Publié le 20 novembre 2024
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Contrairement à ce que rapporte le Times, l’Ukraine n’est pas en mesure de construire un simple engin à base de plutonium doté d’une technologie similaire à celle de la bombe Fat Man larguée sur Nagasaki en 1945. Même si le pays dispose de six sites de stockage de sources et déchets radioactifs , l’industrie et la technologie de fabrication de son combustible nucléaire sont entre les mains de la Westinghouse Electric Company, en Suède, et il y a fort à parier qu’il en va de même pour la gestion du combustible usé dont serait dérivé le plutonium239. Ce plutonium devra être rendu militaire par des spécialistes devenus aussi rares que les spécialistes civils en France, dans des installations dont le pays ne dispose pas. C’est encore plus vrai pour la fabrication d’une bombe à fission primitive à l’uranium censée être construite en 5 ans, en l’absence de capacité à enrichir cette dernière à 90 % en uranium 235, quelle qu’en soit la provenance.
En revanche, si, selon Sascha Bruchmann, analyste militaire à l’Institut international d’études stratégiques de Londres, la mise en place par l’Ukraine d’un programme d’armes nucléaires aurait un coût politique, économique et militaire prohibitif mettant en péril l’assistance de ses pays occidentaux. partenaires, ces derniers pourraient être moins prudents en ce qui concerne l’utilisation de projectiles à l’uranium appauvri. Il est cependant aisé d’imaginer que la tentation de recourir sans retenue à cette arme pourrait s’accroître chez les Ukrainiens en cas de progression de la Russie vers une victoire militaire.
On sait que les munitions à l’uranium appauvri que les États-Unis auraient livrées à l’Ukraine à l’automne 2023, avec la bénédiction de la Grande-Bretagne et au grand désarroi de Vladimir Poutine, auraient déjà été utilisées lors des deux conflits du Golfe. guerres, en Yougoslavie et, plus récemment, en Syrie. Nous savons également que nous les voulons pour leur pouvoir incomparable de pénétrer le blindage de char le plus épais et tout matériau de construction civil ou militaire. Enfin, nous savons que le droit international n’interdit pas son utilisation. Ce que l’on sait moins, c’est que l’ingéniosité dont les Ukrainiens n’ont plus à faire preuve pourrait ouvrir à de telles munitions un champ d’application bien plus large que le champ tactique limité à la destruction de chars.
L’uranium appauvri contient entre 0,20 et 0,25 % d’U235, tandis que l’uranium naturel en contient 0,7 %, ce dernier étant 225 000 fois moins radioactif que le plutonium. Non, ce qu’on demande avant tout à un uranium métal quasiment indéformable aux chocs, 1,7 fois plus dense que le plomb et trois fois plus dense que l’acier, c’est de pénétrer sa cible le plus profondément possible, quel qu’en soit le sujet. Or, c’est précisément à cause de l’épuisement du pouvoir destructeur de l’effet balistique de tels projectiles qu’un belligérant convaincu de n’avoir plus rien à perdre pourrait être tenté d’en utiliser largement et à haute fréquence, après les avoir améliorés. le rendement.
Lors de l’impact, l’énergie cinétique emmagasinée par cet effet balistique se transforme en chaleur, faisant fondre instantanément l’acier et les autres métaux présents, avec formation d’eutectiques. Tout cela provoquant la combustion éclair d’un uranium presque pulvérulent, comme un feu de magnésium, et le dégagement d’aérosols. La surpression interne communiquée à tout espace clos par l’énorme explosion est susceptible de détruire partiellement ou totalement l’infrastructure qui le contient. Dans tous les cas, ses occupants qui ne sont pas tués sur le coup risquent une mort rapide par asphyxie du fait de la disparition de l’oxygène consommé par la combustion.
Ajoutons que, selon la Commission canadienne de sûreté nucléaire, l’ingestion ou l’inhalation de grandes quantités d’aérosols et autres poussières métalliques peuvent nuire à la fonction rénale, en plus d’augmenter le risque de cancer du poumon, si elles sont inhalées à la longue.
Ainsi, l’Ukraine ne pouvait pas tarder à identifier tout le bénéfice stratégique qu’elle pourrait tirer du déploiement d’opérations de guerre assez inédites et le bénéfice qu’elle pourrait tirer dans un premier temps de la menace d’y recourir. à grande échelle, y compris sur le territoire de l’agresseur, partout où la logistique militaire, l’armement et le personnel mobilisé peuvent être réalisés. Cette évolution de la guerre pourrait tout au plus être décrite comme une guerre nucléaire dépendante ou une guerre nucléaire des pauvres, mais en aucun cas simplement une guerre nucléaire.
Il n’en demeure pas moins que, pour l’approvisionner, il faudrait que l’Europe seule lui fournisse durablement de l’uranium appauvri. Ses membres disposent de moyens suffisants, notamment la France et la Suède, fournisseur de combustible nucléaire sous l’égide américaine, récemment affiliée à l’Otan et déjà en situation de défense passive. Mais en auront-ils ou auront-ils la volonté ? Nous ne tarderons pas à le découvrir. La nouvelle administration de la Maison Blanche devrait bientôt signaler à l’UE que le financement de la guerre en Ukraine est plus son affaire que celle des Américains. Jusqu’où ira le désengagement de ces derniers ? Une chose est sûre dans tous les cas : n’ayant plus rien à perdre, les Ukrainiens ont déjà montré qu’ils étaient prêts à tout.
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