Maiga connaît désormais l’appareil d’Etat. Pour Mohamed Attaher Halidou, “il pourrait se lancer dans un déballage des affaires de l’Etat qui mettrait à mal les autorités”.
Il ne faut cependant pas surestimer ses atouts, tergiverse le politologue Brahima Mamadou Koné, pour qui « Choguel Maiga a le charisme de sa fonction de Premier ministre. S’il est démis de ses fonctions, il ne pourra plus s’imposer comme leader capable de rassembler le M5-RFP, qui regroupe aujourd’hui trois factions distinctes.
Le Mali est dirigé par l’armée depuis août 2020, après un coup d’État contre le président Ibrahim Boubacar Keita, qui a suivi des mois de protestations de la société civile et de la classe politique.
Moins d’un an plus tard, un autre coup d’État a visé cette fois, en mai 2021, les autorités ayant pris le pouvoir au président Keita.
Le nouveau leader, devenu général Assimi Goita (alors colonel), a promis d’organiser des élections en février 2025, avant de les reporter à une date inconnue, invoquant des « raisons techniques » sans donner plus de détails.
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